C’est un grand honneur et un véritable plaisir d’être ici parmi vous ce soir,
d’avoir pu assister à cette remarquable représentation, de dîner dans ce
cadre exceptionnel, pour fêter les 30 ans de l’Association pour le
Rayonnement de l’Opéra de Paris (AROP).
Vous savez combien la question du mécénat m’est chère et son essor est,
à mes yeux, une dimension essentielle de l’action culturelle. Les politiques
culturelles ont dans notre pays une assise très étatique : Marc Fumaroli a
évoqué non sans ironie il y a quelques années « l’Etat culturel ». La
nécessité s’imposait depuis longtemps de modifier ce rapport de l’artiste au
Prince, pour ouvrir un dialogue confiant et fécond avec tous les acteurs
économiques soucieux de s’engager dans le financement de la culture. La
loi du 1er août 2003 relative au mécénat et les mesures nouvelles qui l’ont
enrichie ont cherché à faire émerger dans la société civile un véritable
désir, même si je mesure les difficultés rencontrées par le monde de
l’entreprise au cours des derniers mois. La France a su très vite rattraper
son retard et divers acteurs - particuliers comme entreprises - se sont
engagés, appuyant les pouvoirs publics, dans le soutien à la culture et à la
création. Vous le savez, à mes yeux, la culture est un secteur économique
à part entière, elle est un investissement important, un enjeu essentiel de
l’attractivité de notre territoire. Elle est, surtout, un patrimoine commun qu’il
nous importe de léguer, mais aussi une expérience unique, intime,
charnelle. A l’heure de la numérisation comme horizon, rien ne remplace
l’expérience unique du rideau de scène qui s’ouvre, rien ne se substituera
au frisson ou à l’émotion suscités par la voix de la cantatrice, rien ne
modifiera l’émotion collective ressentie lorsque l’on entre dans les
vaisseaux du spectacle vivant dédiés à l’art lyrique. Lieux chargés
d’histoire ou lieux contemporains, ils sont souvent de ceux qui font se
rencontrer l’intime et le collectif, l’enchantement et l’effroi, la puissance et
le vibrato subtil : ils sont en d’autres termes des miroirs de notre condition
et des lieux de ce « bonheur » irradiant dont Stendhal éprouvait déjà le
sentiment à l’écoute de Rossini et de Cimarosa.
Lorsque l’AROP est née, il y a maintenant 30 ans, le mécénat était une
réalité encore fragile. Parvenue aujourd’hui à l’âge de la maturité, votre
association a connu un essor exceptionnel, témoignage de l’implication de
ses membres toujours plus nombreux.
Elle fait véritablement figure d’exemple, pour son soutien fidèle à l’une des
institutions culturelles les plus prestigieuses de notre pays, l’Opéra de
Paris. Réunissant autour d’une même passion partagée les amoureux de
l’opéra de toutes les générations et de tous les horizons, l’AROP est la
plus importante association de mécènes dans le secteur musical. L’Opéra
vous doit beaucoup, à vous, généreux donateurs, qui concourez à la
réussite et à la créativité artistique de l’une des scènes d’arts lyrique et
chorégraphique les plus remarquables.
Tous les partenariats que vous nouez sont une contribution essentielle au
financement des productions de l’Opéra, de ses tournées en France et à
l’étranger, de la restauration de son patrimoine et de ses programmes
pédagogiques. Modèle original de mécénat collectif, l’AROP n’a cessé de
porter toujours plus loin l’exigence sociale et culturelle du mécénat. Elle a
réussi à se développer, à se renouveler, à se réinventer. Elle a su
s’inscrire dans le temps long, grâce à votre engagement fidèle et constant.
Elle a su également, défi majeur à l’heure où l’environnement de l’opéra
devient global, à l’heure où les scènes lyriques des pays émergents
s’affirment, s’imposer sur le plan international. Vous avez ainsi établi un
dialogue constant avec d’autres structures étrangères, créant des liens
avec vos homologues, portant toujours plus loin le rayonnement de l’Opéra
de Paris. Je souhaite saluer cette association remarquable et l’assurer de
mon attention et de mon fidèle soutien.
Je suis heureux de voir que nous sommes tous ici réunis ce soir autour
des mêmes ambitions et des mêmes valeurs. La culture lyrique a besoin
de vous, l’Opéra de Paris a besoin de votre engagement et de votre
passion . Je suis en effet persuadé qu’il n’y a rien de tel pour conserver le
goût du romanesque et le sentiment du sublime « qu’une vie traversée
d’opéras », comme le fut celle d’Henri Bayle, comme le fut aussi la mienne
à bien des égards.
Permettez-moi enfin, pour conclure, de rendre hommage à Mildred Clary
dont nous avons appris la disparition aujourd’hui même. Généreuse, pleine
de charme et rayonnante, Mildred Clary laissera le souvenir d’une grande
dame. Luthiste, concertiste de niveau international, elle fut aussi une
brillante figure des médias et de la culture musicale. A travers ses
nombreuses émissions pour France Culture et France Musique, elle sut
faire voyager et rêver, en véritable cartographe des continents sonores :
les musiciens de l’Inde et du Japon les musiciens du XXe siècle, les chefs
d’orchestre, les grands interprètes, les hauts lieux de la musique en
Europe et à travers le monde. Comment oublier celle qui produisit L’ultime
traversée qui célébra l’année Mozart en 1991, l’Esprit des lieux, Mille et
une notes ? Soucieuse de transmettre au plus grand nombre, Mildred
Clary produisit également des émissions pour la télévision : La leçon de
musique pour TF1, Opus pour Arte. Avec elle s’éteint une musicienne, une
musicologue, mais aussi une réalisatrice brillante et claire, au talent
reconnu. Avec elle s’éteint une certaine idée de la musique et du répertoire
dans les médias ; avec elle s’éteint une amoureuse de la musique qui
savait découvrir mais aussi faire découvrir.
Discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, prononcé à l'occasion du gala de l’Association pour le rayonnement de l’Opéra de Paris
Mesdames et Messieurs les Ministres,Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,Monsieur le Président, cher Jean-Louis Beffa,Mesdames et Messieurs les mécènes,Chers Amis de l’Opéra de Paris,
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