1886 – Huitième exposition
La huitième exposition impressionniste, qui sera la dernière, a lieu 1 rue Laffitte, à Paris, du 15 mai au 15 juin 1886. Les exposants disposent de cinq salles (La Petite Gazette, 18 mai), au premier étage du restaurant la Maison Dorée. 249 œuvres sont exposées.
Ruptures
Quatre années se déroulent entre la septième et la huitième exposition impressionniste. Ces années sont marquées par plusieurs ruptures.
En 1883 survient la mort de Manet. « Une catastrophe » selon Cezanne. L’exposition posthume, en 1884, est l’occasion, pour de nombreux artistes, de découvrir véritablement l’œuvre de Manet. Comme le constate Pissarro, le rôle précurseur de Manet apparaît alors pleinement : « c’est une occasion de se rendre compte de l’ensemble de l’œuvre de ce grand artiste si bêtement méconnu » (25 décembre 1883, Bailly-Herzberg, p. 265).
Monet, Pissarro et Sisley, qui vivaient en banlieue, s’éloignent jusqu’aux confins de l’Ile-de-France et même au-delà. En 1882, Sisley, le premier, s’installe à Saint-Mammès, près de Moret-sur-Loing. L’année suivante, Monet loue une maison en Normandie, à Giverny, où il va créer progressivement un jardin destiné à devenir le sujet de ses peintures. En 1884, Pissarro, qui était depuis 1882 à Osny, part pour Eragny, et bientôt Gisors, en Normandie également. Cezanne reste de plus en plus souvent dans le Midi. Degas demeure obstinément parisien, tout comme B. Morisot et M. Cassatt qui, plus tard, se partagera entre la capitale et l’Oise. Eternel itinérant, Renoir continue de faire le lien entre ses camarades.
En 1882, le marchand Durand-Ruel acquiert de nouveaux locaux, 9 boulevard de la Madeleine. Il met en place un programme d’expositions particulières qui amènent les artistes à se désolidariser un peu plus encore des expositions de groupe. Il expose d’abord Boudin, viennent ensuite Monet, puis Renoir, Pissarro et enfin Sisley. Ces expositions sont au mieux des demi-échecs. En 1885, Monet n’hésite pas à répondre favorablement à Georges Petit, lorsque celui-ci l’invite à prendre part à l’Exposition internationale. La galerie de Georges Petit a été « fondée sous les auspices de Cabanel, Robert-Fleury, Hébert » (Geffroy, p. 108), « membres de l’Institut », précise le catalogue. L’Exposition internationale a été créée à un moment où le sujet du protectionnisme et des nationalités agitait le monde artistique parisien. Le comité de cette exposition, en 1883, est composé de l’Italien De Nittis, de l’Espagnol Madrazo et du Belge Stevens. Parmi les exposants, on relève Boldini, Edelfelt, Liebermann, Sargent, Stewart, Stott, Whistler… que Pissarro appelle « les opportunistes du Salon » (Bailly-Herzberg, 2, p. 80). En 1886, Monet accepte de nouveau de participer à l’Exposition internationale de peinture et de sculpture, du 15 juin au 15 juillet. Cette fois, il est rejoint par Renoir. Ils y retrouvent Raffaëlli… dont la participation aux expositions impressionnistes a suscité tant d’opposition, notamment parmi les membres du clan Caillebotte. Une chose est certaine, grâce à l’exposition de 1886, Monet vend douze peintures pour un montant global de 15 100 francs. Dès l’année suivante, Monet, qui fait désormais du comité d’organisation de l’Exposition internationale, est rejoint de nouveau par Renoir, mais aussi par B. Morisot, Pissarro et Sisley.
