« Avec 17 labellisations intervenues depuis 2020, le label « Villes et Pays d’art et d’histoire » connaît un puissant dynamisme », se félicite Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l’architecture (DGPA) au ministère de la Culture, lors de la première journée nationale sur le label « Villes et Pays d’art et d’histoire » organisée le 22 novembre par le service de l'architecture de la DGPA au ministère de la Culture à l’auditorium de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, qui rassemblait les principaux acteurs dont les élus, les chefs de projets VPAH, ainsi que les représentants des services de l’État et les partenaires du label, dont Martin Malvy, président de l’association « Sites et cités remarquables de France ». L'enjeu de cette journée était notamment de promouvoir une ville en mesure de se renouveler, en cohérence avec les enjeux de transition écologique, en s’appuyant sur les ressources patrimoniales et architecturales des collectivités.
C’est peu de dire en effet que ce label, attribué depuis 1985 par le ministère de la Culture aux communes ou pays qui s’engagent dans une politique de valorisation de leur architecture et de leurs patrimoines bâti, naturel et industriel, suscite un fort intérêt. Ce dispositif, s'il exige un « fort investissement de la part des collectivités locales », reconnaît Jean-François Hébert, suscite des bénéfices immédiats en cas de succès : « Le label consacre l’importance donnée au cadre de vie dans toutes ses dimensions culturelles. Il est en ce sens créateur de récit. Il contribue par ailleurs à la démocratisation culturelle et à mieux faire reconnaître la spécificité d’un territoire ».
Autant de qualités qui en font un outil précieux pour le ministère de la Culture. « Nous avons toutes les raisons de mettre le label au cœur de nos politiques », confirme Jean-François Hébert. La proposition d’évolution du label qu’il annonce pour le printemps 2025 devrait aller dans ce sens. « Ce label, on le sent, peut inventer d’autres formes de développement pour répondre aux mutations d’aujourd’hui (voir encadré). Le projet qu’il active apparaît de plus en plus au cœur des stratégies des territoires. Il est créateur d’une synergie avec d’autres instruments ». Une perspective corroborée par Martin Malvy, président de Sites et cités remarquables de France (SCRF), qui a souligné « le chemin parcouru », à la veille des 40 ans de ce dispositif contractuel. Le label a en effet déjà évolué depuis sa création en 1985, et dernièrement avec la déconcentration depuis 2020 au niveau des DRAC.
De fait, les Directions régionales des affaires culturelles « se sont pleinement emparées du label « Villes et Pays d’art et d’histoire », indique Laurent Roturier, directeur régional des affaires culturelles d’Ile-de-France et référent des DRAC à l'occasion de la première table ronde, « Faire projet culturel avec son territoire », animée par la représentante de l’association nationale des animateurs de l’architecture et du patrimoine (ANAAP). Les DRAC agrègent aujourd’hui autour d’elles un vaste réseau d’acteurs et de structures : Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement (CAUE), Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (CIAP)... « Le label joue un rôle positif dans la préservation des villes et la sensibilisation de tous les acteurs, confirme Laurent Roturier, il est un outil remarquable au service de l’aménagement culturel et patrimonial des territoires ». Santerre Haute-Somme et Alpes Provence Verdon, deux territoires récemment labellisés, témoignent.
Le Pays d’art et d’histoire Santerre Haute-Somme : « rendre leur fierté aux habitants »
Le pôle d’équilibre rural et territorial (PETR) du Cœur des Hauts-de-France est composé de trois communautés de communes, Haute-Somme, Est de la Somme et Terre de Picardie. Des noms qui ravivent immédiatement le souvenir de la Grande Guerre. Le territoire, a été « presque entièrement détruit au lendemain de la Première Guerre mondiale, confirme son président Philippe Cheval, s’il a connu une véritable renaissance à la faveur de sa reconstruction – ses terres sont notamment aujourd’hui les plus productives d’Europe en matière agricole – cet héritage continue de peser ».
C’est pour s’en libérer, et dans le prolongement d’actions qui avaient déjà pour ambition de « rendre leur fierté aux habitants », que le PETR, épaulé par la DRAC des Hauts-de-France, est parti « à la conquête » du label. Recrutement d’une cheffe de projet, diversité des axes développés autour du thème central de la reconstruction, il a mis toutes les chances de son côté. Avec le résultat que l’on sait : la collectivité candidate (ici un PETR) a « décroché » le précieux label en 2021.
Restait ensuite à ne pas faire retomber cette dynamique. « Nous avons immédiatement recruté des guides conférenciers afin de mettre en place des actions de médiation et organiser des visites guidées », détaille Clémence Decrouy-Nempon, cheffe de projet architecture et patrimoine au sein du PETR depuis 2021 et précédemment... cheville ouvrière du dossier de candidature.
Des initiatives auxquelles s’ajoutent aujourd’hui une kyrielle d’autres actions sous l’impulsion du tandem qu’elle forme avec Camille Cardona, en charge depuis 2022 des publics et de la programmation : expositions en extérieur à l’occasion d’événements nationaux et régionaux à l’image de « Eppeville et l’or blanc » consacrée au lieu qui, jadis, a abrité la plus grande sucrerie d’Europe ; résidence artistique sur la documentation de friches industrielles, et, dans son prolongement, projet d’éducation artistique et culturelle avec les élèves de l’école d’Eppeville...
