Depuis maintenant dix-huit ans, la Réunion des Opéras de France, soutenue par le ministère de la Culture, coordonne dans toute la France l’événement « Tous à l’Opéra ! », placé, pour cette édition 2025, sous le signe du Melting Pot (creuset, brassage de populations).
Ces trois journées de portes ouvertes et d’animations en tout genre, « là où l’opéra, la musique et la danse deviennent une fête de l’humanité en mouvement », signalent notamment le dynamisme des opéras en régions.
En effet, au-delà de la traditionnelle visite des établissements lyriques, qui permettent de découvrir les envers de décors, les salles de répétitions, les ateliers de couture, les administrateurs, artistes et médiateurs des arts lyriques et chorégraphiques rivalisent d’ingéniosité pour attirer le public dans leurs murs. Tour d’horizon des actions innovantes.
Des écrans géants sur les places publiques
A Rennes, où l’opéra est en cours de labellisation par le ministère de la culture (« Opéra national en région »), le public est invité à découvrir les décors de La Flûte enchantée. Or, après les représentations du mois de mai, le spectacle fera l’objet de l’édition 2025 d’Opéra sur écran(s), opération montée en commun avec Angers Nantes Opéra, comme l’an dernier pour Tosca et L’Elixir d’amour en 2023. Il suffit de voir les photos de la foule rassemblée autour de l’écran à Rennes, Angers ou Nantes, mais aussi dans plus de 20 villes de Bretagne et 23 en Pays de Loire, pour mesurer les capacités de l’art lyrique à s’adresser à un public populaire.
De l’art lyrique en bas de chez soi
Autre initiative rennaise pleine de succès : Lyrisme de rue, qui sera aussi de la fête ce samedi 10 mai. Le nom de cette compagnie dit tout : ces trois jeunes chanteurs lyriques, accompagnés d’un pianiste et d’une violoniste, montent sur les tréteaux en plein espace public. Ils sont beaux à voir, enthousiastes, comiques, sensibles : ils font partager leur amour du chant, de la poésie et du théâtre. Ils tournent aussi dans les établissements scolaires. Nés du confinement de 2020 – ils habitaient le même quartier de Rennes et décidèrent de se retrouver en bas de chez eux pour chanter – ils ont réinventé la manière la plus simple de faire connaître les multiples facettes de la voix lyrique à tout un chacun.
Des répétitions pro/amateurs ouvertes au public
Cyrille Tricoire De Haro est violoncelle solo supersoliste de l’Opéra orchestre national Montpellier. Pendant ces trois jours de Tous à l’Opéra !, il ouvre exceptionnellement au public une répétition de son atelier de pratique instrumentale « À vos pupitres ». Les spectateurs auront ainsi un aperçu de la façon unique dont 70 violoncellistes amateurs, de différents âges et niveaux, travaillent ensemble, unis par la même passion pour cet instrument. De quoi donner envie de se joindre à l’orchestre !
Des barres qui font le tour des villes
C’est l’opéra de Nice Côte d’Azur qui, là, verra les choses en grand : une « Open Barre » en plein air sur la Promenade des Anglais, avec toute l’équipe du ballet : « Venez comme vous êtes (avec une tenue confortable) et laissez-vous guider. » Un échauffement de danse classique ouvert à tous, sachant ou ne sachant pas, en tous cas friand de cette expérience unique partagée avec tout un chacun. Une communion autour du geste qui préludera à une communion des voix pour ceux qui, un peu plus tard, se joindront à un chœur géant où tout le monde chantera Carmen dans la grande salle.
