trois points principaux, sans lesquels il n’y a pas de bonne construction
possible. Le premier est le choix d’un emplacement convenable, le
second la solidité des fondements, le troisième la perfection de l’exécution
des détails et de l’ensemble ”. Eh bien je crois que la première pierre du
Louvre-Lens que nous allons poser ensemble répond bien à ces
exigences.
Il faut donc d'abord et avant tout, si l'on en croit GOETHE : UN
EMPLACEMENT BIEN CHOISI...
Si la ville de LENS a été choisie, il y a 5 ans presque jour pour jour, parmi
6 villes candidates, c'est bien parce qu'elle constitue un site idéal en tous
points.
Parce que LENS est un site symbole. Cette ville est pour nous tous, par
excellence, attachée à l’épopée de l'industrie minière. Elle a été l'une des
pionnières et l'un des piliers de la révolution industrielle à la française.
LENS, c'est, vous le savez, le grand mythe de la mine qui est toujours
vivant dans nos mémoires à tous, cette forme de travail qui était aussi une
manière de sacrifice, dont toute la France a profité. Et, comme si ce n'était
pas suffisant, vous connaissez tous l'histoire des villes industrielles, des
villes les plus en pointe. Par un renversement véritablement dramatique,
dès que la modernité change de peau, elles sont les premières à en subir
les conséquences.
Oui, l'emplacement est bien choisi, et le symbole est fort, de greffer ici
même ce luxe de la beauté de l'un des musées les plus prestigieux du
monde.
Emplacement bien choisi, disais-je, et jusque dans sa localisation la plus
précise, car c'est sur un ancien carreau de mine que veillera désormais le
plus célèbre musée de France avec sa mine de chefs-d'oeuvre admirés
dans le monde entier, avec cette part de rêve et de lumière qui sont
comme une réponse à la nuit d'autrefois.
Mais l'emplacement ne vaut pas seulement par la mémoire et par le
symbole, mais aussi et surtout les "promesses de bonheur" qu'il porte,
pour reprendre l'expression par laquelle STENDHAL décrit la beauté.
LENS est le lieu idéal pour ce LOUVRE nouveau parce qu'elle est située à
des croisements. Elle est non seulement à la croisée des grands centres
voisins que sont LILLE et ARRAS, mais également, à plus grande échelle,
au carrefour de l’Europe, au coeur d'une eurorégion où la puissance
culturelle est un atout. Là encore, c'est une réponse de l'avenir à
l'histoire : car cette situation de confluence européenne, qui a été jadis
une autre cause de souffrance dans ces deux guerres mondiales qui
passèrent par LENS et même s'y installèrent, est évidemment aujourd’hui
ce qui fait sa force et son attractivité dans l'espace de paix européen. Et il
est évident que le LOUVRE et ses trésors attireront désormais nos amis
anglais, belges, néerlandais, nos amis allemands aussi. Ils seront
davantage tentés d'inscrire LENS dans leurs itinéraires français.
La deuxième exigence exaltée par GOETHE, c'est qu'une construction
doit reposer sur des FONDATIONS SOLIDES. Et là encore, ce projet me
semble exemplaire.
Je ne parle pas seulement, bien sûr, des FONDATIONS réelles et
concrètes et de cette première pierre que nous allons modestement poser
aujourd'hui. Je veux parler aussi des FONDEMENTS qui ont inspiré ce
projet. Et le premier d'entre eux, c'est cet idéal qui m'anime d’une culture
non seulement pour tous, mais, comme j’aime à le dire, d'une culture pour
chacun. Pour tous, cela voudrait dire que nous restons à Paris et que
nous attendons que "tous" viennent visiter nos musées… Et ensuite, il est
facile de s'étonner que ce soient toujours les mêmes qui en poussent les
portes. Car ce qui est offert uniformément "pour tous" se termine souvent,
on le sait, pour quelques-uns, pour une poignée de happy few. Ce serait
trop simple!
Pour "chacun", cela signifie que l'Etat et ses établissements publics
savent faire la moitié du chemin lorsque cela est nécessaire. Cela veut
dire que chacun, où qu'il soit, d'où qu'il vienne, dans la richesse de sa
différence, a une chance de rencontrer ce qu'il y a de meilleur.
Or, ici, à LENS, les nombreuses signatures des livres d'or l'ont amplement
démontré, la demande culturelle était très forte et le sentiment d'un
manque était évident. J'y insiste : il ne s'agit pas d'une démarche
volontariste de création de la demande, d'une sorte de "politique
keynésienne de la relance" adaptée à la culture. Il s'agit véritablement de
répondre à un besoin et non seulement à une nécessité.