Renoir déclare qu’il veut « en finir avec l’impressionnisme ». Il voyage en Italie, se tourne vers Raphaël et Ingres. Sa volonté d’allier pureté de la ligne, monumentalité classique et esprit de la Renaissance prend la forme d’une œuvre emblématique à laquelle il travaille de 1884 à 1887 : « Les Grandes baigneuses ». La représentation de la figure humaine est à la base de la formation classique. Pissarro, au début des années 1880, s’intéresse de plus en plus aux figures. Dans la seconde moitié de la même décennie, Monet renoue à son tour avec ce qu’il qualifie de « rêve ancien ». Quant à Cezanne, il travaille lui aussi sur le thème des figures dans un paysage, notamment avec ses baigneuses et baigneurs. Bientôt, il voudra faire « du Poussin sur nature ». Ces références au classicisme entrent nécessairement en conflit avec l’impressionnisme. En effet, le classicisme vise à l’intemporel et au permanent, tandis que l’impressionnisme veut traduire le fugitif et l’inconstant. Les impressionnistes vont s’employer à trouver un difficile équilibre entre ces deux pôles.
L'impressionnisme scientifique
Une préoccupation similaire anime un groupe de jeunes artistes, Aman-Jean, Le Sidaner, Ernest Laurent et Seurat, élèves d’Henri Lehmann (lui-même élève d’Ingres) à l’École des beaux-arts de Paris, où ils se sont liés d’amitié. En 1884, Seurat met au point la technique du « chromo-luminarisme ». Le « chromo-luminarisme » consiste à ne pas mélanger préalablement les couleurs sur la palette, mais à laisser l’œil du spectateur faire ce mélange. Pissarro, notamment, utilisait les couleurs complémentaires dans ses peintures dès les années 1870. Gauguin, qui s’est formé auprès de Pissarro, observe : « On blâme chez nous les couleurs sans mélange, à côté les unes des autres. Sur ce terrain nous sommes forcément vainqueurs, aidés puissamment par la nature qui ne procède pas autrement. Un vert à côté d’un rouge ne donne pas un brun rouge comme le mélange mais deux notes vibrantes. A côté de ce rouge, mettez-y un jaune de chrome, vous avez trois notes s’enrichissant l’une par l’autre et augmentant l’intensité du premier ton, le vert » (« Notes synthétiques », dans « Oviri, écrits d’un sauvage », Paris, 1974, p. 24). Seurat systématise cette démarche et, s’appuyant sur diverses observations scientifiques Le point de divergence essentiel avec l’impressionnisme, réside dans la touche : « Quant à l’exécution, nous la regardons comme nulle, ce n’est du reste que peu important l’art n’ayant rien à y voir, selon nous, la seule originalité consistant dans le caractère du dessin » (Bailly-Herzberg, p. 75). Cette observation, faite par Pissarro en 1886, pourrait émaner d’un peintre académique.
La technique « chromo-luminariste » se concrétise pour la première fois dans « Une baignade à Asnières », de Seurat. Ce tableau répond à une recherche d’ordre, de stabilité, voire de sévérité, très classiques. Son influence est rapide et considérable. Cross, Dubois-Pillet et Signac adoptent cette nouvelle technique, tout comme Cavallo-Péduzzi et Léo Gausson, qui la transmettent à Luce. En 1885, Camille Pissarro fait la connaissance de Signac dans l’atelier de Guillaumin. Il a déjà rencontré Seurat chez Durand-Ruel. Début 1886, sous l’influence de son fils Lucien, Pissarro adopte à son tour le divisionnisme : « une phase nouvelle de la marche logique de l’impressionnisme » (Bailly-Herzberg, 1, p. 40). Cette approche, dite scientifique, qui impose aux artistes une élaboration lente et un recul certain, s’oppose à l’impressionnisme dit romantique, plus spontané.
Le Salon des Indépendants
En 1884, le jury du Salon fait de nouveau preuve d’une sévérité excessive. Un baraquement provisoire est installé aux Tuileries pour y exposer, du 15 mai au 15 juillet, les œuvres refusées de plus de… 400 artistes ! A la suite de quoi, le 11 juin, Angrand, Cross, Dubois-Pillet, Seurat et Signac, réunis sous la présidence de Redon, fondent la Société des Indépendants. Les jeunes artistes s’attribuent le terme d’indépendants, revendiqué par Degas. Du 10 décembre 1884 au 17 janvier 1885, a lieu le premier Salon des Indépendants. Comme chez les impressionnistes, il n’y a ni jury, ni récompenses. Installé au Pavillon polychrome, situé à proximité du Palais de l’Industrie, puis dans la grande serre du Cours-la-Reine, il est inauguré par le président du Conseil municipal de Paris, qui se positionne d’emblée comme soutien aux protestataires, lesquels adoptent pour leur communication les couleurs de la capitale : le bleu et le rouge. Seurat y présente « Une baignade à Asnières ». Selon la « Chronique des arts et de la curiosité : Pendant sa durée qui a été de 31 jours, l’exposition des artistes indépendants a été visitée par environ 7 000 personnes. Sur ce nombre on a compté à peine 3 600 entrées payantes ».
