1879 – quatrième exposition
La quatrième exposition du groupe des Impressionnistes, a lieu du 10 avril au 11 mai 1879, 28 avenue de l'Opéra, à Paris.
L’Exposition universelle de 1878
En 1878 a lieu, à Paris, l’Exposition universelle. Pissarro envisage une exposition du groupe pour le mois de juin 1878. La position de Degas est similaire : « Degas croît qu’il ne faut pas se laisser oublier » (Pissarro à Caillebotte, 1878, Bailly-Herzberg, 1, p. 111). Caillebotte aussi est favorable au projet : « J’ai vu Caillebotte ce matin. Il est enflammé de l’idée d’une exposition car sa visite à l’Universelle l’a persuadé que la nôtre ne pouvait que gagner en comparaison. Je crois que jamais le moment n’a été plus propice » (Bailly-Herzberg, 1, p. 116). Toutefois, Pissarro mentionne la volonté qu’ont certains membres de quitter le groupe : « il nous faut nos hommes de talent – qui nous abandonnent […] C’en est fait de notre union ». A propos de Cezanne, il ajoute : « Zola le pousse peut-être à l’Officiel, comme les Charpentier poussent Renoir ? […] Vous avez entendu Monet vous-même, qui craint d’exposer […] Monet craint que cela nous empêche de vendre » (Bailly-Herzberg, 1, p. 109-110). Seul Renoir est accepté au Salon cette année-là, ce qui, sans doute, motive les impressionnistes à organiser une nouvelle exposition. Mais celle-ci n’a finalement pas lieu en 1878, pour des raisons que l’on ignore.
Le jury du Salon accepte les deux toiles soumises par Renoir en 1879, « Portraits de Mme G.C. et de ses enfants » et « Portrait de Mlle Jeanne Samary ». Renoir avait exposé les portraits de ces mêmes modèles, mais dans des formats moins ambitieux, à l’exposition impressionniste de 1877. L’accueil favorable réservé par la presse aux œuvres présentées au Salon par Renoir tient en partie à la réputation des modèles. L’actrice Jeanne Samary est devenue sociétaire de la Comédie française fin 1878. Le titre « Mme G.C. » ne laisse ignorer à personne qu’il s’agit de Madame Georges Charpentier. Charpentier se présente lui-même comme l'« éditeur des naturalistes ». Marguerite Charpentier réunit dans son salon les représentants du réalisme littéraire désormais pleinement reconnu. En avril 1879, Charpentier lance une revue, « La Vie moderne, journal hebdomadaire littéraire et artistique », qui défend les avant-gardes. Des expositions sont organisées au siège de la revue. « Le bureau de la Vie Moderne était sommairement installé à l'entrée du passage des Princes, du côté du Boulevard des Italiens [n° 7], dans une partie de boutique sous-louée à la revue par un marchand de vin de Champagne, qui en était le principal locataire. Au printemps de 1880, la Vie Moderne ouvrit dans ce local exigu une exposition d'œuvres de Monet. La situation de la boutique, en plein boulevard, était des plus favorables pour y attirer le public. On y vint beaucoup. Mais la foule qui se pressait, à certaines heures, dans l’étroit magasin n'était guère composée que de passants désœuvrés ignorant tout de la peinture » (Rivière, « Renoir », p. 178-180). Ces expositions se renouvellent à un rythme soutenu. Ainsi, à partir d’avril 1879 : Butin (fusains), De Nittis, Abbéma, Vollon (dessins), Renoir (pastels, 19 juin-3 juillet), Lepic… mais aussi Manet (avril 1880), Monet (juin 1880) Sisley (décembre 1881) et Redon (1881). L’exposition Manet fait l’objet d’articles et de publications de dessins originaux dans la revue. Celle de Monet, fait aussi l’objet d’une page dans la revue, avec le portrait de Monet par Manet, d’un dessin de Monet, ainsi que d’une publication spécifique, par Duret, éditée par Charpentier. En revanche, on trouve uniquement la publication d’un dessin pour l’exposition de Sisley. L’initiative des Charpentier ne va pas faciliter la cohésion du groupe.
L’exposition de 1879
Au début de l’année 1879, Caillebotte invite à dîner Pissarro, Degas, Monet, Renoir et Sisley, pour discuter d’un projet de nouvelle exposition. Vers la mi-mars, Pissarro trouve un lieu, apparemment le 1er étage de la maison Dorée, au coin de la rue Laffitte. Ce lieu n’est pas retenu (mais il recevra la huitième et dernière exposition, en 1886).
La quatrième exposition, a lieu du 10 avril au 11 mai 1879, 28 avenue de l'Opéra, « fort bien installée d’ailleurs, dans un splendide appartement » (« La Vie moderne », 24 avril 1879), au « premier étage assez haut de plafond et situé sur un large boulevard » (Henry Havard, « Le Siècle », 2 avril 1879).
A la mi-mars, le nombre de participants reste incertain : « Eh bien, maître Caillebotte, ça ne marche pas ? Dites-le sérieusement !??! Sisley renonce. J’ai vu Pissarro ce matin, Cezanne va arriver dans quelques jours, Guillaumin le verra de suite. Monet ne sait encore qu’une chose, c’est qu’il n’envoie pas au Salon. Manet a persuadé à une dame dont Forain faisait le portrait, que la place de Forain n’était pas avec nous… Amen pour le petit Forain. Mlle Cassatt voit demain Mlle Morisot et saura sa résolution » (Degas à Caillebotte, Berhaut, p. 243). Cette même Cassatt écrit au peintre américain Weir : « Vous savez combien il est difficile de lancer quelque chose comme une exposition indépendante entre artistes français, nous menons un combat désespéré et avons besoin de toutes nos forces, comme chaque année nous avons de nouveaux déserteurs » (10 mars 1878, Mowll Mathews, 1984, p. 137).