Un autre principe excellent sur lequel repose ce projet, son autre
fondation, c'est l'audace et le sens de l'innovation qui ont animé le plus
vieux musée de France, assez fort et assez sûr de lui-même pour se
réinventer et partir en quête de formules nouvelles. Après ABU-DHABI et
les territoires lointains, cette grande institution nationale a voulu aller au
devant de ses publics en région. Et bien évidemment, il ne s’agit pas,
comme on le lit parfois, d'une "antenne", qui me semble plutôt appartenir
au monde de l'espionnage qu'à l'univers des musées ! Il ne s'agit pas
d'une copie ou d'une réplique, mais bien d'un lieu de mise à disposition
des chefs-d'oeuvre des collections du LOUVRE. Et lorsque l'on sait à quel
point le choix, l'ordre et le tri sont les fonctions mêmes du goût, je ne
doute pas que ce LOUVRE-LENS ne dessine très vite sa propre
personnalité, en accord avec la "maison mère", mais de manière sans
doute novatrice pour elle, par un effet de retour qu'il est vraisemblable
d'espérer. Ce sera en tout cas, à n'en pas douter, un médiateur de
proximité, à la manière de tant d'autres musées, mais avec cette
originalité d'être la porte d'entrée lensoise d'une grand musée national.
C'est une manière insolite, qui fera école, j'en suis sûr, et j'en veux pour
preuve le Centre Pompidou de Metz, de casser la gangue de l’intimidation
sociale de la culture.
C'est, à mon sens, une manière intelligente d'amplifier et de moderniser la
politique de décentralisation qui n'a cessé d'être celle de notre ministère
de la Culture depuis sa création il y a tout juste 50 ans.
Aujourd'hui, à l'ère d'Internet, on pourrait croire qu'il suffit de numériser
nos oeuvres pour offrir un accès à chacun. Mais en réalité – et vous savez
à quel point je suis favorable à la numérisation de nos contenus culturels,
que j'ai identifiée comme un enjeu essentiel de mon mandat – le
numérique ne périme évidemment pas la présence. Le numérique
constitue une vitrine, un repère, une invitation au voyage et à la
découverte, mais rien ne remplace et ne remplacera la présence directe
avec les chefs-d'oeuvre. C'est pourquoi le LOUVRE-LENS n'est pas une
vitrine, mais un musée à part entière, c'est-à-dire un haut lieu de rencontre
avec des oeuvres, dans leur matérialité même, cette mystérieuse
matérialité des oeuvres picturales.
C'est pourquoi le LOUVRE-LENS n'est pas là pour ouvrir sur le LOUVREPARIS,
mais pour faire rayonner la ville de LENS, j'en ai dit un mot tout à
l'heure. Il est le premier fondement d’un grand enjeu de développement
urbain et de valorisation économique par la culture. Nous savons
désormais – le récent Forum d’Avignon sur l’Economie et la Culture vient
encore de le démontrer avec force – que la culture joue chaque jour un
rôle plus central et plus crucial dans nos économies modernes, parce
qu'elle crée la qualité de vie qui attire et qui fixe, et qui est un élément
d'une écologie de la ville. Le LOUVRE-LENS s'inscrit dans cette logique
que confirme la construction prochaine d’un tramway. Et je suis persuadé
que, par un effet d’entraînement, ce musée sera le point de départ d'un
fort renouveau non seulement économique, mais culturel de toute la ville,
qu'il créera un appel d'air pour la créativité et conduira la ville à suivre des
évolutions comparables à celles de LIVERPOOL ou de BILBAO.
Tout cela est possible aussi parce que la meilleure des fondations a été
respectée : le partenariat. Je tiens à remercier chaleureusement : la
région Nord-Pas-de-Calais, le département du Pas-de-Calais, la
Communaupole et de la Communauté de communes, la ville, mais aussi,
et c’est très important, l’Union européenne et plusieurs entreprises
mécènes qui se sont associées à ce projet de développement et de
valorisation, en particulier VEOLIA, NEXANS, le CREDIT AGRICOLE
NORD, AUCHAN…Sans oublier, bien sûr, le soutien de l’Etat, du
ministère de la Culture et de la Communication. Ma collègue du
gouvernement Valérie LETARD a été, plus d'une fois, l'ambassadrice de
sa région auprès de ses collègues du gouvernement et je l'en remercie
aussi très sincèrement.
Un lieu idéal et des fondations solides : les deux premières exigences du
maçon de GOETHE sont donc pleinement remplies. La troisième, vous le
savez, c'était UNE RÉALISATION PARFAITE, nous devrons bien sûr
attendre la fin des travaux dans un peu plus de 2 ans, en 2012, mais j'ai
bon espoir que les équipes japonaises feront sortir de terre les
magnifiques épures qu'elles nous ont promises, et qui, dans leur
simplicité, me semblent la parfaite image d'une culture qui sait trouver le
chemin de chacun.
Voilà donc ce que je voulais vous dire. Je suis très ému et très heureux de
poser cette première pierre qui est à la fois un point d’aboutissement et un
point de départ et d'attente impatiente.
Je suis certain en tout cas que ce projet fondé sur les meilleurs principes
et surtout sur l'attente du public lensois construira, partout dans la ville,
dans la région et l'eurorégion, les nouvelles affinités électives dont se
construira non seulement la culture, mais la société de demain.
Je vous remercie.