Les marines, les tempêtes, les batailles navales et autres naufrages, on le sait, peuplent les musées. Chacun se souvient du Radeau de la Méduse, notamment, mais aussi des innombrables tableaux des écoles hollandaises et italiennes. Les artistes plus récents, toujours autant fascinés, ont enrichi leurs thématiques et développé encore, s'il était possible, leur sensibilité aux lumières et aux couleurs que recèlent l'élément marin et ses atmosphères. Petit aperçu en passant par quatre expositions récentes.
Une mer nourricière à la racine de la création chez Matisse
La Méditerranée a exercé sur Matisse une fascination continue, depuis sa première visite de la Corse en 1898 à sa fréquentation ininterrompue de Nice entre 1917 et 1954, en passant par de nombreux voyages à la découverte de l’Algérie, de l’Espagne, de l’Italie et du Maroc. Émerveillé, Matisse le disait lui-même, par cette lumière méditerranéenne, celle que les Romains appelaient « notre mer » inspire au peintre d’intenses recherches chromatiques et plastiques, et la découverte de nouveaux motifs. L’exposition retrace ainsi, par le biais d’œuvres variées, les attaches, les rituels, les idiomes liés à cette aire civilisationnelle et le rapport que Matisse entretenait avec elle.
Cette exposition passionnante, produite par le musée Matisse de Nice avec la participation du Centre Pompidou, labellisée d’intérêt national par le ministère de la Culture et programmée par la Biennale des Arts et de l’Océan – Nice 2025, s’est ouverte au mois de mai dernier. Elle nous donne jusqu’au 8 septembre pour trouver le moyen d’aller la visiter. C’est en effet un rendez-vous incontournable : l’occasion d’admirer une série de chefs-d’œuvre de Matisse rarement présentés en France – au nombre de 150 – témoins magnifiques des voyages de Matisse en Méditerranée.
Marins, marinières, sirènes et martyrs colorés chez Pierre et Gilles
Les Franciscaines, le centre culturel ouvert en 2020 à Deauville, accueille, depuis le 24 mai 2025 et jusqu’au 4 janvier 2026, Mondes Marins, une exposition signée Pierre et Gilles, qui unit à certaines œuvres iconiques des débuts des deux artistes, une sélection de pièces emblématiques, issues de galeries et de collections privées. Bien connus et admirés pour leurs images pops et colorées qui mêlent peinture et photographie, l’expo montre combien le duo est inspiré, depuis ses débuts, par les marins, les scènes portuaires et les paysages sous-marins, qui nourrissent des thématiques aussi variées que l’érotisme, le glamour, la crise climatique, la mort…
Sous leur regard, Nina Hagen, icône punk des années 70 et 80, devient Amphitrite, nymphe marine et femme de Poséidon, et Kylie Minogue se transforme en Vierge Marie, protectrice des marins. Quatre œuvres spécialement créées pour l’exposition viennent compléter la fête, et notamment cette Philomène, la sainte patronne des bateliers, martyre catholique que l’empereur Dioclétien fait jeter dans le Tibre, attachée à une ancre, parce qu’elle aurait refusé ses avances. Pierre et Gilles ont choisi de l’entourer de mystérieux fonds marins, une évocation attrayante et colorée des profondeurs, que trouble toutefois celle de la pollution plastique et de l’inévitable dégradation des océans.
Les paquebots, « géants des mers »
Tout un programme onirique auxquels les artistes n’ont pas manqué de contribuer, de toute la puissance de leur palette ! Le musée d’art moderne André Malraux (Muma), au Havre, a décidé de le montrer (Paquebots 1913-1942, une esthétique transatlantique, jusqu’au 21 septembre 2025). L’exposition donne à voir combien les peintres de la modernité, cubistes, futuristes ou surréalistes, mais aussi les photographes, les affichistes, les architectes, les cinéastes, les agences de publicité et même les poètes ont été sensibles à ce petit monde à lui seul qu’est un paquebot le temps d’une traversée, où s’entremêlent ennui et frivolité, inquiétudes et espérances… au milieu du tumulte de l’époque.
A noter aussi, toujours au Havre, toujours au Muma, mais cette fois à partir du 8 novembre et jusqu’au 5 avril 2026, l’exposition Ports en vue, qui puise dans les collections du musée pour produire rencontres inédites et autres rapprochements audacieux entre des œuvres d’horizons et époques divers. Digues, grues, conteneurs, bers et écluses, univers industriel et portuaire, parfois irréel, souvent hors normes, aux antipodes du pittoresque et parfois du beau, les ports sont décidément un objet de peintures : l’exposition rassemblera les travaux d’une vingtaine d’artistes, du début du XXe siècle jusqu’à nos jours, parmi lesquels Raoul Dufy, Émile Othon Friesz, Albert Marquet, Roger Guerrant, jusqu’à Pierre et Gilles ou JR, en passant par Noémi Pujol, Sylvestre Meinzer, Jürg Kreienbühl ou Alain Ceccaroli.
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