C’est un outil de mesure et d’analyse précieux pour comprendre les évolutions sociétales. Lancé en 2022, le Baromètre de l’esprit critique permet d’interroger les Français sur leur rapport à la science, les sources d’information qu’ils consultent ainsi que sur leur manière de débattre et les moyens dont ils disposent pour se forger une opinion. « Ces résultats sont une mine précieuse d’informations pour les professionnels de la culture scientifique, de l’éducation aux médias et à l’information et plus globalement ceux qui s’intéressent au débat sociétaux », résume Bruno Maquart, président d’Universcience.
Dans un contexte de forte mobilisation du ministère de la Culture en faveur du pluralisme de l’information et de l’éducation aux médias, ce Baromètre, publié à l’occasion du Printemps de l’esprit critique, manifestation organisée jusqu’au 3 avril par Universcience, s’est aussi penché, après la vaccination en 2022, le réchauffement climatique en 2023 et l’intelligence artificielle l’an dernier, sur un sujet brûlant : l’alimentation. Zoom sur les enseignements de ce Baromètre.
L’intérêt pour les sciences en recul
Pour les Françaises et les Français, la vérité scientifique n’est plus tout à fait ce qu’elle a été. Ainsi, même si 62 % des sondés se montrent intéressés par ce thème, on note un décrochage de 7 points par rapport à l’an dernier. Un recul qu’il faut néanmoins relativiser car la science bénéficie aujourd’hui encore de très bons résultats : 78 % des sondés attribuent plus de valeur à une affirmation si elle a été validée scientifiquement, 80 % pensent qu’elle permet de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons et 79% qu’elle permet d’améliorer nos conditions de vie. « C’est un plébiscite, se satisfait le sociologue Michel Dubois, membre du comité scientifique. Il y a une attente très forte de personnes vis-à-vis de la science et celle-ci ne se résume pas à un rôle utilitaire de résultats puisqu’elle contribue, selon le panel, à mieux comprendre le monde qui nous entoure. »
Cet intérêt scientifique est plus marqué chez les hommes (71 % contre 55 % des femmes) et les personnes issues des catégories socioprofessionnelles supérieures (69 % contre 56 %). La tranche des 15- 24 ans place, elle, plus d’espoirs quant à son impact positif sur la société : 72 % estiment que son développement rend l’homme meilleur (contre 60% pour les autres tranches d’âge) et ils manifestent une plus grande confiance dans la communauté scientifique. « Il y a également un sujet sur l’indépendance de la science, poursuit Michel Dubois. Un Français sur deux considère qu’il y a un doute sur l’indépendance des scientifiques, un comportement hérité de l’époque covid et qui est à reconstruire. »
Pour s’informer sur les sujets scientifiques, les sources principales restent les reportages et émissions (36%) ou magazines (24%) spécialisés. Mais des pratiques nouvelles émergent chez les 18-24 ans : l’intelligence artificielle (IA), évoquée par 19 % des répondants et le rôle des influenceurs scientifiques et des youtubeurs, pour 22 % du panel.
Internet et télévision, principales sources d’information
Le Baromètre 2025 confirme les grandes tendances des éditions précédentes : les canaux et supports se multiplient mais Internet (hors réseaux sociaux) et la télévision demeurent les principales sources d’information pour respectivement 68 % et 66 % des répondants. Là encore, ces chiffres varient selon les générations puisque les 15-24 ans s’appuient davantage sur internet (78 %) mais utilisent moins la télévision et la radio, qui reste globalement le média inspirant le plus confiance. Comme pour les sciences, l’intelligence artificielle s’impose de plus en plus dans le paysage médiatique chez les plus jeunes puisque le recours à ces outils pour s’informer est de mise pour 21 % des 15-24 ans (contre 10 % pour les autres tranches d’âge).
