Je n’avais pu honorer votre invitation lors de mon dernier déplacement en
Corse pour des contraintes d’agenda ; je suis donc d’autant plus heureux
d’être parmi vous aujourd’hui, à Bastia. La réouverture du Palais des
Gouverneurs et du Musée de Bastia est l’aboutissement d’un long
processus, d’un engagement de longue durée. Je sais l’engagement qui a
été le vôtre, cher Emile Zuccarelli, et celui de votre équipe pour donner à
ce lieu patrimonial remarquable le rayonnement qu’il mérite. L’Etat y a
apporté toute sa part en finançant ce grand projet paysager et culturel à
hauteur de 3,7 millions d’euros, dans le cadre du Programme exceptionnel
d’investissement (PEI) pour la Corse.
La Citadelle qui domine Bastia est en effet l’expression de l’histoire de la
Corse, mêlant conquêtes et influences. Elle est un chef-d’oeuvre
architectural bien connu des voyageurs en transit, de ceux qui arrivent
dans l’île comme de ceux qui la quittent, souvent à regrets. Le musée de
Bastia tel qu’il est aujourd’hui, est l’héritier d’une grande tradition culturelle
et savante, qui caractérise Bastia depuis de longs siècles ; il est l’héritier
des recherches pionnières engagées en 1898 par la Société des sciences
historiques et naturelles de Corse. Il a connu de nombreuses saignées et
de nombreuses avanies au cours du XXe siècle, qui a conduit à un
éclatement et à une dispersion des collections. Aujourd’hui, centré sur
l’histoire de la ville, il présente des collections très riches témoignant des
échanges de la ville avec la Méditerranée, avec Gênes bien sûr mais
aussi avec Rome, où plusieurs générations de peintres, de sculpteurs et
d’architectes se sont formés.
Sa réouverture traduit la « belle saison », le renouveau historique que sont
en train de vivre les musées de la Corse. Le maillage muséal de l’île est
d’ores et déjà resserré comme il le mérite, pour faire vivre et pour faire voir
l’histoire et la culture corse dans toute sa richesse et sa diversité, que ce
soient les musées archéologiques départementaux d’Aléria et de Lévie, le
musée de la préhistoire corse et d’archéologie de Sartène, le musée
départemental Pascal-PAOLI à Morosaglia, le musée Fesch d’Ajaccio, et,
dans cette même ville, le musée national constitué par la Maison
Bonaparte. L’Etat a accompagné cette transformation profonde, en incluant
le site archéologique de Mariana à Lucciana et le projet de musée en
l’inscrivant dans le cadre du « Plan musées » que j’ai présenté à l’automne
dernier. Cette histoire et cette culture uniques constituent un apport
considérable au prestige culturel de la nation.
Le projet de rénovation de la Citadelle s’inscrit par ailleurs, je le sais, dans
un vaste programme de renouveau urbain pour Bastia, à travers le
renouveau du quartier historique de « Terra Vecchia », mais aussi le
renouveau des quartiers sud avec le soutien de l’Agence nationale de la
Rénovation urbaine (ANRU). Je sais aussi votre attention à la valorisation
et à la pédagogie du patrimoine, notamment par la création d’une zone de
protection autour de la citadelle et par l’attention apportée au label « Ville
d’art et d’histoire ». Dans ce projet, monsieur le Maire, la culture, qui est un
élément puissant d’attractivité et de lien social, a toute sa place. Je mesure
les attentes des élus corses et notamment de la ville de Bastia – vous
l’avez rappelé, monsieur le Maire - concernant la labellisation des
établissements culturels. Dans le domaine du spectacle vivant, la Corse
est la seule région du territoire métropolitain à ne pas encore disposer de
structure labellisée, notamment une scène nationale. La labellisation des
structures permet, vous le savez, une intégration au réseau national,
l’élaboration de projets communs, le développement des coproductions et
une meilleure diffusion des artistes. Vous savez pouvoir compter sur moi
pour vous accompagner, comme vous le sollicitez, afin de définir un projet
artistique permettant au théâtre de Bastia de participer au réseau des
scènes nationales.
D’ores et déjà et en accord avec le président du conseil exécutif de Corse,
Paul Giacobbi, je propose que dans le cadre du Programme exceptionnel
d'investissement (PEI), soit réservé un crédit de 6 millions d’euros afin de
réaliser un véritable complexe culturel dans les quartiers sud de Bastia.
Trois équipes d’architectes de haut niveau ont été sélectionnées en janvier
dernier – celles de David Devaux, de Rudy Ricciotti et de Jean-Michel
Wilmotte - le lauréat devant être désigné par vos soins en septembre
prochain.
Car c’est évidemment par sa culture, tout autant que par ses paysages que
la Corse rayonne en Méditerranée, en Europe et dans le monde. Son
attractivité singulière repose sur sa capacité à préserver et partager ses
traditions, aux antipodes des dérives touristiques qu’ont pu connaître
d’autres territoires de ce même espace méditerranéen. Et c’est
précisément cette originalité préservée qui rend l’île d’autant plus
mystérieuse et, par conséquent, attirante.
Aujourd’hui, recentré sur l’histoire de la ville, doté d’une nouvelle
muséographie originale offrant les clefs pour comprendre le foisonnant
patrimoine artistique bastiais, il présente des collections très riches
témoignant des échanges de la ville avec la Méditerranée, avec Gênes
bien sûr mais aussi avec Rome et ses courbes et volutes baroques, à
l’image de ce chirurgien romain d’origine bastiaise, le docteur Sisco (1748-
1829), véritable mécène ayant permis la formation de plusieurs
générations de peintres, sculpteurs et architectes dans la Ville éternelle.
Jean-Mathieu Pekle, celui que l’exposition qualifie dans son originalité et
sa singularité de « sculpteur de la Corse », fait partie de ceux là et
bénéficia du legs Sisco en 1889. Animateur infatigable de la vie locale,
actif promoteur des arts insulaires, il fut l’unique sculpteur de l’île jusqu’aux
années 30 et bénéficia de nombreuses commandes publiques. S’il sut
rendre compte de l’histoire de la Corse comme de son actualité, s’il
présenta plusieurs oeuvres au sein du Pavillon de la Corse à l’occasion de
l’Exposition internationale de 1937, il fut un sculpteur en dialogue avec le
monde, il se forma auprès d’ateliers parisiens, il présenta son oeuvre à de
nombreuses reprises au Salon des artistes français. Car il n’est de
régionalisme, il n’est d’identité vivante que construite en réseaux, par un
processus long et capillaire, par des emprunts multiples et variés. Cette
importante rétrospective consacrée à une oeuvre placée au coeur de la
construction artistique d’une identité insulaire le révèle pleinement.
Vous le voyez, je souhaite qu’un dialogue constant se poursuive entre mon
ministère et la vie culturelle de la Corse et les élus de l’île. Je souhaite une
collaboration renouvelée entre la Corse et le ministère dont j’ai la charge,
dans le cadre institutionnel fortement décentralisé de la politique culturelle
que connait l’île depuis 2002. Il s’agit bien évidemment avant tout d’une
proposition qui ne demande qu’à être discutée et enrichie avec les élus et
avec les professionnels. C’est aussi cela, la vision que je porte du rôle de
mon ministère, un ministère à même de prendre en compte les richesses,
les savoir-faire, mais aussi les expertises locales, au plus près des enjeux
de chacun des territoires qui composent notre héritage. Elles sont autant
d’atouts dans la promotion de la diversité culturelle, ce combat qui est le
mien aujourd’hui à Bruxelles, auprès des instances européennes, mais
aussi dans le monde.