Avec Claude Lévi-Strauss, c’est l’un des derniers géants de l’épopée
structuraliste qui nous a quittés. Son oeuvre d’éclaireur et de pionnier a
exercé une influence déterminante sur l’ensemble des sciences humaines et
sociales dans le monde entier et, plus encore, a révolutionné notre vision du
monde.
Claude Lévi-Strauss était d’abord un grand scientifique, un minutieux
ethnologue de terrain, notamment en Amazonie, un inventeur qui a forgé
l’anthropologie structurale et conçu une nouvelle approche des mythes. Mais
sur ce savoir encyclopédique il avait su fonder un humanisme pour chacun.
Avec Tristes Tropiques (1955), le récit de ses expéditions porté par un style
d’authentique écrivain et une conscience aiguë et vibrante de la complexité
des cultures, il a donné à voir, pour la première fois à un vaste public, le
monde fascinant des peuples premiers.
En héritier de Montaigne et des Lumières, Lévi-Strauss a porté plus loin la
tradition du voyage philosophique, cette école du décentrement du regard et
de l’ouverture à l’Autre, et développé, comme un nouveau Rousseau, une
interrogation inquiète et généreuse sur la valeur de notre civilisation.
Ce maître d’un nouvel humanisme avait su enraciner son travail dans des
institutions phares comme l’Ecole Pratique des Hautes Etudes où il fut
directeur d’études, le Laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de
France, un établissement prestigieux dans lequel il put transmettre sa
passion et sa méthode pendant près d’un quart de siècle, entre 1959 et
1982, au sein de la L’Homme, revue française d’anthropologie qu’il fonda
avec Benveniste en 1961 et à l’Académie française où il fut le premier
ethnologue.
Race et histoire, La Pensée sauvage, Le Cru et le Cuit, l’imposante tétralogie
des Mythologiques ou, plus récemment, ses essais esthétiques : il n’est pas
une oeuvre de Claude Lévi-Strauss qui n’ait marqué un moment de la
conscience du XXe siècle.
Claude Lévi-Strauss a fait mieux encore que nous léguer les trésors de son
érudition, il nous a enseigné une nouvelle grammaire du regard et nous a
appris à « regarder, écouter, voir » autrement.
Ce sage plus que centenaire restera une référence et un modèle pour
chacun d’entre nous.