Seul des impressionnistes, Guillaumin a rejoint les Indépendants. Pissarro, s’estimant toujours lié aux impressionnistes, n’adhère pas à la Société et refuse de participer à son salon : « La question d’une exposition faite par les anciens camarades étant à l’ordre du jour, je ne puis me décider pour toute autre exposition ». Il assiste néanmoins au banquet des Indépendants, en janvier 1886, et entretient de fréquentes relations avec Signac et Seurat.
Pissarro rejoindra par la suite les Indépendants, au salon desquels exposeront également Anquetin, Cezanne, Gauguin, Guillaumin, Lautrec, Lemmen, Luce, O’Connor, Osbert, le douanier Rousseau, Van Rysselberghe, Van Gogh, Willette…
L'ultime exposition
En décembre 1885, Gauguin écrit à sa femme : « Nous allons faire au mois de mars une exposition très complète avec des nouveaux impressionnistes qui ont du talent. Depuis quelques années toutes les écoles, les ateliers s’en préoccupent, et on estime que cette exposition fera beaucoup de tapage, peut-être ce sera le point de départ de notre succès » (« Oviri », p. 28-29). Pourquoi, après quatre années d’atermoiements, ce renouveau du désir d’exposer collectivement ? « Plus que tout le commerce de tableaux est ici complètement mort et il est impossible de vendre de la peinture » ajoute Gauguin. Il s’agit donc d’une nouvelle action désespérée pour tenter de sortir de cette situation de crise.
Fin avril 1886, Pissarro annonce triomphalement : « On a un local ! Enfin une nouvelle dite avec assurance » (Bailly-Herzberg, p. 42). La huitième exposition impressionniste, qui sera la dernière, a lieu 1 rue Laffitte, du 15 mai au 15 juin 1886. Les exposants disposent de cinq salles (La Petite Gazette, 18 mai), au premier étage du restaurant la Maison Dorée.
Préparatifs
Le 16 février 1886, Pissarro déplore : « dis donc à Guillaumin combien j’ai été découragé de ce que m’a dit Monet sur l’incertitude de l’exposition, découragé surtout de voir que même Mme Manet [B. Morisot] n’y comptait pas, c’est fort grave. Il faut chauffer tout ce monde à blanc, s’en occuper sans cesse » (Bailly-Herzberg, 2, p. 25). Caillebotte ne veut pas participer. Degas tergiverse. Sans Degas, pas de M. Cassatt. Reste donc B. Morisot, qui devient l’élément clé, car elle seule, désormais, dispose des moyens nécessaires pour financer le projet : « Je vais voir ce qu’en pense Mme Manet, mais je crains bien qu’elle ne veuille être avec nous sans Degas. En ce cas ce serait affaire finie, pas d’exposition » (5 mars, Bailly-Herzberg, p.31-32). Degas se ravise, l’exposition est sauvée.
