Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd’hui, à l'occasion du MIP
COM, rendez-vous majeur pour tous les acteurs de l’audiovisuel, Français
et internationaux. Il place la chaque année la ville de Cannes au centre de
la planète audiovisuelle. Il est un moment important pour moi qui ai fait de
la numérisation et des « nouveaux territoires » de la communication l’une
des priorités de mon action rue de Valois.
Le MIP COM réunit diffuseurs, producteurs et distributeurs, mais
également les acteurs d’Internet, du mobile et de la télévision interactive. Il
a toujours été un lieu de débat sur les nouvelles tendances et l’innovation
en matière d’audiovisuel. En témoigne le thème central de cette édition
2010 : redéfinir les expériences du divertissement à l’heure des médias
numériques. C’est un événement particulièrement important à l'heure où de
nouveaux défis voient le jour. Les téléviseurs connectés permettent
dorénavant une convergence des univers de l'audiovisuel et de l'internet
sur le même support. Cette convergence est une réalité qui s’impose : près
de 10 millions de Français peuvent aujourd’hui accéder à la télévision par
Internet, et par ailleurs le marché de la vidéo à la demande connaît une
croissance accélérée depuis plusieurs mois. Cette convergence a
également un impact considérable pour les futurs contours de l’audiovisuel,
que Dominique RICHARD analyse dans le cadre de la mission que je lui ai
confiée à la suite du dernier MIP TV.
De nouveaux défis émergent, de nouveaux moyens de diffusion
apparaissent, mais cela suppose de rappeler sans cesse l'importance des
contenus. Dans ce contexte, je souhaite développer devant vous trois
points.
- D’abord revenir sur le renforcement du financement de la
création et de la production française, malgré un contexte
économique et budgétaire difficile.
- Ensuite et c’est un corollaire, souligner le caractère crucial
d’une meilleure exposition et d’une meilleure circulation des
oeuvres.
- Enfin poursuivre une politique de « relance audiovisuelle » à
même de favoriser l'adaptation et la modernisation de nos
mécanismes de soutien public
Le renforcement du financement de la création et de la production
européenne et française
Je présentais il y a quelques jours le projet de budget 2011 pour
l'audiovisuel public. Malgré la contrainte pesant sur le budget de l'Etat et
grâce au dynamisme de la contribution à l'audiovisuel public (l'ex
“redevance”), désormais indexée sur l'inflation, le budget de l'audiovisuel
public est préservé. Il est même en progression afin de financer les
ambitions éditoriales de France Télévisions, notamment le niveau
ambitieux de ses investissements dans la création audio-visuelle française
et européenne. Il en est de même s'agissant d'ARTE.
A l’égard de France Télévisions, je souhaite être clair et dissiper les
inquiétudes de certains depuis l’annonce, jeudi dernier, de la position de la
Commission européenne concernant la taxe sur les opérateurs de
télécommunication. Si nous contestons les griefs adressés par la
Commission européenne concernant cette taxe, si nous allons argumenter
sur le terrain du droit, il est nécessaire de rappeler que cette taxe abonde
le budget de l’Etat et n’est pas affectée au financement de France
Télévisions.
Il n’existe pas de lien entre le financement budgétaire de France
Télévisions, qui vient compenser la suppression de la publicité en soirée, et
ladite taxe. Le financement de France Télévisions n’est pas menacé. Il a
d’ailleurs été validé et pérennisé par une décision de la Commission
européenne le 20 juillet dernier. Il a été sécurisé dans le cadre du projet de
loi de finances 2011.
Cette précision faite, je souhaite également souligner que les télévisions
privées sont aussi un acteur essentiel du financement de la création. Le
marché de la télévision se porte bien, qu'il s'agisse des abonnements ou
des recettes publicitaires. Après la crise rencontrée par le marché
publicitaire, cette reprise est une excellente nouvelle pour la création
audiovisuelle, dont nous devons nous réjouir.
Les télévisions commerciales investissent massivement dans la création
française. Depuis cette année, elles interviennent dans un cadre renouvelé.
Deux décrets du 27 avril et du 2 juillet 2010 ont en effet achevé le
processus - engagé il y a 3 ans - de modernisation de la réglementation
applicable aux chaînes de télévision en matière de contribution à la
production audiovisuelle. La contribution des diffuseurs au financement de
la production et de la création européenne, mais aussi d'expression
française est un principe fondamental de notre politique audiovisuelle. Il en
va de la diversité culturelle, il en va de la promotion d’une certaine idée de
la télévision et des médias.
Les autorités françaises se sont longuement battues pour la promotion de
ces principes notamment lors de la négociation de la directive sur les
services de médias audiovisuels du 11 décembre 2007 (directive SMA),
modifiant la directive sur la télévision sans frontières (TVSF). Elles ont
obtenu l'inclusion des nouveaux services audiovisuels à la demande dans
le champ de la réglementation communautaire.
