Lancer le « plan Cabaret » au Moulin Rouge, dont le nom à lui seul ravive le souvenir de tant de figures mythiques, « Valentin-le-Désossé, la Goulue, Mistinguett », c’était, selon Rachida Dati, ministre de la Culture, « une évidence ». « Le cabaret fait partie de notre histoire culturelle, de notre joie de vivre et de notre liberté d’expression », a rappelé la ministre de la Culture, mardi 21 janvier. « Il représente aussi un réel poids économique, avec 200 établissements en France, animés par 5 000 employés, qui permettent à 2,5 millions de spectateurs de se divertir ». Enfin, le monde du cabaret, c’est aussi celui des costumiers, bottiers, brodeurs…, ces métiers d’art regroupés sous le label « Entreprise du patrimoine vivant », dont le Moulin Rouge accueille des représentants emblématiques.
Le cabaret, un patrimoine vivant
En arrivant dans les lieux, la ministre de la Culture est revenue sur cette forme originale de création, ouverte aux problématiques sociétales actuelles. « Le cabaret, à travers la transformation, le maquillage, les costumes, est un lieu de liberté sans égale, où résonnent les notions de différence, d’inclusion et de diversité », a-t-elle assuré. Le plan Cabaret s’inscrit aussi dans le prolongement du plan Culture et Ruralité, lancé en juillet 2024, dont l’ambition est de permettre un accès à la culture à tous et partout. « 22 millions d’habitants, soit un tiers de notre population, habitent aujourd’hui dans des zones rurales. Or, la réalité du cabaret, c’est aussi qu’il a su se décentrer de Paris. De nombreuses communes rurales se sont emparées du cabaret ». Ainsi, parmi les 200 cabarets développant un projet sur le territoire national, seuls 24 sont installés à Paris en 2025.
Patrimoine vivant unique en son genre, le cabaret nécessite une protection, comme l’a préconisé un rapport publié en février 2024 par la direction générale de la création artistique (DGCA) du ministère de la Culture, élaboré en concertation avec les professionnels du secteur.
Dans les coulisses du Moulin Rouge
Maîtresse de ballet, danseurs et danseuses, ateliers de métiers d’art, techniciens de plateau… Ils sont les acteurs clés de la réussite d’une revue. Pour cette raison, la ministre de la Culture a tenu à les rencontrer en visitant les coulisses du Moulin Rouge. À commencer par ceux sur qui les projecteurs sont braqués chaque soir : les danseurs. « Le ballet est composé d’artistes de différentes nationalités, les talents sont issus du monde entier », se félicite Virginie Clerico, directrice de la marque Moulin Rouge et du marketing stratégique, en soulignant la renommée internationale du cabaret. Les danseurs, eux, préfèrent évoquer les contraintes. « Pendant le spectacle, nous ne cessons de changer de costumes. Nous avons une quinzaine de numéros différents », témoigne un danseur.
Au Moulin Rouge, les ateliers de création occupent une place importante. Depuis des décennies, ces ateliers conçoivent costumes, plumes, broderies et bottines sur-mesure. « Toutes les chaussures sont fabriquées à la main, dit Nicolas Maistriaux directeur de la Maison Clairvoy, qui conçoit les légendaires bottines du French Cancan. Cette chaussure est aussi « le prolongement de l’artiste sur la scène ». « Il faut qu’elles soient capables de réaliser tout ce que la maîtresse de ballet a imaginé », explique Nicolas Maistriaux. Même travail d’orfèvre, à l’Atelier Valentin, du nom de sa créatrice, Caroline Valentin (« nous travaillons selon la technique de la broderie de Lunéville, soit avec un crochet sur l’envers du tissu, sans voir ce que faisons »), et chez Maison Février, le plumassier du Moulin Rouge (« nous recevons entre deux et trois tonnes de plumes d’autruche par an, dit Maxime Leroy, son directeur artistique, pour réaliser près de 300 costumes qui habillent tous les soirs les artistes »).