Les candidatures sont soumises à la validation de B. Morisot, en raison de son implication financière. « C’est tout à fait au commencement qu’il aurait fallu faire ces démarches qui, je ne doute pas, vous auraient amené la visite de Madame Morisot, comme du reste cela a été fait pour nos jeunes amis Seurat et Signac. Vous auriez montré alors l’ensemble de vos études […] j’écrirai à Madame B. Morisot, mais pas en mon nom personnel comme vous le désirez, ne connaissant de vous que votre nature morte, qui est certainement une promesse, mais qui ne suffit pas à donner un jugement en toute connaissance de cause et qui me permette de vous défendre carrément comme je l’ai toujours fait pour les camarades » (Pissarro à Schuffenecker, début mai 1886, Bailly-Herzberg, p. 43). Schuffenecker s’était d’abord adressé à Degas, lequel lui avait effectivement répondu : « que cela ne le regardait pas, qu’il ne s’opposait en rien à [s]on admission, que madame Morisot s’était occupé de tout […], [qu’elle] avait été voir les nouveaux venus, Signac, Seurat » (Bailly-Herzberg, p. 44). Finalement, Pissarro annonce : « Schuffenecker a été voir Madame Manet ; ces derniers [les Manet] ont été voir ce qu’il a fait et l’ont accepté » (Bailly-Herzberg, p. 45).
B. Morisot joue son rôle d’arbitre avec beaucoup de sérieux et d’intégrité. Elle ne fait partie d’aucun clan et se montre impartiale, ne jugeant que la peinture. De plus, elle fait preuve d’une remarquable ouverture d’esprit en appréciant la peinture des divisionnistes : « Degas ne connaissant pas ou presque pas ce que font Signac et Seurat a dû être un peu inquiété par ce qu’il a entendu dire. Mme Manet a vu l’année dernière les études de nos amis, elle me paraît bien disposée en leur faveur ; elle pourrait donc, le cas échéant, rassurer les craintes de Degas » (Guillaumin à Pissarro, 30 déc. 1885, exp. Seurat, 1991, p. 34)
Participants
La situation devient conflictuelle lorsque Georges Petit propose à certains membres du groupe de participer à son « Exposition internationale », rue de Sèze : « Je suis de l’avis de Guillaumin et des amis, la salle Petit est une exposition à grand orchestre, c’est vrai, mais je pense qu’une modeste exposition composée de Degas, Mlle Cassatt, Mme Morisot, etc. ne perdra pas en comparaison […] Je crois, moi, qu’il n’y a pas deux façons de se comporter en pareil cas. Quant à Degas, il sera enchanté de la lutte, c’est une occasion unique de se compter ! En somme ils seront quatre [Caillebotte, Monet, Renoir, Sisley]… nous pouvons à la rigueur compter Degas, Mme Morisot, Mlle Cassatt, et Guillaumin ; comme droit à l’ancienneté, moi peut-être !... Cela fait cinq contre quatre, sans compter les pupilles de la garde [Seurat, Signac] qui sauront joliment se tenir au feu !... Va, cela sera intéressant » (2e quinzaine d’avril 1886, Bailly-Herzberg, p. 41).
À la « bande » de Degas (Cassatt, Rouart, Zandomeneghi) s’ajoute désormais la « bande » de Pissarro (Seurat, Signac et Lucien Pissarro). Schuffenecker est un ancien collègue de Gauguin dans le monde de la finance.
Les participants sont au nombre de dix-sept : M. Bracquemond (mais pas son mari), Cassatt, Degas, Forain, Gauguin, Guillaumin, Morisot, Pissarro père et fils, Redon, Rouart, Schuffenecker, Seurat, Signac, Tillot, Vignon, Zandomeneghi.
Accrochages
Au moment de l’accrochage, la participation de Seurat et de Signac fait l’objet d’un « rude attrapage » (Bailly-Herzberg, p. 41) entre Pissarro et Eugène Manet. Le conflit est d’abord suscité par la difficulté de présenter toutes les œuvres dans l’espace imparti. On envisage de restreindre le nombre de tableaux. Compte tenu des dimensions imposantes d’« Un dimanche à la Grande-Jatte » (plus de deux mètres sur trois), sa présentation est soumise à discussion : « J’ai dit à Degas que le tableau de Seurat était fort intéressant : ʺ Oh ! Je m’en apercevrai bien, Pissarro, seulement que c’est grand ˮ ! » (Bailly-Herzberg, p. 41). La discussion s’envenime et dérive au plan esthétique. Il est finalement décidé de réunir dans une même salle les œuvres des Pissarro, de Seurat et de Signac, et de leur laisser l’initiative de l’accrochage de leurs œuvres.