Le décret appelé à définir le régime de ces services – déjà appelé le
“décret SMAd” – va être prochainement soumis à l’examen du Conseil
d’Etat. Il étend à de nouveaux acteurs les principes de contribution à la
production d’une part et d’exposition substantielle des oeuvres
européennes et françaises d’autre part. Cela se fera de manière adaptée,
concertée : il s’agit de ne pas entraver le développement de l’économie
naissante des médias audiovisuels à la demande.
C'est un chemin de crête difficile, exigeant. Il a suscité et suscitera, je n’en
doute pas, des positions divergentes. La concertation a été intense et
suivie avec les professionnels pour aboutir au dispositif aujourd’hui
proposé. Compte tenu de la nouveauté de ce dernier, dans un marché
mouvant et incertain, nous poursuivrons la concertation en procédant à une
évaluation à moyen terme, en mesurant les effets du mécanisme qui va
être mis en place. Mais je tiens à être clair : c'est la responsabilité de l'Etat
de poser les principes d'intérêt général et d’agir en tenant compte des
intérêts légitimes et parfois contradictoires des uns et des autres.
Je tiens dans ce contexte à rappeler l'importance de la circulation des
oeuvres, thème sur lequel mon Ministère ainsi que le Conseil supérieur de
l'audiovisuel sont particulièrement mobilisés.
La Direction générale des médias et des industries culturelles a récemment
rendu publique une étude analysant le niveau de la circulation des oeuvres
chez nos voisins européens. Le CSA a publié pour sa part une étude et a
formulé des propositions.
Je suis convaincu que le développement d'une offre légale de programmes
audiovisuels sur Internet va de pair avec la fluidité des droits liés à ces
programmes. Cette fluidité est également nécessaire pour les services de
médias audiovisuels à la demande qui feront l'objet de nouvelles
obligations de diffusion et de production à partir du début de l'année
prochaine.
Dans ce cadre, il me semble essentiel de favoriser la qualité des relations
entre diffuseurs et producteurs, dans le prolongement des travaux de
Sylvie HUBAC, à qui le Centre national du cinéma et de l'image animée a
confié la tâche de réfléchir notamment aux pistes de développement des
Smad et à leur impact sur la création.
Ainsi, la mise en place d'un médiateur de la création audiovisuelle est une
voie à explorer. Il serait un référent en matière d’accès aux oeuvres pour
les diffuseurs de télévision et pour les éditeurs de VOD. Le médiateur du
cinéma a prouvé son efficacité : il ne peut être transposé tel quel ; mais il
peut en revanche être une source d'inspiration. Il nous faut innover,
expérimenter, en poursuivant un seul but : améliorer la circulation des
programmes au bénéfice de l'ensemble des diffuseurs, télévisions et
médias audiovisuels à la demande, mais aussi in fine pour améliorer
l’accès aux oeuvres pour tous nos concitoyens.
Vous connaissez l’engagement du ministère pour le développement de
l’offre légale de contenus culturels sur internet. J’ai indiqué un certain
nombre de pistes à l’occasion de la conférence de presse consacrée aux
investissements d’avenir. A cet égard, je souhaite ouvrir une rapide
parenthèse. Je me félicite que les auteurs-compositeurs puissent être
rémunérés pour la diffusion de leurs oeuvres sur YouTube. L’accord conclu
récemment entre la Sacem et YouTube vient ponctuer une démarche de
concertation à laquelle je suis particulièrement attaché.
Je souhaiterais évoquer un dernier point devant vous : l'adaptation et la
modernisation des mécanismes de soutien public à l’audiovisuel, en
particulier ceux gérés par le Centre national du cinéma et de l’image
animée.
Nous devons faire face à deux évolutions :
- En premier lieu, l’accroissement de la production d’oeuvres patrimoniales,
lié aux obligations des nouveaux canaux de diffusion - les chaînes de la
TNT, du câble et du satellite – mais aussi à l’apparition prochaine des
chaînes compensatoires la TNT.
- En second lieu, la croissance de la production multi-supports et de la
production spécifique destinée à internet
En conséquence, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC)
met en oeuvre un important plan de soutien axé sur trois points.
1er point : un renforcement du budget des aides sélectives à la production
audiovisuelle.
Cela se traduit par l’augmentation de ce que l’on appelle les aides au
réinvestissement complémentaire, sous forme d’avances. Il s’agit
d’accompagner la croissance des entreprises existantes et leur permettre
de faire face aux nouvelles demandes des diffuseurs en matière d’oeuvres
patrimoniales. Une dotation budgétaire de 30 M sur € 3 ans permettra de
prolonger l’efficacité du dispositif. Il donnera aux producteurs les moyens
de répondre rapidement aux demandes des chaînes, et notamment les
nouvelles chaînes de la TNT, sans mettre en péril leurs capacités de
financement.
