Protéger les archives, c’est une affaire aussi vieille que l’Etat - celle d’un patrimoine écrit, de la trace à conserver, des portes d’entrées vers notre passé. Souvent marquée par les incendies et les transferts périodiques, cette histoire lente et singulière, c’est celle de la migration de notre mémoire collective, depuis les registres paroissiaux, depuis la Révolution, de couvents en maisons, jusqu’aux édifices qui aujourd’hui lui sont dédiés. Une belle histoire, cachée derrière la technicité des kilomètres linéaires, une histoire construite par des générations d’archivistes qui en ont été les acteurs.
Un nouveau bâtiment, moderne, répondant pleinement aux exigences de conservation, va servir d’écrin à la mémoire historique du département de la Meuse, département à l’histoire si dense et si riche d’hommes et de talents - vous en avez encore célébré une des plus importantes figures il y a quelques jours, Monsieur le Ministre, en commémorant la haute personnalité du président Raymond Poincaré. Je suis d’autant plus heureux d’être avec vous aujourd’hui que cette manifestation me permet de réaffirmer l’importance que je porte au réseau des services d’archives départementales en France, véritable ossature de notre administration des Archives que dirige auprès de moi Hervé Lemoine. Avec les Archives nationales, les archives départementales et les archives communales, la France possède un réseau territorial parmi les plus denses et les plus actifs, et je suis particulièrement conscient de la responsabilité partagée de l’Etat et des collectivités pour le faire vivre et l’animer. C’est pourquoi j’ai souhaité relever de façon très significative les budgets de l’Etat en faveur de ces services. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles je tenais à être présent à vos côtés cet après-midi pour participer à cette inauguration.
Permettez-moi, Monsieur le Président, de vous féliciter pour cette réalisation exemplaire qui dote le département de la Meuse d’un équipement culturel de premier plan. L’Etat lui a apporté son soutien à hauteur de 30 % de son coût initial, soit un peu plus de 3 millions d’euros. Cette réalisation est en effet exemplaire à plus d’un titre. Sur le plan culturel, bien sûr, mais également sur un plan technique.
Les vieilles terres d’histoire peuvent parfois nous jouer des tours. Il a été nécessaire de vaincre les obstacles naturels liés à la nature du sol, aux infiltrations d’eau, à la présence de cavernes souterraines.
Mais il est bon, parfois, de « ne considérer les petits incidents que comme des victoires que l’on doit toujours sacrifier aux grandes affaires » - selon cette « maxime si nécessaire aux princes » que le Cardinal de Retz reprend dans ses Mémoires, qu’il avait écrits dans sa retraite meusienne. Et ces obstacles ont été surmontés, Monsieur le Président, grâce à la volonté et à la compétence de vos services. Vous avez ainsi rendu possible l’achèvement de ce beau bâtiment conçu par l’agence d’architectes Denu et Paradon avec Gérard Buffière et Richard Roussel.
Sans entrer dans les détails de la conception du bâtiment, je veux souligner sa dimension novatrice. Conçu avec le souci d’assurer une isolation optimale des magasins d’archives et de limiter les dépenses d’énergie, il allie avec bonheur la technique et l’esthétique, une alliance à laquelle, en tant que ministre chargé également de l’architecture, je suis évidemment sensible. Il témoigne, une nouvelle fois, de l’intérêt qu’apportent les collectivités à la conservation des archives départementales, en offrant un instrument de travail performant, capable d’accueillir les futurs versements d’archives pendant une trentaine d’année au moins ; il fournit aux chercheurs des espaces de travail confortables, et à tous les citoyens une nouvelle « maison commune », celle de leur mémoire, celle d’une histoire en partage.
J’ai évoqué l’art et la technique. Parlons maintenant de l’aspect culturel. À côté des soixante-six places prévues dans la salle de lecture pour les chercheurs, une salle de conférence a été aménagée, permettant d’accueillir plus de cent cinquante auditeurs. Les archives départementales de la Meuse disposent ainsi de tous les moyens souhaitables pour assurer la promotion des archives dont elles assurent la conservation.