Ses robes à frou-frou sont célèbres dans le monde entier. L’atelier de création de costumes longtemps dirigé par Mine Vergès, qui a été élevée par la ministre de la Culture au titre de Commandeur de l’ordre des Arts et Lettres, est un symbole de la tradition des métiers d’art. Pour la conception des costumes, une dizaine de corps de métiers peuvent « travailler en symbiose », se félicite Mine Vergès, qui se félicite de l'esprit collectif qui préside à ce travail. « Notre savoir-faire dans les métiers d’art est envié dans le monde entier, renchérit la Ministre. C’est en ce sens que j’ai souhaité lancer il y a quelques jours le nouvel établissement public Manufactures nationales - Sèvres & Mobilier national ».
Plan Cabaret : un accompagnement du secteur
Le plan Cabaret se décline en trois axes : le soutien à la création ; le renforcement de la visibilité et de la connaissance du cabaret ; et la valorisation du patrimoine du cabaret. S’agissant du premier axe, la ministre annonce « le lancement dès le printemps 2025 d’un fonds de soutien au développement de personnage et le soutien à des résidences cabaret dans l’ensemble des scènes publiques et des centres d’art ». « Le plan est acté et serré » précise-t-elle. Il permettra au Centre national de la musique « de jouer pleinement son rôle pour accompagner les transformations du secteur ».
En matière de visibilité, « un focus cabaret » sera organisé au cours de la saison culturelle 2025/2026. A cette occasion, une commande photo sur les métiers du cabaret sera lancée ainsi qu’un podcast. Le ministère de la Culture soutiendra également l’organisation de journées de rencontres et d’études, et développera des formations « cabaret » en direction de ses agents dans le cadre du 3e axe.
Le cabaret, « c’est un trésor national, un patrimoine matériel mais aussi immatériel, unique au monde » dit la ministre. Les métiers d’art propres au cabaret – bottier, brodeur, plumassier, corsetier, couturier – seront intégrés au programme de « Maître d’art ».
Enfin, une mission est confiée au Moulin Rouge, en lien avec le Centre national de la danse, « pour travailler à l’inscription du cancan à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel ». Pour finir le développement d’une stratégie de valorisation du cabaret à l’international sera engagé.
Résidences cabaret : 10 projets en région en 2025/2026
Dans le cadre de l’axe « Soutenir la création » et de la mesure « Soutien à des résidences cabaret dans des lieux pluridisciplinaires ou centres d’art », 10 projets se déroulant en 2025/2026 ont été retenus avec les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC).
Auvergne Rhône-Alpes
La Maison de la danse de Lyon accueillera en résidence le projet « Corps et âme » proposé par Patachtouille en février 2026. Depuis 2017 Patachtouille écume les cabarets parisiens tels que Le Secret, La Barbichette, Madame Arthur, La Bouche, Poussière… c’est sur ce parcours atypique après sa formation de chant classique et ses multiples interprétations lyriques qu’elle souhaite revenir accompagnée au piano par Cosme McMoon, une introspection sous forme de grand ménage.
Grand-Est
Le Manège, scène nationale de Reims, a souhaité associer Monsieur K, créateur des cabarets, Le Secret et La Barbichette. Fer de lance du renouveau du cabaret en France, Jérôme Marin, alias Monsieur K, est artiste associé au Manège de 2024 à 2027 alors qu’il célébrera les 20 ans de la création de sa créature en 2026, il proposera à ces occasions plusieurs résidences de création et de transmission et de nombreuses rencontres.
La Mousson d’été accueille en résidence pour son édition 2025 en août prochain, le projet « Et l’amour dans tout ça » proposé par Corrine et Lalla Morte. Au milieu d’un monde conflictuel et souvent brutal, elles feront une place à l’amour, à ses différents visages, à sa capacité à nous transformer. Cette traversée entre joie, déraison, magie et errance nocturnes se construira avec des chansons françaises revisitées et des numéros performés.
