En 2021, l’ouvrage Festivals, territoire et société proposait une analyse inédite des festivals à travers des indicateurs clés sur leur modèle économique, leurs objectifs, leurs réseaux, leurs bénévoles ou encore leur public. En juin dernier, Création et devenir des festivals en France, publié par le Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS) du ministère de la Culture, en collaboration avec le Cepel (Centre d’études politiques et sociales) de l’Université de Montpellier, a livré un nouvel éclairage sur une facette encore peu explorée de la dynamique festivalière : le cycle de vie des festivals.
Cet ouvrage présente les résultats de l’enquête CoFEST ! menée auprès de 1 237 festivals afin de comprendre comment, pourquoi et par qui un festival est créé. L’étude se concentre notamment sur la sociologie des créatrices et créateurs de festivals et de leurs dirigeants, leurs motivations pour créer un festival et s’intéresse également aux fragilités de ce secteur et aux contextes de disparition de ces événements. « Par les différents angles choisis, la recherche contribue à documenter la connaissance de professionnels qui œuvrent dans le domaine culturel mais aussi la connaissance des dynamiques festivalières territoriales, en optant pour une lecture sous l’angle de l’urbain et du rural des motivations de la création puis de la transmission de festival », explique en avant-propos Edwige Millery, ancienne chargée d’études du DEPS, responsable du suivi de cette recherche.
L’étude évoque enfin l’engagement dans leur transition écologique des festivals, souvent pointés du doigt pour leur empreinte carbone élevée. Cette nouvelle préoccupation est également soulignée dans le dernier Baromètre des festivals, paru en juillet dernier et qui place les engagements sociétaux – dont les enjeux écologiques – au cœur des préoccupations puisque 72 % des festivals déclarent intégrer les objectifs du développement durable dans leurs priorités.
Tri des déchets et circuits courts déjà plébiscités
Transport de matériel, consommation d’énergie, tri des déchets, alimentation, déplacement du public… les défis sont nombreux à relever pour les créateurs de festivals. Les festivals sont encouragés dans leurs actions de transition écologique par la Charte de développement durable pour les festivals, adoptée à la suite de la troisième édition des États généraux des festivals, en 2021. Depuis 2025, les festivals du champ de la création aidés de manière pluriannuelle sont soumis au Cadre d’action de coopération pour la transformation écologique (CACTE) qui conditionne le soutien de l’État à une démarche écoresponsable, avec un plan d’actions triennal.
Mais certains festivals – notamment ceux dont l’impact environnemental est le plus prononcé – s’étaient déjà emparés de cette question depuis plusieurs années. D’après l’enquête, plusieurs actions ont été menées dans une majorité de festivals, notamment celles touchant au tri des déchets (73 % des festivals interrogés l’ont mis en place avant 2022), leur réduction (65 %) ou encore l’approvisionnement en circuit court (71 %), la mutualisation du matériel et la communication papier écoresponsable. En revanche, ils sont encore trop peu à s’être emparés de sujets comme la sobriété numérique (17 % avant ou après 2022) ou la transition vers des sources d’énergies non fossiles (11 %).
L’étude révèle surtout la mobilisation croissante sur les sujets environnementaux depuis 2021. Par exemple, la part de festivals actifs dans le domaine du tri des déchets est passé de 13 % en 2020 à près de 80 % trois ans plus tard. De même, en 2020, seuls 5 % de ces événements avaient augmenté la part végétale dans leur offre d’alimentation ; ils sont 53 % en 2023. Ce degré d’engagement dépend du budget : plus un festival dispose d’une enveloppe importante, plus il mène des actions variées ; on note également que ces festivals sont également souvent les plus gros, à l’empreinte écologique la plus marquée.
Occitanie et Nouvelle-Aquitaine : deux exemples de politiques incitatives
À l’instar du ministère, sur le plan local, deux Régions ont mis en place l’éco-conditionnalité des aides. L’Occitanie fait office de pilote avec un comité créé en 2023 à l’initiative du conseil régional. Ce comité traite 250 demandes par an, pour une enveloppe de deux millions d’euros et 150 festivals financés. Il est composé d’experts du milieu culturel et environnemental. La Région travaille également avec l’association Élemen’terre qui favorise les pratiques écoresponsables des événements avec un référentiel pour des autodiagnostics. Le dispositif préfère encourager plutôt que sanctionner, ce qui a permis, sur les deux premières éditions, de constater une progression de l’engagement des festivals sur le sujet.
Depuis 2023, la Région Nouvelle-Aquitaine a mis en place une mesure similaire : la conditionnalité des aides à l’engagement dans la transition écologique. Les festivals recevant une aide inférieure à 150 000 euros sont invités à signer une charte. Ceux qui bénéficient d’une aide supérieure signent un contrat de transition dans lequel les actions menées sont quantifiées et mesurées. Trois critères ont été retenus pour le spectacle vivant : les mobilités, la consommation énergétique et l’alimentation. Pour chacun d’entre eux, le festival doit mettre en place au moins une action précise.
Création et devenir des festivals en France, de Julien Audemard, Aurélien Djakouane et Emmanuel Négrier. Ouvrage co-édité par le ministère de la Culture - Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation et les Presses de Sciences Po, 208 pages, 20 euros.
Une concertation autour de l'avenir des festivals
Analyser les défis rencontrés par les festivals et identifier des leviers pour les aider à assurer leur soutenabilité à court et à moyen termes, tels étaient les objectifs du groupe de travail réuni pendant six mois, de janvier à juin 2025. Ce groupe réunissant organisations syndicales et réseaux professionnels, piloté par la Direction générale de la création artistique du ministère de la Culture, répondait au souhait de la ministre de la Culture Rachida Dati de préserver une offre festivalière riche et diversifiée sur les territoires.
Parmi les sujets de travail qui ont fait émerger plusieurs leviers d'action, celui de l'adaptation au changement climatique. La Ministre a retenu la nécessité de construire des outils partagés par l'ensemble du secteur. Sur la base des pistes de travail identifiées, elle a demandé qu’un plan d'action soit établi pour la transition écologique des festivals.
Le plan d'aide du Centre national de la Musique à la transition des lieux, doté de 30 millions d’euros et destiné à soutenir la stratégie de transition – notamment écologique – des lieux de diffusion a déjà permis des avancées, dont s’est félicitée la Ministre. Elle a également annoncé sa volonté de mutualiser les études de vulnérabilité des festivals sur le modèle des référentiels carbone du secteur de la création.
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