Elle illustre l’un des mythes les plus féconds du surréalisme, peint aussi par Dali et
trouvant son origine dans le roman de l’écrivain allemand Wilhem Jensen (1903),
analysé par Sigmund Freud dans un essai de 1906, traduit en français en 1931 par
Marie Bonaparte, qui représente un exemple d’interprétation psychanalytique d’une
oeuvre. Gradiva relate la découverte, par l’archéologue Norbert Hanold, d’un bas-relief
du musée national d'archéologie de Naples représentant une jeune femme marchant
(Gradiva : celle qui avance). La nuit suivante, Hanold rêve qu'il voyage dans le temps et
rencontre la jeune fille dans les rues de Pompéi, le jour même de l’éruption du Vésuve.
La peinture de Masson transpose littéralement le passage le plus dramatique de la
nouvelle de Jensen. Le peintre fige la métamorphose de Gradiva entre créature de chair
et figure minérale, entre vie et mort. Puissante, semblable par son attitude à une
nymphe endormie, elle repose sur un socle de pierre – vraisemblablement les marches
du temple sur lesquelles, dans la nouvelle de Jensen, elle apparaît à l’archéologue au
moment où elle s’effondre, rattrapée par la pluie de cendres menaçantes. Elle s’appuie
sur ses jambes repliées, le pied droit dressé dans la position qui la caractérise.
Semblable à un énorme coquillage occupant le centre de l’image, le sexe béant de
Gradiva est surmonté d’un corps qui se transforme en un morceau de viande crue et
dont la disproportion écrase la forme endormie. Dans une interprétation fidèle à l’esprit
du surréalisme, Masson plaque des connotations érotiques sur d’autres emprunts à la
nouvelle de Jensen : le Vésuve en éruption à l’arrière-plan, un essaim d’abeilles qui se
dirige vers Gradiva, ou encore les coquelicots d’un rouge outrageant devant la fissure
murale par laquelle, dans la nouvelle de Jensen, Gradiva disparaît avant d’être
reconnue dans une personne réelle.
De Jensen à Masson, Gradiva s’est imposée, aux yeux des surréalistes, comme la
figure incarnant le mythe de la création elle-même.
Cette oeuvre constitue un remarquable enrichissement des collections du Musée
national d’art moderne en venant compléter l’important fond d’oeuvres surréalistes qui y
sont aujourd’hui rassemblées.
L'acquisition de cette oeuvre majeure a été rendue possible grâce à une importante
mobilisation du fonds du patrimoine et à la Société des Amis du Musée national d’art
moderne que le ministre de la Culture et de la Communication tient à remercier pour
son action de mécénat en faveur du musée national d’art moderne et plus largement du
patrimoine national.