Grand-Est et Bourgogne Franche-Comté
Le Centre culturel de rencontre Les Dominicains de Haute Alsace accompagné par le Théâtre GRRRANIT, scène nationale de Belfort reçoivent en résidence Fürsy Von Colmar pendant la prochaine saison. Au cours de celle-ci Fürsy Von Colmar développera "La boîte à Fürsy", cabaret itinérant prenant la forme d’une boîte lumineuse au sein de laquelle elle explorera toutes les facettes : boîte à musique, boîte à jeux, boîte de nuit, boîte à surprises en faisant renaitre le cabaret créé par son homonyme Henry Fursy chansonnier du début du XXe siècle et le projet "Unter Rhein". Il proposera également le "Bingo de Fûrsy", des masterclasses et des ateliers.
Ile-de-France et Martinique
Le Palais de Tokyo accompagné par Chaillot, Théâtre national de la danse accueille au cours de l’été 2025 en résidence le projet "Cabaret Z" proposé par Nadia Chonville (participante de La Relève). Le "Cabaret Z" sera composé d’une équipe de 4 artistes permanents résidant en Martinique et d’une dizaine d’artistes réguliers s’inscrivant dans les champs du Drag, de la musique, du chant, du slam. Il proposera des spectacles présentant des stratégies de libération féministes et queer de la Caraïbe.
Normandie
La Brèche, Pôle national de cirque de Normandie recevra en résidence le projet "Bestiaire / Vestiaire" proposé par la Maison de La – Antoine Linsale en octobre 2025. "Bestiaire/Vestiaire" souhaite réactiver la forme historique et politique du cabaret. Le plateau sera une agora occupée et traversée par une diversité de gestes, de récits et de voix discordantes, autres. Les tours de passe-passe s’enchaîneront, et c’est à coup d’(ef)feuillages et de lâchers de créatures qu’iels détricoteront les injonctions.
La Scène nationale 61, Alençon accueillera en décembre 2025 en résidence le projet "Brenda Mour Enfin !". L’artiste Kova Réa connait bien la scène. Néanmoins, pour le retour de sa Brenda Mour après une première série de représentations, il est essentiel de poser les bases du projet et d’effectuer un travail approfondi sur le show dans son ensemble, d’en comprendre mieux l’intention et le fil conducteur qui relie l’ensemble des chansons.
Pays de Loire
La Balise, salle de spectacles du Pays de Saint Gilles Croix de Vie Agglomération accueille en résidence le projet "Cabaret Folle" proposé par Corrine en mai 2025. N’est pas folle qui veut… c’est une vocation, c’est un sacerdoce, c’est une religion, c’est un devoir. Corrine propose à L’Oiseau Joli, La Baronne du Bronx, Monsieur K et Patachtouille de la rejoindre dans cette nouvelle aventure le "Cabaret Folle" splendide et irrévérencieux.
Les Quinconces et l’Espal, Scène nationale du Mans accueille en résidence le projet « l’INM Ose… la créature ». Pour bien s’approprier son domaine et ses spécificités, il est indispensable de s’ouvrir à d’autres univers, variés et contrastés. Dans le cadre d’une résidence de l’Institut national du Music-Hall une carte blanche sera proposée aux étudiants autour des créatures de cabaret afin qu’ils travaillent à l’apparition de figures extraordinaires, fantastiques et extravagantes.
Provence-Alpes-Côte d’Azur
La compagnie Cornucopiae – Régine Chopinot accueille en résidence Alexandre Paulikevitch (Liban) au Port des Créateurs en avril/mai 2025 pour le projet « Retiens la nuit ». Le Baladi est regardé comme une danse exclusivement féminine, Alexandre Paulikevitch est l’un des rares hommes à le danser au Liban et dans le monde arabe. Il explore la part émancipatrice de cette danse la rage au ventre, en mettant en avant le corps politique marqué par les questions de genre. Dans son nouveau projet il s’interroge : que faire des bombardements, de leurs bruits, de leurs déflagrations, que faire quand la liberté d’expression devient problématique et la montée des extrêmes une réalité.
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