« ARTEM non odit nisi ignarus » : « l’art n’est odieux qu’à l’ignorant ».
Cette maxime, que j’ai pu lire au fronton d’un musée berlinois, lors de
mon récent voyage à l’occasion du 20e anniversaire de la chute du Mur,
me semble convenir à merveille au projet d’ARTEM, depuis sa création il
y a tout juste 10 ans : un projet de connaissance, de recherche et de
culture, bien digne de cette ville des Lumières qu’a toujours été et que
demeure NANCY.
ARTEM est aussi un bel acronyme – ce qui est un tour de force ! – pour
« Art – Technique – Management ». Mais c’est, surtout, une belle
manière de faire tomber les murs et un beau projet d’« alliance », non
pas seulement de trois écoles ou de trois structures, mais de tout ce qui,
autrefois, ressortissait aux « arts » : les "arts mécaniques, dont relève
l’École des Mines de Nancy, et les beaux-arts, représentés par l’École
nationale supérieure d’art. Quant au management et au commerce, qui
n’ont été enseignés que beaucoup plus tard dans l’histoire et qui sont ici
représentés par l’ICN-École de Management, ils constituent ce qu’on
pourrait appeler des arts de la communication et de l’échange.
Ce magnifique principe de l’« alliance », il est inscrit en quelque sorte
dans le patrimoine – je dirais presque génétique – de la célèbre École
de Nancy, définie par ses fondateurs comme l’Alliance provinciale des
industries d’art, sans doute parce que Nancy, comme Metz où je me suis
rendu avant de venir ici, a toujours associé l’art et la technique, en
raison de son glorieux passé industriel.
Mais je vois aussi une autre généalogie de cet esprit d’alliance, c’est, je
le disais, celui des Lumières et des Encyclopédistes, qui n’a jamais
cessé de s’exercer sur cette ville, jusqu’à l’édile éclairé qui la dirige avec
le succès que chacun connaît depuis plus de 25 ans, et dont les efforts
et la détermination ont été récompensés : merci, M. le Ministre, M. le
Député-Maire et Président de la Communauté urbaine du Grand-Nancy ;
merci, cher André ROSSINOT !
L’alliance, c’est d’abord l’interdisciplinarité et la transversalité des
approches qui, avant même de se traduire dans cet espace partagé, est
d’ores et déjà assurée par des « ateliers », où des étudiants en art, par
exemple, peuvent s’initier au management, des ingénieurs au design, des
managers à la peinture ou à l’histoire de l’art. Loin d’être simplement
anecdotique, cette pluridisciplinarité et cette diversité de la formation
constituent une dimension essentielle de cette priorité pour le
gouvernement que sont l’insertion professionnelle des étudiants et la
création d’emplois. Car de plus en plus, aujourd’hui, il convient d’allier à
ses compétences les plus pointues dans sa discipline de base, une
culture générale, scientifique, économique, qui permet de la valoriser
pleinement.
L’alliance, que symbolise et surtout que réalise ARTEM, c’est aussi, bien
sûr, la création de ce pôle d’excellence, dans une logique de
regroupement des forces et des énergies. Car pour exister, notamment
sur le plan international, il faut être visible. Le principe du campus que
nous mettons en oeuvre en créant ces passerelles et en mutualisant
certaines de nos ressources, vous savez qu’il a été retenu aussi par les
rapporteurs du Grand Emprunt, dont le Président de la République
dévoilera prochainement les lignes définitives.
Ce pôle de compétences se combinera à d’autres réseaux – je pense, par
exemple, et pour en rester au cas de l’École d’art qui relève de mon
ministère, au Réseau des écoles supérieures d’art du Grand-Est qui
regroupe 9 écoles implantées dans cinq régions différentes, ou conduira,
je l’espère, à des partenariats avec d’autres écoles et d’autres villes,
comme celle de Metz, toute proche. Rien n’empêche, par exemple,
d’imaginer une collaboration plus étroite de l’ENSAN avec l’Établissement
public de coopération culturelle (alias EPCC) que sont en train de
constituer les écoles de Metz et d’Épinal.