Œuvres
249 œuvres sont exposées. Beaucoup plus, en réalité. Sous trois numéros, Morisot présente « Éventails, série d’aquarelles et série de dessins ». Les locaux ne sont pas très vastes. Il est décidé de regrouper dans une même salle les œuvres divisionnistes. Par manque de place, l’effet produit par le grand tableau de Seurat, « Un Dimanche à la Grande-Jatte (1884) », s’en trouve amoindri. Pissarro, qui a plus de cinquante ans, se rapproche du parti-pris esthétique des jeunes artistes divisionnistes. À son habitude, il expose aussi des gravures.
Cassatt présente six peintures et un pastel. « Jeune fille au jardin » sera la première peinture, et la seule à ce jour, à entrer dans les collections nationales françaises, grâce à la générosité d’Antonin Personnaz, par ailleurs grand collectionneur d’œuvres de Pissarro. Bien que traitées de manière très différente, « Étude » de Cassatt et « Au bain » de Morisot sont très proches, au moins par le sujet. Morisot fait montre d’une technique de plus en plus libre et allusive, notamment dans « Le jardin à Bougival ».
La passion de Cassatt pour l’élégance, et particulièrement pour les chapeaux, donne prétexte à Degas pour exécuter plusieurs études de modistes. Signac expose également un tableau de modistes au travail. La raideur de ses figures contraste avec la souplesse et le naturel des pastels de Degas sur le même sujet. Dans la « Suite de nuds » [sic] au pastel, Degas saisit ses modèles dans des positions inhabituelles, que les critiques jugent « obscènes », leur naturalisme ne répondant pas aux poses académiques.
Si les impressionnistes n’ont pas évité le monde industriel, ils en ont rarement fait l’objet principal de leurs œuvres (à l’exception des trains, chez Monet). Les fumées d’usines lointaines, de trains ou de bateaux, vont généralement se fondre dans les nuages. Au contraire, Signac impose le monde industriel comme sujet de certaines de ses peintures. Sous cette influence, Pissarro va renoue avec ce type de sujet, auquel il avait été sensible à ses débuts.
Si Monet ou Renoir ont représenté des banlieues idylliques, Seurat, comme Maupassant, montre les passe-temps ordinaires de la petite bourgeoisie.
Œuvres de l’exposition dans les collections publiques (d’après les travaux de Berson et Moffett)
Cassatt : « Jeune fille à la fenêtre », « Jeune fille au jardin », « Étude », « Enfants sur la plage ».
Degas : « Femme essayant un chapeau chez sa modiste », « Petites modistes », « Suite de nuds [sic] de femmes se baignant, se lavant, se séchant, s’essuyant, se peignant ou se faisant peigner (Pastels) » : l’un de ces pastels fut échangé, à l’issue de l’exposition, contre « Étude » de M. Cassatt. Peut-être aussi un autre pastel conservé au Metropolitan Museum de New York, et les pastels suivants du musée d’Orsay, de la National Gallery de Washington, à l’Hermitage à Saint Petersbourg (ou peut-être cet autre pastel). Huysmans décrit très précisément l’un de ces pastels.
Forain : « Femme respirant des fleurs », « Portrait de Jacques-Emile Blanche » (hors catalogue).
Gauguin : « Les baigneuses », « Fleurs, fantaisie » (peut-être le tableau du Philadelphia Museum of Art ?), « Parc, Danemarck » [sic], « Chemin de la ferme » (peut-être le tableau du musée Kröller Müller à Otterlo ?).
Morisot : « Jeune fille sur l’herbe » (peut-être le tableau de l’Ordrupggaard, à Copenhague, « Jardin à Bougival », « Petite servante », « Au bain », « Série d’aquarelles » (inclut peut-être l’aquarelle du Statens Museum for Kunst, de Copenhague ?).
