Il s’agit d’un rendez-vous incontournable, chaque année : le Forum Entreprendre dans la culture s’inscrit comme l’un des temps forts de l’année pour les industries culturelles et créatives de valorisation de l’entrepreneuriat. Pendant trois jours, du 1er au 3 juillet à l’Ecole nationale supérieure d’architecture (ENSA) de Paris-Belleville, sont attendus près de 2 500 participants et 250 intervenants. Ils assisteront à environ 120 tables rondes et ateliers sur des thèmes aussi divers que le financement, l’accompagnement, la structuration de projets, mais aussi sur l'évolution du secteur culturel face aux nouveaux usages et à la transition numérique, les défis environnementaux ou encore le développement à l’international.
C’est lors de cet événement qu’est remis le prix IFCIC - Entreprendre dans la culture, co-financé par l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) et le ministère de la Culture. Il récompense lors de chaque édition, cinq entreprises ou associations qui ont développé, une initiative remarquable, innovante, originale, responsable et durable. Objectif : mettre en valeur des démarches entrepreneuriales créatives, les soutenir et les amplifier.
Cette année, le prix fête ses dix ans. Une décennie consacrée à la promotion de l’entrepreneuriat culturel puisque près de cinquante projets ont bénéficié d’un suivi personnalisé de l’IFCIC sur les questions de financement et d’ingénierie financière ainsi que de l’expertise et du réseau du ministère de la Culture. Un accompagnement qui a permis à de belles initiatives d’éclore. Zoom sur deux d’entre elles : Tada et Panthéa.
Tada, une aide administrative pour les artistes
Facturation, aide administrative, archivage… Toutes ces tâches sont essentielles dans la vie d’un artiste, mais difficiles à mettre en œuvre. C’est pour aider les professionnels à les gérer que Tada est né. À l’origine de ce projet : Delphine Toutain. Cette juriste en droit de la propriété littéraire et artistique a commencé sa carrière au sein de Picasso Administration, où elle a pu observer de près comment se déroulait la gestion de la succession d’un artiste. « Cette société était très bien gérée, avec un département archivage, un autre sur la gestion des droits, l’authentification, la comptabilité… Je me suis demandé si une telle structure existait du vivant des artistes, pour les aider à anticiper toutes ces questions. Il était important pour moi de contribuer au développement de projets artistiques essentiels au bon fonctionnement du monde dans lequel nous vivons. Je mets ma rigueur et mon bon sens au service de métiers que j’admire énormément. »
L’entreprise a ainsi été créée en 2015 et propose aujourd’hui des sessions d’information de deux ou trois heures sur des sujets divers : création d’un statut professionnel, facturation, introduction au droit d’auteur, etc. Ces formations sont proposées en partenariat avec une vingtaine d’acteurs du secteur, dont des écoles d’art, des résidences d’artistes ou encore des institutions. Elles peuvent être couplées avec des rendez-vous individuels. En 2024, près de 600 entretiens individuels ont eu lieu. « En général, ce qui freine les artistes, c’est le nombre de démarches, de documents… et c’est dommage, car cela va souvent de pair avec la protection de l’œuvre. Ce volet de gestion est aussi important que la communication, la création ou la vente. » Tada propose également des formations couvrant l’ensemble de la gestion administrative et de l’assistanat dans des studios d’artistes, pour des démarches telles que le pilotage financier de l’activité, la gestion RH, les relances clients, etc.