Enfin, preuve supplémentaire de la volonté d’inscription du label au plus près des habitants de ce territoire, ce n’est pas un CIAP mais trois – un pour chaque communauté de communes – qui verront le jour. Le premier, celui de Rosières-en-Santerre, ouvrira ses portes en 2025. « A travers cet élément structurant, les habitants pourront voir la réalité de leur patrimoine », conclut Philippe Cheval.
Le Pays d’art et d’histoire Alpes Provence Verdon : « fédérer les initiatives »
Villages perchés, patrimoine fortifié, parcs naturels... Au carrefour des Préalpes, de la Provence et de la Côte d’Azur, la communauté de communes de Alpes Provence Verdon est implantée dans un territoire aussi exceptionnel que diversifié. Le premier objectif a donc été, selon son président Maurice Laugier, de la « fédérer ». Chose faite depuis la mise en place d’une nouvelle gouvernance en 2020.
« L’ADN de la communauté de communes, quelles que soient les thématiques, est d’aller vers, dit l’élu : aller vers les habitants, dans les villages, et non pas demander aux habitants de venir dans un centre-bourg ». En témoignent, entre autres, un partenariat avec le théâtre Durance, la scène nationale de territoires ; des actions d’éducation culturelle et artistique sur l’ensemble du territoire grâce à l’appui du réseau de lecture publique ; et récemment, la mise en place d’une Micro-Folie (son médiateur s’apprête à être recruté).
Autant dire qu’au moment de se porter candidate au label « Villes et Pays d’art et d’histoire », la communauté de communes ne manquait pas d’atouts. « Nous avons structuré notre candidature autour de trois thématiques, dit Amandine Delarbre, cheffe de projet PAH qui, comme sa collègue nordiste, participe à l’aventure depuis le début : territoire unique entre Alpes et Provence, un territoire rural, et un territoire dynamique ». Lesquels ont été ensuite déclinés autour de quatre enjeux : « le vivre-ensemble, la transmission, le patrimoine en mouvement et le maillage territorial ».
Dossier gagnant : le territoire a été labellisé en janvier. Depuis, les actions vont crescendo avec une priorité donnée à la poursuite de la connaissance des patrimoines matériels et immatériels – « le réseau des associations patrimoniales nous « booste » au quotidien » dit Maurice Laugier – et à l’appui aux communes pour les projets de restauration et de valorisation des patrimoines bâtis immobiliers. « Nous n’avons pas d’architectes dans nos services mais nous venons en accompagnement des communes pour le volet méthodologique et administratif. Cet appui est très apprécié par les communes », dit Amandine Delarbre. « Les habitants qui ont souvent la sensation d’être relégués sont fiers de ce label. Nous avons une envie folle de continuer », lance Michel Laugier. En effet, comme attendu dans les textes qui encadrent le label, ces projets de territoires contribuent à la cohésion sociale et favorisent la démocratisation de la culture par la sensibilisation des publics à l’architecture, au patrimoine et au paysage. De nombreux territoires témoignent alors de l’effet du « retournement d’image », d’une nouvelle perception et réappropriation de la qualité du cadre de vie par les habitants.
Perspectives d'évolution
L’après-midi a repris avec une table ronde de restitution des groupes de travail impulsés début 2024 par la DGPA pour coconstruire les pistes de l’évolution du label en réunissant les principaux acteurs et partenaires du label. La restitution de ces groupes de travail a mis en perspective des enjeux d’évolution, révélant à nouveau les synergies et la transversalité du label (entre passé, présent, avenir), du fait de l’inscription des ressources patrimoniales et architecturales dans le projet d’évolution des territoires. Cette transversalité a également permis de faire ressortir les projets VPAH comme des leviers pour l’aménagement culturel des territoires.
Parmi les différents enjeux du label, celui de l’implantation d’un centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine, (CIAP), jugé parfois complexe à mettre en œuvre. Le groupe de travail sur cette thématique avait souligné l’enjeu de pouvoir disposer d’un lieu pour partager largement les ressources patrimoniales et architecturales locales, mais aussi de favoriser des déclinaisons transitoires, et de préfiguration, illustrant aussi bien la volonté de la collectivité labellisée de s’emparer du sujet, que d’aller vers ses habitants.
Pour l’évolution du label national, les territoires ont déjà ouvert la voie en expérimentant diverses manières de croiser les enjeux culturels et les enjeux environnementaux, en cohérence avec les fondamentaux déjà inscrits dans les textes qui encadrent le label.
Le label VPAH : un important levier de transition écologique au service des territoires
Les retours d’expériences présentés lors de la journée consacrée au label « Villes et Pays d’art et d’histoire » l’ont bien montré. Dans de nombreux territoires, ce label est déjà un important levier de transition écologique. Reste à en systématiser l’utilisation. « Il est nécessaire, dès la construction du projet de candidature, de travailler sur les attendus des conventions en réaffirmant la prise en compte des enjeux de transition écologique, plaide Nathalie Defrade, cheffe de projet VPAH à l’agglomération de Vannes, et membre du groupe de travail « Transition écologique » mis en place par le Service architecture de la DGPA dans le cadre de l’actualisation du label. « Il ne s’agit pas d’une mission mais bien d’un enjeu de société qui doit irriguer l’ensemble du projet porté par le label en adéquation avec la politique du territoire ». Il convient, de même, de « réaffirmer la dimension transversale du label ». Le projet de label doit s’appuyer « sur un diagnostic partagé formulé par une équipe pluridisciplinaire associant aux côtés des partenaires traditionnels de l’architecture et du patrimoine, l’ensemble des acteurs du secteur de l’environnement ».
Partager la page