L’alliance, c’est enfin – last but not least – celle des différentes institutions
et des différents acteurs qui ont concouru à lui donner une existence
réelle dans la cité, dont cette pose de la première pierre est la
matérialisation symbolique, mais aussi bien tangible : outre la coopération
entre les quatre ministères de la Culture et de la Communication, de
l’Éducation nationale / Enseignement supérieur et recherche (dont je
salue le représentant, M. Patrick HETZEL), et de l’Industrie, il y a bien sûr
celle entre les collectivités territoriales – le conseil régional, le conseil
général, ainsi que, je l’ai dit, la ville et la communauté urbaine – et les
services de l’État, avec lesquels ils ont travaillé en étroit partenariat, sans
oublier, bien sûr, les partenaires privés regroupés au sein d’ARTEM
Entreprises. Je me réjouis de cette alliance vertueuse entre secteurs
public et privé, propre à renforcer l’attractivité de nos territoires et de nos
pôles de recherche. Pour cela, nous avons besoin de toutes les énergies
réunies. Le ministère de la Culture n’est pas en reste, vous le savez,
puisqu’il ne verse pas moins de 11 millions d’euros dans ce projet, selon
les termes d’une convention avec la Communauté Urbaine qui sera
signée tout prochainement.
C’est ce type de projets qui montre bien que la culture ne doit pas être
enfermée dans son pré carré, mais fait désormais partie des forces vives
grâce auxquelles nous allons construire l’économie de demain : nous
venons encore de le réaffirmer au 2e Forum d’Avignon, dont je reviens tout
juste, au cours duquel nous avons tenté de mettre au jour les « Stratégies
culturelles pour un nouveau monde ».
Je tiens donc à remercier chaleureusement, outre André ROSSINOT, tous
les élus qui ont oeuvré à la réussite de cette coopération, et en particulier
ceux que j’ai le plaisir de rencontrer ou de retrouver ici – M. le député et
ancien ministre Laurent HENART, Mme la députée Valérie ROSSODEBORD,
M. le Sénateur Philippe NACHBAR pour sa forte implication
dans les affaires culturelles au sein de la Haute Assemblée, ainsi que les
Présidents des Conseils régional et général, M. Jean-Pierre MASSERET
(lui aussi ancien ministre) et M. Michel DINET. Je n’oublie pas bien sûr le
travail exemplaire de M. François LAURENT, Président d’ARTEM et de
l’Institut national polytechnique de Lorraine, qui a su fédérer autour du
projet commun les efforts de ses collègues et de ses partenaires. Je salue
également Monsieur Antonio - José GUZMAN, directeur de l’école
nationale supérieure d’art et les nombreux acteurs de la vie culturelle,
scientifique et économique nancéienne, qui ont contribué et contribueront
encore à enrichir ce pôle par de nouvelles coopérations.
En somme, cette alliance à laquelle nous convie ARTEM possède la force
d’un alliage, principe bien connu des ingénieurs des Mines et bien naturel
dans cette région de sidérurgie. Les nouveaux alliages de l’économie de
la connaissance, dont ARTEM constitue l’emblème, sont à coup sûr
aujourd’hui les mieux à même de créer une croissance durable. Dans la
crise économique et financière que nous traversons depuis un an et demi,
la culture apparaît bien comme un pôle de résistance et de résilience : la
faire intervenir dans l’alliage inédit d’un pôle de recherche interdisciplinaire
associant trois types complémentaires d’art et de technique est, à
l’évidence, la meilleure façon d’investir dans notre avenir.
Culture et recherche procèdent d’une même curiosité, que les
scientifiques et les artistes ont en partage. À Paris aussi, nous allons
créer, grâce au regroupement du Palais de la Découverte et de la Cité des
Sciences et de l’Industrie piloté par Mme Claudie HAIGNERÉ, un grand
centre associant la culture scientifique et la technique.
C’est pour toutes ces raisons que je tenais absolument à être présent
pour cet acte fondateur du campus d’ARTEM, dans cette ville qui a su
rester fidèle à l’esprit des Lumières : celui d’une ouverture des disciplines
et des pratiques, et surtout celui d’une ouverture à l’autre.