De manière générale, pour vérifier la fiabilité de l’information en ligne, les Français portent moins d'intérêt aux sources puisque seuls 36 % des sondés se réfèrent désormais au média dont l’information est issue (-7 points). L’identité de la personne qui relaie l’information est en revanche un critère de confiance, notamment chez les 18-24 ans, plus sensibles au fait que l’information soit communiquée par un membre de leur entourage (23% contre 15% pour l'ensemble de la population), un expert ou un chercheur (21% contre 11 %) ou un influenceur (20 % contre 5%).
Trois-quarts des Français considèrent avoir « l’esprit critique », une notion définie pour le panel par trois critères : faire preuve de raisonnement logique et rationnel (43%), échanger avec des personnes aux opinions divergentes (40%) et s’informer davantage avant de se positionner (39%). Mais ces trois attitudes perdent tout de même entre 8 et 10 points depuis 2022 et la capacité à se méfier de ses propres intuitions – pourtant indispensable pour détecter ses biais cognitifs – reste l’attitude la moins souvent citée. L’entourage, l’école et les sciences sont les trois piliers cités pour construire son esprit critique. Enfin près de huit Français sur dix déclarent participer souvent ou de temps en temps à des débats sur des sujets de société ou scientifiques, généralement dans le cercle privé, en famille (61%) ou avec des amis (64%).
Le bien manger au cœur des préoccupations
Les Français recherchent des pratiques alimentaires saines et éthiques : trois quarts des sondés font attention à manger équilibré et 8 sur 10 intègrent systématiquement ou presque des fruits et des légumes dans leurs repas. Plus de la moitié des Français (56%) font d’ailleurs attention à ce qu’ils achètent et lisent régulièrement, pendant leurs courses, les étiquettes et les emballages ou consultent le Nutri-score (44%). La moitié des sondés est attentive à l’origine géographique du produit (52%) ou aux labels de production de type Label Rouge ou Bio (46%). « L’alimentation est au carrefour de notre culture et de la science, constate Mélanie Deschasaux-Tanguy, chargée de recherche en épidémiologie nutritionnelle. Tout le monde mange et a un avis sur ce qu’il mange et il y a souvent une confrontation entre deux mondes, celui du plaisir et celui de l’équilibre. » Au moment de faire leurs courses, les sondés reconnaissent faire leur choix en priorité sur le prix (critère le plus cité, par 69 % des répondants).
Plus de la moitié des interrogés se déclarent « omnivores », c’est-à-dire mangeant de tout sans restriction, tandis que 22 % font plus attention à leur consommation de viande et de poisson et 8 % se déclarent végétariens ou végétaliens (25 % chez les 18-24 ans). Urbains et ruraux ont des comportements différents, les premiers étant plus souvent flexitariens, végétariens ou végétaliens et les seconds plus fréquemment omnivores. Parmi les motivations exprimées pour suivre un régime alimentaire, plus de la moitié évoque des préoccupations environnementales ou éthiques et 42% des raisons médicales.
Autre enseignement : 8 Français sur 10 partagent au moins une opinion erronée sur l’alimentation comme par exemple l’efficacité d’une « cure détox », l’apport des compléments alimentaires et le fait que les hommes ont besoin de plus de viande rouge que les femmes. Ces fausses affirmations sont particulièrement approuvées par les 15-24 ans.
Un Printemps pour s’interroger sur l’esprit critique
Trier l’information et la qualifier pour construire son jugement, en somme développer sa propre culture de l’esprit critique : tel est le défi relevé par Universcience. En plus du Baromètre, le Printemps de l’esprit critique propose, jusqu’au 3 avril, une programmation variée à destination du grand public avec des ateliers, expositions, médiations, conférences ou encore tables rondes. En tout, près de 120 structures participent dans le monde entier.
Fil rouge de cette programmation, le parcours « Esprit critique et alimentation » à la Cité des sciences et de l’industrie, en écho aux questions soulevées par le Baromètre. Ce parcours se prolonge avec une série de vidéos disponibles sur leblob.fr, le média d’information scientifique d’Universcience, et par des rendez-vous spécifiquement proposés pour les professionnels de l’éducation et de la médiation.
Partager la page