Je regrette sincèrement, pour des raisons d’agenda, de ne pouvoir être
avec vous ce soir à la Maison des Cultures du Monde pour cette
cérémonie.
J’ai toujours eu pour Jean Rouch une grande amitié et une immense
admiration. Lui qui, comme aucun autre, avait le souci de la préservation
du patrimoine visuel, quand il était à la tête de la Cinémathèque.
L’ethnologue, le documentariste, le professeur qui aura laissé un souvenir
inoubliable à ses étudiants de Nanterre ; celui qui aura mis en image sur
les traces de son maître Marcel Griaule, l’extraordinaire diversité de
l’aventure humaine et du patrimoine immatériel nigérien et malien, des
pêcheurs Sorko aux chasseurs Songhai, et bien sûr le pays Dogon et la
falaise de Bandiagara, où il aura eu l’occasion, celle qui ne se présente
qu’une fois dans une vie, de filmer les cérémonies du Sigui. Lui qui n’aura
pas oublié, non plus, que l’anthropologie est aussi un regard sur soi,
depuis Chronique d’un été. Lui qui gardait, au Musée de l’homme, la
mémoire d’une filiation intellectuelle qui remontait à la mission Dakar-
Djibouti. Je crois que si la vie lui en avait laissé le temps, il aurait
finalement regardé avec bienveillance ce que le Musée du Quai Branly,
aussi, est en train d’accomplir. Jean Rouch, c’était la profondeur du regard,
l’humour, l’amour de l’autre. Il nous manque.
Depuis sa disparition en 2004, le « Bilan du film ethnographique » porte
désormais son nom, et continue à nous « faire voir autrement le monde »,
à nous faire découvrir tous ceux qui en ont le talent, avec ses deux prix, le
prix Mario Ruspoli, et le prix du Patrimoine culturel immatériel - ce
patrimoine pour lequel la Maison des Cultures du Monde fait tant, sous la
présidence et la direction éclairées de Cherif Khasnadar et d’Arwad Esber.
Je tiens à saluer tout particulièrement Françoise Foucault, qui a travaillé
jusqu’au bout aux côtés de Jean : nulle autre qu’elle pouvait mener à bien
la rétrospective programmée pour ce trentième anniversaire. C’est grâce à
elle que nous est transmis aujourd’hui cet héritage sur lequel Henri
Langlois, Marcel Griaule, Claude Lévi-Strauss, André Leroi-Gourhan et
Jean Rouch auront veillé. Je tiens également à saluer bien sûr Laurent
Pellé, le coordonnateur du Comité du Film ethnographique, le CNRS et
Barberine Feinberg, les chercheurs et professeurs de l’EHESS qui sont
régulièrement très impliqués, tous les bénévoles passionnés qui
s’investissent dans ce festival, ainsi que ses autres partenaires : le
Muséum d’histoire naturelle, Suez environnement et sa filiale SITA qui
soutiennent le prix « anthropologie et développement durable », la Société
française d’ethnomusicologie, pour le prix Bartok, ou encore Le Cube à
Issy-les-Moulineaux.
Je suis par ailleurs très heureux que le réseau des bibliothèques
publiques, avec l’appui de mon ministère, puisse présenter une sélection
des films du festival, qui sera également présent en région, et au Niger,
pour cette date anniversaire.
Je souhaite que mon ministère puisse soutenir au mieux accompagner au
mieux le Comité du film ethnographique, auquel l’essor du cinéma
documentaire en France doit tant. À l’heure de la profusion des images et
des cultes de la vitesse, l’anthropologie visuelle, son temps long, celui de
l’attention et de la réflexion, de la mise en scène du réel, sont plus que
jamais d’actualité. Vous donnez chaque année de nouvelles lettres de
noblesse à ce décentrement du regard qui permet d’une manière unique,
au croisement du cinéma et de l’anthropologie sociale, de filmer le monde
en donnant à voir l’indicible.
Je vous remercie.