Nous signons aujourd’hui cette charte d’engagement sous des auspices
particulièrement favorables.
Je veux parler tout d’abord des Journées européennes du patrimoine qui
viennent de se conclure hier. Leur succès renouvelé marque l’attachement
citoyen à la préservation et à la valorisation de nos biens culturels.
2010 et Brasília, c’est aussi pour la France un très bon Millésime : après
Salins-les-Bains l’année dernière, les deux dossiers présentés cette année
par la France ont été retenus par le Comité du patrimoine mondial. La Cité
épiscopale d’Albi, au titre des biens culturels, et les cirques, pitons et
remparts de l’île de La Réunion au titre des biens naturels viennent enrichir
la Liste du patrimoine mondial. Les doubles classifications de cette sorte
sont suffisamment rares pour nous rappeler qu’il nous faut nous montrer
dignes de cette reconnaissance internationale.
Les choses ont changé depuis 1979 et les premières inscriptions sous le
Label UNESCO, quand on classait Vézelay, Chartres, le Mont-Saint-
Michel, Le Château et le Parc de Versailles ou les grottes de la Vézère. Le
patrimoine n’a rien de figé ; il évolue avec les sociétés qui le portent et le
font vivre, il est une mémoire vive. Aujourd’hui, l’inscription des biens
culturels français sur la Liste du patrimoine mondial est d’autant plus
importante qu’elle nous permet de mieux accompagner les évolutions de
cette conception du patrimoine.
En effet, trois décennies plus tard, nous avons une idée plus claire de ce
qu’entraîne la reconnaissance par l’UNESCO. Nous mesurons désormais
les bénéfices qui peuvent en être attendus : une nouvelle notoriété
internationale qui se traduit par une attractivité touristique accrue, avec les
engagements que cela implique. L’inscription sur la Liste du patrimoine
mondial est un levier avéré pour le développement de nos territoires. Elle
permet d’initier des projets mobilisateurs et novateurs autour du patrimoine,
qui lui donnent sens dans la durée.
C’est là que la logique des gains ne doit pas nous faire perdre de vue
l’esprit de la Convention de 1972. Ce qui est aussi et surtout en jeu, c’est
la préservation et la valorisation d’une reconnaissance internationale, celle
de la « valeur universelle exceptionnelle » des biens inscrits. Ce n’est pas
qu’une histoire d’Ambassadeurs qui s’échangeraient des médailles en
chocolat dans des couloirs feutrés. Ce ne sont pas seulement des visites
d’experts sourcilleux et parfois redoutés des élus locaux. C’est surtout une
exigence, placée à l’aune du « principe responsabilité » dont parlait Hans
Jonas, et qui s’applique à tous les acteurs en présence. Souvenons-nous
que la Liste du patrimoine mondial en péril n’est pas là que pour nous
rappeler formellement à l’ordre : les déclassements sont désormais, on le
sait, une réalité. Le respect de la Convention est devenu un enjeu qui
mobilise pleinement les collectivités locales et l’Etat, avec l’exemplarité
comme objectif. En un mot : l’universel, cela se mérite.
Ce qui a également changé, c’est l’implication d’une plus grande variété
d’acteurs. L’inscription à la Liste du patrimoine mondial et les
engagements qui en découlent ne sont plus l’affaire des seuls
professionnels du patrimoine.
Les quelque 35 sites français classés, dont 31 sont des biens culturels,
peuvent être des monuments, des domaines, des quartiers historiques ou
encore des paysages culturels : les statuts de propriété et les structures
impliquées varient pour chacun, entre acteurs publics, privés, associations
et établissement publics. Face à cette variété de situations, les
collectivités territoriales ont pris l’initiative de créer il y a trois ans
l’Association des Biens français du patrimoine mondial - que vous
présidez, cher Yves Dauge. Cette initiative que je tiens à saluer nous
invite en effet à oeuvrer pour un engagement commun des élus, des
propriétaires privés et des collectivités.
C’est bien dans cet esprit que s’inscrit la Charte que nous signons
aujourd’hui avec Chantal Jouanno : un partenariat renouvelé
entre collectivités locales et Etat, dont les engagements respectifs,
notamment, sont clarifiés.
En prenant en compte l’ensemble de la « chaîne du patrimoine », qui va
des premiers inventaires jusqu’à la gestion prévisionnelle, la Charte nous
donne également de nouveaux outils pour renouveler le dispositif de
gestion des biens inscrits à la Liste du patrimoine mondial :
- Elle nous permet notamment d’établir une procédure claire et
transparente pour les candidatures. Cela s’avère d’autant plus nécessaire
que les candidatures affluent, et qu’elles impliquent bien souvent des
années de préparation ;
- La Charte nous incite à une responsabilisation accrue. Les dispositifs de
suivi seront ainsi plus réguliers et plus efficaces, via des comités d’experts
auprès des ministres concernés, ainsi que des référents pour chaque site
dans les services déconcentrés de l’Etat, afin de garantir l’exemplarité de
la préservation ;
- La Charte vise également à faire en sorte que les biens anciennement
inscrits puissent être dotés de plans de gestion. Il s’agit là d’une demande
du Comité du patrimoine mondial depuis plus de dix ans, à laquelle il faut
répondre.
La Charte se propose également d’être déclinée suivant des conventions
établies localement pour chaque bien. Elles viendront définir un plan
d’action rassemblant tous les partenaires impliqués autour de nos
objectifs communs : protection, valorisation, et logique de développement
durable. Cette idée présente à mes yeux de nombreux avantages.
- Au coeur de la question patrimoniale il y a - vous le savez mieux que moi
- l’arbitrage délicat entre développement et conservation. Cet arbitrage
bénéficie désormais d’un cadre qui lui permettra de rassembler avec plus
de clarté les différents acteurs impliqués.
- Les conventions permettent de prendre en compte le fait qu’il n’y a pas,
en matière de préservation, de recettes toutes faites : le patrimoine
mondial, c’est aussi du sur-mesure.
- L’ensemble de ce nouveau dispositif patrimonial permettra ainsi de
mieux relier le cas par cas à une mise en cohérence à l’échelle nationale,
dont nos deux Ministères ont la charge.
Au croisement du local, du national et de l’international, la gestion des
sites du patrimoine mondial nous incite à « penser global » et à « agir
local » - pour reprendre la célèbre formule de René Dubos. Elle est
également porteuse d’une démarche suivant laquelle le patrimoine est
l’affaire de tous, et c’est cette démarche que je veux mettre en valeur par
ce type d’engagement. Je vous remercie.
Discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, prononcé à l'occasion de la signature de la Charte d’engagement sur la gestion des biens inscrits à la Liste du patrimoine mondial
Madame la Secrétaire d’Etat, Chère Chantal Jouanno,Monsieur le Sénateur, cher Yves Dauge,Madame la représentante du Centre du patrimoine mondial, (MechtildRössler),Monsieur le délégué permanent adjoint auprès de l’UNESCO, (Hubert deCanson),Monsieur le Président de la Commission nationale française de l’UNESCO(Jean Audouze),Chers amis,
Partager la page