Le Premier ministre et la ministre de la Culture, en lançant le 22 février une mission sur l’ingénierie culturelle des collectivités territoriales en milieu rural, ont souhaité relancer l’initiative dans ce domaine afin de contribuer aux travaux du « Printemps de la ruralité » et à la concertation organisée dans ce cadre avec les habitants et les élus des territoires ruraux ainsi que les acteurs du monde culturel et ceux de la vie associative.
La mission, qui a mené ses travaux dans un délai très serré, a procédé à de nombreuses auditions (au total près d’une centaine de personnes) et reçu des contributions écrites qui ont utilement nourri ses travaux et suggéré les pistes de réflexion ainsi que la trentaine de propositions formulées dans le présent rapport.
L’objectif était d’identifier le besoin d’ingénierie culturelle, qu’il émane des élus des territoires ruraux ou d’autres types d’acteurs, des milieux associatif et culturel, impliqués dans le développement de projets concernant la ruralité, et d’y apporter des réponses concrètes.
Le problème d’un déficit d’ingénierie culturelle des communes rurales a déjà été signalé à plusieurs reprises ces dernières années sans que des mesures susceptibles de le résoudre n’aient encore prouvé leur efficacité, même si certaines initiatives ciblées ont été récemment engagées, notamment à la faveur du plan « France ruralités » de juin 2023.
La mission a pris pleinement la mesure des attentes des élus dans ce domaine, qui se sont révélées d’autant plus légitimes qu’elles apparaissent clairement comme l’indice d’une volonté croissante d’implication des maires de la ruralité dans le développement de projets culturels, à la demande et au bénéfice des 22 millions d’habitants de ces territoires et de l’attractivité de ceux-ci.
Car au-delà d’une question d’apparence technique ou d‘organisation administrative, l’enjeu de la mise à disposition d’une ingénierie culturelle adaptée aux besoins des élus des communes rurales est l’une des conditions permettant un meilleur accès des habitants de ces communes à la culture et donc d’une mise en œuvre effective de leurs droits culturels.
Dans un premier temps, la mission a souhaité rappeler tous les constats, y compris les plus récents qui attestent du déficit d’ingénierie culturelle affectant les acteurs des territoires ruraux et des petites communes en particulier, les mesures déjà prises pour y remédier et les raisons d’une demande persistante d’accompagnement dans ce domaine.
Elle a aussi analysé la nature des besoins d’ingénierie culturelle en tentant de définir le périmètre et les spécificités de cette ingénierie, et les différents niveaux d’assistance et de conseil sollicités notamment par les élus, en distinguant trois niveaux : l’ingénierie amont, sur la conception des projets et leur possibilité de financement, l’ingénierie spécialisée, qui permet l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour la réalisation d’un projet de développement culturel, et une ingénierie technique (technologies permettant l’itinérance, etc.).
Il ressort clairement de cette analyse qu’un apport d’ingénierie culturelle répondant aux besoins des territoires ruraux repose en fait sur trois piliers : l’information et son accessibilité, la formation, et son adaptation aux spécificités des territoires ruraux et l’accompagnement des élus, par un meilleur accès au conseil.
C’est donc dans ces trois domaines que la mission a formulé ses propositions en constatant que, d’ores et déjà, un grand nombre d’initiatives et de dispositifs sont susceptibles d’apporter des réponses concrètes et efficaces, sous réserve qu’elles soient plus aisément repérables et accessibles pour les porteurs de projets, et que l’information soit mieux partagée.
Ainsi il apparaît aujourd’hui indispensable de procéder à une cartographie de l’ingénierie culturelle, afin de recenser toutes les ressources disponibles à l’échelon national comme territorial et de répondre à la question « qui fait quoi ?», tant l’offre et les possibilités de recours à l’ingénierie culturelle sont à la fois multiples, mais difficiles à maîtriser et peu lisibles ou même repérables, compte tenu de la multiplicité des acteurs impliqués. L’utilisateur (élus, agents municipaux, associations) se trouve face à un archipel dans lequel il semble difficile de s’orienter.
La mise en place d’une plateforme collaborative qui permettrait de mettre à disposition l’information à la fois exhaustive et ciblée et de permettre un dialogue plus fluide entre tous les partenaires d’un projet culturel de territoire serait évidemment un progrès majeur, et faciliterait la mise en relation de l’offre et de la demande d’ingénierie.
A cet égard la mission suggère l’extension à toutes les régions de la plateforme « Le média collaboratif » développée en partenariat par la Région Auvergne-Rhône- Alpes et la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) AURA, actuellement en phase d’expérimentation.
Sur le plan de la formation, la demande est également très forte et elle émane tant des élus que des fonctionnaires, notamment de l’administration préfectorale, oeuvrant dans les territoires. Un programme de sensibilisation aux enjeux d’une politique culturelle à l’échelle des territoires ruraux auquel seraient associés divers organismes de formation, mais aussi des acteurs du monde culturel, serait susceptible de renforcer efficacement la capacité d’initiative des élus, comme des administrations, notamment à l’échelon départemental.
Dans le même ordre d’idée, le recensement et la cartographie des formations initiales à l’ingénierie culturelle et leur mise en relation avec les collectivités devraient également être entreprises.
Et l’innovation (y compris technologique) en matière d’ingénierie culturelle adaptée aux besoins des territoires ruraux devrait être mieux encouragée et financée par le programme d’investissements d’avenir.
En termes d’accompagnement, l’organisation d’une meilleure disponibilité et écoute des personnels des directions régionales des affaires culturelles à l’égard des communes rurales est vivement souhaitée, comme une ressource de conseil indispensable.
Mais les dispositifs de l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (recours au volontaires territoriaux en administration spécialisés culture, programme d’ingénierie sur mesure) peuvent aussi être amplifiés, de même que les contrats d’alternance pour les étudiants de l’enseignement supérieur (écoles nationales supérieures d’architecture, formations à l’ingénierie culturelle) qui pourraient être conclus avec des acteurs des territoires ruraux.
Les dispositifs d’ingénierie déjà existants, dont les plus remarquables ont fait l’objet d’une attention particulière de la mission pour les avantages qu’ils pourraient procurer aux élus ruraux, méritent d’être optimisés, simplifiés dans leur usage et mieux employés ou réagencés en fonction des besoins. La mission a été en effet frappée par le décalage entre l’importance et le nombre des compétences offertes, et le fait que celles-ci semblent ne pas rencontrer la demande, faute de coordination suffisante des initiatives et faute d’un pilotage efficace capable de mettre en réseau toutes les ressources nécessaires.
L’ingénierie culturelle en milieu rural : pour un savoir-faire mieux partagé au service de la cultur
pdf - 2 Mo - Ce document n'est pas conforme aux règles d'accessibilités (RGAA)
Partager la page