Tada a remporté le Prix IFCIC – Entreprendre dans la culture en 2020, à un moment charnière pour l’entreprise : le développement de son Tadassistant, un logiciel d’archivage. « J’étais sur le point d’arrêter de développer l’outil, car c’était trop cher, lorsque j’ai appris que j’étais lauréate. Je l’ai vu comme un signe. Le prix m’a beaucoup aidée : il m’a permis de tout remettre à plat, de repartir avec de nouveaux développeurs informatiques, et l’outil a pu voir le jour. ». Le Tadassistant se présente comme un logiciel en accès libre sur un site dédié, où les artistes peuvent s’inscrire sans engagement. Pour le moment, une centaine d’artistes l’ont utilisé. « Il y a un vrai travail de sensibilisation à faire sur l’archivage, qui est la colonne vertébrale du travail des artistes. C’est une donnée vraiment précieuse pour transmettre son patrimoine. »
Aujourd’hui, Tada diversifie ses activités : Delphine Toutain a coécrit Le Backpack de l’artiste, une sorte d’annuaire regroupant près de 600 liens indispensables aux différentes étapes de la carrière artistique. Elle a également développé une gamme de papeterie administrative, dont un calendrier avec des rappels des démarches à effectuer. Une myriade d’outils toujours destinés à simplifier la vie des artistes.
Panthea, le spectacle vivant à portée de tous
Rendre les représentations d’opéra, de théâtre ou de musique les plus inclusives possibles, tel est l’objectif de Panthea, co-créée en 2016 par Carl de Poncins. Cet ingénieur de formation a voulu briser la barrière de la langue et rendre le spectacle vivant accessible en proposant des solutions de surtitrage tout d’abord destinées aux personnes étrangères en visite en France. « Le point de départ était cette question d'accessibilité linguistique mais nous avons ensuite développé l’outil pour l'accessibilité au sens plus large, c'est à dire à la fois des traductions et des solutions pour les personnes sourdes et malentendantes, aveugles ou malvoyantes. »
Panthea propose ainsi des solutions clé en main pour les lieux culturels avec tout d’abord la création, en lien avec l'équipe artistique et de production, de traductions des textes ; ensuite en fournissant le matériel pour projeter ces sous-titres et enfin en assurant la régie pendant les représentations. Cette activité mobilise ainsi un grand nombre de métiers différents. « Notre grande force est d’avoir développé des compétences en interne avec des littéraires, des traducteurs, des spécialistes de l'accessibilité et des ingénieurs pour la partie technologique. C'est absolument essentiel pour arriver à un résultat de bonne qualité. On recrée à notre petite échelle ce qui existe dans le spectacle vivant, c'est à dire des corps de métiers extrêmement variés qui contribuent ensemble à un spectacle », souligne Carl de Poncins qui veut faire de Panthea la « porte d’entrée de l’accessibilité théâtrale » avec des surtitres pointus et très qualitatifs. Aujourd’hui la société est installée à Paris mais aussi à Berlin, où la pratique est très développée.
En 2017, l’entreprise a postulé pour – et remporté – le Prix IFCIC avec leur projet de lunettes connectées qui diffuse en temps réel les surtitres. « Elles permettent ce qu'on appelle un affichage tête haute avec moins d’efforts pour baisser ou lever les yeux. Les surtitres sont également personnalisables en changeant la taille de police, sa couleur ou sa luminosité. Cette personnalisation est extrêmement intéressante, notamment dans les grandes salles où l’on voit plus ou moins bien les surtitres en fonction de l'endroit où l’on est placé. Cela permet d’améliorer fortement le confort et apporte beaucoup plus de liberté. » Le prix et sa dotation ont permis à Carl de Poncins de développer cet outil inédit qui équipe aujourd’hui de nombreuses institutions comme la Comédie-Française ou l’Opéra de Lille.
Aujourd’hui, ces lunettes connectées se sont enrichies de nouveaux services comme l'audiodescription avec des écouteurs ou la langue des signes en vidéo. L’entreprise travaille également sur l’accompagnement des lieux culturels dans leurs projets de transformation. Cela implique de maîtriser les logiciels bien sûr, mais aussi de communiquer avec des typologies de public très différentes. « Par exemple savoir écrire en anglais, en allemand ou en italien, mais aussi être capable de dire bonjour en langue des signes quand on accueille du public sourd. C'est un axe très important pour nous d'accompagner les lieux, qu'ils soient gros ou petits, vers une démarche d’inclusion assistée par le meilleur de la technologie. »
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