Pissarro : « Vue de ma fenêtre par temps gris », « Prairies de Bazincourt, le matin » ( ?), « La cueillette de pommes », « Récolte de pommes de terre (Eau-forte) », « Rue de l’Épicerie, à Rouen », « Rue Malpalue, à Rouen (Eau-forte) », « Vaches et paysage (Eau-forte) », « Port de Rouen, effet de pluie (eau-forte) », « Paysage à Osny (Eau-forte) ».
Redon : « Le secret » (peut-être le fusain conservé au MoMA de New York ?), « Profil de lumière » (plusieurs versions, notamment au MoMA de New York, au musée du Louvre, au Petit Palais, musée des beaux-arts de la ville de Paris, à la National Gallery de Washington…).
Seurat : « Un Dimanche à la Grande-Jatte (1884) », « Le bec du Hoc (Grand-Camp) » (sic), « La rade de Grand-Camp (sic) », « Le fort Samson (Grand-Camp) » (sic), « Les pêcheurs », « Une parade (Dessin) ». « La Luzerne, Saint-Denis ».
Signac : « Apprêteuse et Garnisseuse (Modes), rue du Caire », « Les Gazomètres. Clichy », « La Neige, boulevard Clichy », « L’embranchement de Bois-Colombes », « Le Port Hue, Saint-Briac. Appartient à M. Pissarro ».
Réception
« Brillante inauguration du ʺ Salon des Impressionnistes ˮ : beaucoup de monde, beaucoup de femmes surtout, et partant beaucoup de fort jolies toilettes » (« La Patrie », 18 mai 1886). Selon Gauguin, « Notre exposition a remis toute la question de l’impressionnisme sur le tapis et favorablement » (fin mai 1886, « Oviri », p. 31). « Ya beaucoup d’beau monde, chaque après-midi, aux impressionnistes (1, rue Laffitte). Des michets [clients] sérieux, très sérieux qui achètent, - c’qui fait toujours bien « dans l’tableau », c’est l’cas d’le dire. La moyenne des entrées payantes quotidiennes est de 450. Un vrai succès, quoi ! La « presse » elle-même commence à rigoler moins fort d’vant ces manifestations audacieuses qui dégorgent épatamment tous les vitriers du Salon. Mirbeau Octave en a dit du bien avec son talent apocalyptique, malheureusement stylé par l’Officiel Raffaëlli. Quant à Wolff Albert, y doit être en train d’masser un flanche pour gober s’qu’y a débiné jadis – si, toutefois, l’compagnon Degas (Edgar pour l’corps d’ballet) veut bien y autoriser » (Trublot, « Le Cri du peuple », 21 mai). Ces lignes humoristiques témoignent de l’évolution sensible des articles de presse. Les critiques, largement rebattues, commencent à se tarir. Wolff, préfère s’abstenir. En revanche, les critiques positives ne sont plus exceptionnelles et elles émanent de personnalités importantes du monde des lettres. Un article du « Moniteur des arts » résume bien l’évolution des mentalités : « Il y a parmi les indépendants quelques révoltés dignes d’être surveillés, - ils n’auraient quelque jour qu’à commettre un chef-d’œuvre sans nous prévenir – et ils en sont capable – notre situation ne serait pas enviable » (21 mai 1886). À cette date, l’influence de l’impressionnisme sur la nouvelle génération de peintres officiels est évidente, et irréversible.
Si les choses ont bien commencé, dans la première quinzaine de juin, Pissarro écrit à son fils : « L’exposition marche bien lentement, les entrées sont nulles » (Bailly-Herzberg, p. 54). Degas voulait » absolument que ce soit du 15 mai au 15 juin ; absurde », selon Pissarro (8 mars, Bailly-Herzberg, 1, p. 34). Car « faire des frais pour exposer en même temps que le Salon, c’est courir (le) risque de ne rien vendre » (5 mars 86, Bailly-Herzberg, 1, p.31-32). Degas a obtenu gain de cause. Et, comme l’avait prévu Pissarro, les résultats de l’exposition seront mauvais.
Au lendemain de la fermeture de l’exposition, Seurat écrit à Signac qui, sans attendre, a quitté Paris : « Les exposants de la rue Laffitte se sont quittés plutôt débandés comme de véritables pleutres » (Bailly-Herzberg, p. 55).
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