J’insiste tout particulièrement sur ce point qui me tient à cœur. Le rôle des archives consiste bien sûr, en premier lieu, à assurer la conservation des sources de l’histoire par une collecte des dossiers présentant, après une sélection rigoureuse, un intérêt administratif et historique à long terme ; à traiter et classer ces documents selon des normes définies à l’échelon national, afin de favoriser l’orientation dans des conditions de parfaite égalité de tous les chercheurs ; à en assurer la conservation dans les meilleures conditions matérielles, et à en faciliter la communication aux chercheurs. Mais la vocation des services d’archives, c’est aussi la mise en valeur d’une mémoire vivante. C’est tout le sens de cet investissement, lié à la conservation de cette mémoire, aujourd’hui encore de papier, et demain électronique.
C’est pour moi l’occasion de revenir sur la formidable révolution qu’ont traversé les archives au cours des dernières décennies. Les « dépôts d’archives », terme un peu désuet et peu flatteur, ont été ouverts à des publics de plus en plus variés : les associations historiques, les universitaires, les généalogistes et tous les citoyens curieux de leur mémoire. Beaucoup de choses ont déjà été réalisées dans ce domaine aux archives départementales de la Meuse ; je pense en particulier aux bourses accordées par le Conseil général aux chercheurs universitaires pour encourager les travaux sur les archives. Le bâtiment moderne que nous inaugurons a précisément vocation à recevoir ces nouvelles catégories de lecteurs et de visiteurs. Avec un tel équipement, le responsable des archives de la Meuse - je crois savoir qu’il prendra ses fonctions dans quelques semaines - disposera ainsi d’un instrument de travail qui lui permettra de faire rayonner les archives dans le département tout entier et au-delà. Il saura également s’insérer dans la politique culturelle du département, en saisissant toutes les occasions qui s’offriront à lui pour ouvrir les portes de son service, s’attacher à mieux faire connaître les ressources des archives, et à irriguer également le département de la Meuse.
Les nouvelles technologies de l’information ont à l’évidence un rôle clef à jouer dans cette mise en valeur. L’œuvre de diffusion poursuivie aujourd’hui par les collectivités a d’ores et déjà permis de mettre en ligne des fonds accessibles à tous, avec un saut qualitatif inédit pour les conditions de recherche, et une mise en valeur remarquable de la richesse de notre patrimoine écrit. La participation aux portails nationaux et européens, le développement du site internet récemment ouvert et que je sais déjà très fréquenté, la création d’index coopératifs avec la participation de bénévoles, sont autant de projets en cours de développement par les services d’archives.
Les archives départementales, depuis leur création sous la Révolution française, ont ainsi progressivement évolué et leurs attributions se sont diversifiées. Il en est une sur laquelle on me permettra d’insister : le soutien aux communes. Il appartient à l’archiviste départemental de suivre et d’encourager les efforts des élus pour sauvegarder la mémoire de leurs communes, de leur porter conseil. Il doit aussi accueillir, parfois, les archives anciennes de ces communes lorsqu’il s’avère difficile, localement, d’en assurer la conservation. C’est là une tâche exaltante : sauver les vestiges de la mémoire écrite de nos communes, ces précieux registres paroissiaux et d’état civil qui livrent la généalogie de nos ancêtres, mais également les registres de délibérations municipales qui constituent souvent la trame de l’histoire de notre espace public. Ce patrimoine doit pouvoir contribuer à l’animation des territoires ruraux, et vous savez que j’en ai fait l’une des priorités de ma politique. Les modalités de cette mise en valeur sont multiples : lectures d’archives, aide à la création de pages sur les sites des mairies, expositions itinérantes, soutien aux associations historiques locales… C’est aussi le rôle des archives départementales d’aider les initiatives qui vont dans ce sens, de répondre favorablement aux demandes des associations, bref d’animer les territoires.
Et puis, toujours dans le domaine de l’histoire, se prépare la grande commémoration du premier conflit mondial à laquelle le ministère de la Culture est directement associé. Sur ce dossier comme sur tant d’autres, le département de la Meuse, si marqué par l’histoire, sera, je le sais, présent avec nous et nous avec lui.
Je vous remercie.