Des scènes ouvertes à toutes les capsules chorégraphiques
L’opéra de Massy, celui qu’on appelle parfois « l’opéra des HLM », propose une scène ouverte pour la danse : tous les danseurs locaux, amateurs comme professionnels – chaque groupe disposant d’un temps de passage de 30 minutes – viendront présenter une création ou un temps de leur travail en cours, sur la grande scène. Et l’on ne s’arrêtera pas là : parmi toutes les propositions variés (qui vont jusqu’à l’atelier de rempotage), retenons cette invitation à « oser » la scène, le jeu, l’improvisation, qui sont au cœur de l’art lyrique. Impropotam, la troupe d'improvisation des Tréteaux Amateurs de Massy (TAM) invitera le public à explorer cet art à travers des exercices ludiques et joyeux : expressivité, écoute, présence, en un mot l’expérience de la scène !
De la peinture en grand, à portée de pinceau
L’Opéra national de Bordeaux, quant à lui, invite son public à vêtir la salopette et transformer son grand foyer en atelier. On découvrira ainsi, par équipes de quinze personnes accueillies par les décorateurs, les techniques propres à permettre la réalisation d’une toile peinte immense. L’occasion de se frotter au travail mené pour le dernier ballet de Noël présenté à l’Opéra National de Bordeaux, Casse-Noisette. Des ateliers créatifs en grandes largeurs qui promettent une expérience hors du commun aux curieux comme aux passionnés d’arts plastiques.
De l’acoustique d’exception, comme à Epidaure ou à Vienne
Napoléon III divertissait sa cour au château de Compiègne. La construction du Théâtre Impérial - Opéra de Compiègne fut entreprise à sa demande en 1866 et interrompue sine die à la suite de sa chute en 1870. La restauration et l’achèvement de ce joyau architectural fut portée par des passionnés à la fin des années 1980. Enfin inauguré – en 1991 – il se distingue par son volume mais surtout par son acoustique exceptionnelle. Une salle, selon Carlo Maria Giulini, parmi « les plus parfaites du monde, plus accomplie que celle du Musikverein de Vienne, pourtant la référence en la matière.» A elle seule toute une histoire et un haut lieu sonore, cette salle appelle les oreilles en mal d’expériences sensibles et uniques !
Des recycleries pour le spectacle vivant
L’opéra de Rennes ici fait preuve encore d’une belle idée : la vente de décors, d’accessoires et de costumes, pour sensibiliser artistes et public au développement durable. Une opération montée avec La Belle Déchette, pendant l’événement Tous à l’Opéra ! Cette ressourcerie s’attache notamment à donner une seconde vie aux matériaux et aux décors du spectacle vivant. Les reliefs merveilleux de l’opéra, transportés pour l’occasion dans un tiers lieux au cœur du vieux quartier industriel : les Halles en commun. Rêves et bonnes affaires en perspective, où se fournissent aussi les compagnies amateures et professionnelles.
Des animations inclusives
Encore d’autres belles initiatives, et non des moindres, sont portés par les opéras en France, bien au-delà de ces trois journées. Saluons notamment l’opéra national de Lorraine qui, suivant les traces de la Mission Vivre ensemble, fait appel aux structures sociales, médico-sociales ou culturelles pour construire en commun des parcours personnalisés à l’attention de leurs publics spécifiques. Programme sur mesure, places pour assister aux répétitions générales, mais aussi animations de débats sur les grandes questions posées par les œuvres, ou, par exemple, sur la place des préoccupations environnementales dans les pratiques artistiques (« Discutons l’opéra »).
L’opéra pour tous avec Tous à l’Opéra !
Tous à l’Opéra ! est une initiative de la Réunion des Opéras de France. Cette édition 2025 est sous-titrée « Melting-pot », avec pour portes-paroles Marina Viotti, mezzo-soprano (que tout le monde connaît pour l’avoir entendue chanter devant la Conciergerie, à la suite d’un Ça ira interprété par le groupe métal Gojira, une magnifique Carmen, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris) et François Chaignaud, étonnant danseur-chorégraphe. Elle est placée sous le signe de la rencontre de différentes disciplines et pratiques artistiques, mais aussi plus largement de la solidarité, de l’inclusion et de la diversité.
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