Ce renforcement passe également par une augmentation de l’aide
sélective à la production, avec plus de 4 M€ sur 3 ans. Il s’agit de favoriser
la création de nouvelles structures de production, plus petites, fortement
impliquées sur ces nouveaux marchés.
2ème point : ce plan de soutien via les aides sélectives s’accompagnera
d’une augmentation de la dotation pour le soutien automatique audiovisuel,
qui représentera plus de 45 M€ sur 3 ans.
3ème point : le CNC va compléter rapidement, d’ici la fin de l’année 2010,
son dispositif d’aide aux pilotes. Le soutien qui existe déjà pour les pilotes
dans le secteur de l’animation va être ouvert aux autres genres, à savoir la
fiction, le documentaire et le spectacle vivant. Une enveloppe de 2 M€ y
est déjà consacrée en 2010.
Ce sont des efforts substantiels qui traduisent la réactivité mais aussi
l’adaptation du CNC au nouveau paysage audiovisuel et aux nouveaux
médias.
Un autre chantier va également aboutir très prochainement. Il s’agit de
l’ouverture du soutien automatique audiovisuel à la production pour
internet. En d’autres termes, c’est ce que l’on pourrait appeler le « Web
cosip ».
Le processus de concertation engagé par le CNC avec les organisations
professionnelles touche désormais à sa fin. D’ici la fin du mois d’octobre,
une version stabilisée du projet de décret leur sera proposé. L’objectif est
la publication du décret avant la fin de l’année pour une mise en application
au 1er janvier 2011. Le décret devrait prévoir une durée expérimentale de
2 ans permettant les ajustements nécessaires.
Il s’agit d’une évolution majeure qui permettra d’adapter notre système de
soutien automatique aux nouveaux modes de consommation des oeuvres
patrimoniales. L’internet et les supports mobiles sont aujourd’hui des
modes d’accès alternatifs pour nombre d’oeuvres : nos politiques publiques
et nos politiques de soutien doivent en tirer toutes les conséquences. C’est
aujourd’hui un enjeu prioritaire pour mon action à la tête du Ministère, en
gardant à l’esprit que la notion d’oeuvre et de création est absolument
centrale.
Je voudrais enfin évoquer le renforcement de l’aide à la 3D.
Afin de répondre aux attentes des producteurs, qui souhaitent anticiper la
croissance de la diffusion en relief, le CNC a décidé d'amplifier son effort
en faveur des oeuvres originales ayant recours à ce procédé. L' « aide aux
nouvelles technologies en production » peut ainsi d'ores et déjà apporter
un soutien complémentaire aux aides du COSIP. Elle permet de couvrir
tout ou partie des surcoûts liés au relief. Elle permet également de financer
des pilotes. Ces soutiens financiers sont aujourd'hui proposés dans un
cadre contraignant : ils dépendent d’un plafond de subventionnement relativement
bas.
C'est pourquoi les autorités françaises ont notifié l'aide aux nouvelles technologies
à la Commission européenne, au titre du régime culturel. S’il y est
autorisé, le CNC sera en mesure d'accompagner de façon plus significative
les projets les plus ambitieux et les plus coûteux. La décision de la Commission,
que beaucoup d’entre vous attendent, devrait intervenir dans les
prochaines semaines. Ces aides seraient un outil important pour un secteur
créatif en plein développement, un secteur qui répond au goût du public,
un secteur pour lequel nous disposons de compétences et de savoirfaire
à travers nos écoles dans le domaine des arts visuels et de l’image.
Comme vous le voyez, mon ministère est pleinement mobilisé pour
favoriser la production et la création audiovisuelle française. Dans un
marché de l’audiovisuel mondial, l’ambition est également d’exporter et de
diffuser à l’international des contenus conçus et imaginés en France. C’est
la mission de certains rendez-vous, comme le MIPCOM de Cannes.
Toutefois, je veux souligner l’exigence éthique et les garanties qui
s’imposent à l’Etat avec la multiplication des supports. Faire circuler les
oeuvres, adapter les dispositifs d’aides, développer le soutien à la création
sur les nouveaux supports : ce sont les priorités qui dessinent une politique
globale et intégrée pour l’audiovisuel. Cette politique entend développer
l’attractivité et le dynamisme du marché français. Elle place aussi au coeur
de ses ambitions la préservation de la notion d’oeuvre et la protection des
créateurs, c’est-à-dire de vos entreprises et de vos sociétés.
Je vous remercie.
Discours de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, prononcé à l'occasion de l’inauguration du Mipcom, le Marché international des contenus audiovisuels, à Cannes
Monsieur le Député-Maire, Cher Bernard Brochand,Monsieur le Président, Cher Paul Zilk,Mesdames, Messieurs,Chers amis,
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