Depuis bientôt trente ans, grâce aux Fonds régionaux d'art contemporain,
le ministère de la Culture et de la Communication oeuvre pour soutenir la
création dans toute la France, pour organiser l'aménagement culturel du
territoire, et pour garantir un meilleur accès à l'art à tous les publics. La
culture et l'art, ce ne sont pas seulement quelques grands musées
parisiens. Mon ambition de la culture pour chacun, c’est aussi d’étendre,
dans toutes nos régions, aux collèges, aux lycées, aux hôpitaux, en
d'autres termes à des lieux qui ne sont pas spécifiquement consacrés aux
arts, mais que l'art doit pourtant investir. Si la culture est vivante, c’est
aussi en croisant les publics et en suscitant les effets d’intrusion et de
surprise que l'offre culturelle peut provoquer avec bonheur. Vous
comprenez donc que c'est avec un plaisir tout particulier que je m'apprête
à dévoiler aujourd'hui l’oeuvre d’un sculpteur majeur, qui sera désormais la
parure du Centre hospitalier de Cannes.
Ce nouveau joyau, Cannes l'ajoute à un patrimoine culturel déjà très riche.
L'aura internationale que lui confère le Festival du film n'est évidemment
plus à rappeler. La vie culturelle cannoise s’appuie sur une étonnante
diversité de lieux et de moyens, depuis l'imposant Palais des festivals au
bibliobus qui sillonne la ville et y diffuse la culture, en passant par la
médiathèque installée dans la villa Rothschild, une des merveilles du grand
patrimoine architectural cannois. Grâce à l'action conjuguée de mécènes
comme Anny Courtade, et d'artistes comme Bernar Venet, le geste
artistique gagne les nouveaux territoires de la création. En s'inscrivant au
coeur d'un espace urbain dont les horizons sont souvent saturés, il
participe de l'attractivité de ce paysage, qui inclut bien sûr les hôpitaux.
L'hôpital, qui fut si longtemps un lieu marqué par la mort, devient de nos
jours de plus en plus un lieu du retour à la santé et à la vie. La vie culturelle
et l’expérience esthétique ont un rôle à jouer dans un environnement où
tous les signes de l’accompagnement doivent être apportés aux personnes
hospitalisées. Si l’on songe par exemple - parmi tant d’autres joyaux de
l’art hospitalier - aux Hospices de Beaune, ou encore à l’hôpital Santa
Maria della Scala à Sienne, dans l’Italie voisine, l’art et l’hôpital forment
depuis si longtemps un couple insolite, qui a considérablement évolué avec
le rapport à la maladie et les progrès de la médecine. Ce furent des
espaces marqués par la quarantaine et l’épreuve des malades et des
familles ; aujourd’hui, c’est le souci du rétablissement du patient qui
domine ces lieux de vie.
Il y a douze ans, le ministère de la Culture a cosigné avec le ministère de
la Santé la Convention Culture et Santé, renouvelée l'an dernier. Son
objectif, que je tiens ici à réaffirmer, est de rendre la culture accessible à
tous, y compris dans le monde hospitalier ; faire de l'art un trait d'union
entre l'Hôpital et la Cité, c'est aussi améliorer le cadre de vie et de travail
où se rencontrent personnes hospitalisées, personnel soignant, et visiteurs
venus accompagner leurs proches. Je gage que l'introduction de la culture
dans l'espace hospitalier sera le meilleur vecteur pour libérer l'esprit des
contraintes que le corps peut parfois imposer.
Je note que l'oeuvre de Bernar Venet s'accorde heureusement avec les
problématiques culturelles que je viens de présenter. Notamment avec
l'idée de la démocratisation de l'accès à l'art, car vos oeuvres, cher Bernar
Venet, ont souvent investi l'espace public, à travers des commandes
réalisées pour des villes du monde entier : de Cologne à New York, Tokyo,
Berlin, Pékin et San Francisco. La France n'est pas en reste, avec Paris,
bien sûr, mais aussi les régions, avec l'Arc majeur de l'autoroute A6,
diverses interventions à Toulouse et surtout en Provence-Alpes-Côted’Azur,
à Nice et aujourd'hui à Cannes. Et très bientôt, ce sera le château
de Versailles, après Takashi Murakami, Xavier Veilhan et Jeff Koons. Votre
oeuvre s'inscrit donc dans les logiques territoriales de la démocratisation
culturelle. Enfin, pour en revenir à ce lien entre culture et santé, je note
même que votre parcours n'est pas étranger au milieu hospitalier : on se
souvient en effet qu'en 2003, vous avez présenté un autoportrait original
qui utilisait la technique de l'imagerie médicale.
Cher Bernar Venet, si votre oeuvre crée aujourd'hui une continuité entre
l'hôpital et l'espace extérieur, elle est aussi en cohérence avec une série
d'oeuvres que vous avez produites par le passé. Vos sculptures
monumentales, faites de barres d'acier, sont le terrain d'une confrontation
toujours renouvelée entre l'intention du geste artistique et la résistance de
la matière. Vous dites vous-même que ces oeuvres naissent d'une « lutte
entre la volonté de l'artiste et la nature rigide de la barre d'acier », et donc
d'un « jeu de concessions ». C'est sur l’image de cet accord par dans et
par l'oeuvre d'art que je voudrais terminer, afin de rappeler la motivation de
ma présence parmi vous : mettre en résonance, grâce à la médiation de la
culture, des espaces comme ceux de l'Hôpital et de la Cité, dont il a
toujours fait partie intégrante.
Je vous remercie.