« Vous savez que la condition de n’avoir pas envoyé au Salon reste imposée […] Monet, Renoir, Caillebotte et Sisley n’ont pas répondu à l’appel. Les frais sont faits par une combinaison que je n’ai pas le temps de vous expliquer. Si les entrées ne remboursent pas tous ces frais, on fera le tour des exposants avec un plateau » (Degas à Bracquemond, sans date).
Renoir opte finalement pour le Salon. Son exemple fait des émules. Sisley écrit à Duret : « Je suis fatigué de végéter comme je le fais depuis si longtemps. Le moment est venu pour moi de prendre une décision. Nos expositions ont servi, il est vrai, à nous faire connaître, et en cela elles nous ont été très utiles, mais il ne faut pas, je crois, s’isoler trop longtemps. Le temps est encore loin où l’on pourra se passer du prestige qui s’attache aux expositions officielles. Je suis donc résolu à envoyer au Salon » (Rewald, 2, p. 89-90). Cezanne fait le même choix. Berthe Morisot ayant donné le jour à une petite fille, en novembre 1878, ne dispose pas de suffisamment d’œuvres récentes pour exposer. Quant à Monet, s’il continue à exposer avec les impressionnistes, replié à Vétheuil, il ne contribue aucunement aux préparatifs, laissant à Caillebotte toute latitude pour agir en son nom. Piette est décédé l’année précédente.
F. Bracquemond rejoint le groupe, en compagnie, cette fois, de sa femme, Marie. Aux côtés des fidèles Cals, Rouart et Tillot, on compte plusieurs autres nouveaux entrants : Forain (qui n »a finalement pas suivi le conseil de Manet), Lebourg, Henry Somm, l’artiste américaine M. Cassatt et le peintre italien Zandomeneghi. Cassatt, Forain, Zandomeneghi, et probablement Somm, sont introduits par Degas. De son côté, Pissarro invite un ami, courtier en bourse et artiste amateur : Gauguin (qui participe hors catalogue). En 1881, Caillebotte fulminera : « En 1878, il [Degas] nous a amené Zandomeneghi, Bracquemond, Mme Bracquemond ; en 1879 Raffaëlli…, j’en passe. – Quelle phalange de lutteurs pour la grande cause du réalisme !!! » (Rewald, 2, p. 104).
Le 9 avril, Caillebotte écrit à Monet : « J’espère que l’exposition marchera […] Nous sommes arrivés à être tous prêts excepté Degas bien entendu. Il est venu environ 400 personnes […] Les affiches sont à la porte. Les mâts seront sur la place de l’Opéra demain matin » (vente « Archives de Claude Monet, collection Cornebois », Paris, Artcurial, 11 décembre 2006, n° 17). La campagne d’affichage est particulièrement agressive en 1879, si l’on en croit les témoignages de la presse : « Des affiches, destinées à tirer l’œil du badaud, ne nous ont-elles pas annoncé tapageusement l’ouverture de l’Exposition » (« L’Événement », 13 avril 1879). Ou bien : « Tous les murs de Paris ont été recouverts hier de superbes affiches, où ce titre rayonne en lettres énormes » (« Le Gaulois », 20 avril 1879). La presse confirme la présence de « deux mâts élégants ornés de drapeaux et placés à l’entrée de cette avenue [de l’Opéra], du côté du boulevard, arrêtent les passants et les invitent à lire la bonne nouvelle inscrite en gros caractères sur de larges écussons » (« L’Univers illustré », 26 avril 1879). La « bonne nouvelle » en question est l’exposition impressionniste. La présence de drapeaux tricolores n’est pas anodine. À cette date, la crise institutionnelle est terminée et la République est sortie renforcée. Manet et Monet illustrent la fête nationale en l'honneur de la République, célébrée le 30 juin 1878. Les convictions républicaines de Manet, qui a peint Clemenceau à la tribune de l’Assemblée, et l’évasion de Rochefort, sont avérées. Après la Commune, son ami Duret, connu pour ses positions radicales, juge préférable d’accompagner Cernuschi au Japon et en Chine. Les parents de B. Morisot reçoivent les frères Ferry, Jules et Charles. Monet sera très lié avec Clemenceau, qui consacrera un ouvrage aux « Nympheas ». Legros, qui a participé à la deuxième exposition impressionniste, a gravé le portrait de Gambetta. L’Américaine Cassatt est, naturellement, pour un régime démocratique. Quant à Hilaire Germain Edgar de Gas, il transforme la particule de son patronyme aristocratique en Degas.
Au printemps, Degas annonce à Bracquemond : « La Cie Jablockof [sic] nous propose de nous éclairer à la lumière électrique » (Guérin, p. 44). Depuis 1876, l’invention du russe Jablochkoff, la lampe à arc, conquiert progressivement les lieux les prestigieux de Paris : grands magasins, Opéra, exposition universelle…
Les œuvres
Pissarro présente trente-neuf œuvres (dont sept prêtées par Caillebotte), Monet trente-deux, Lebourg trente, Caillebotte vingt-huit, Degas vingt-six ou vingt-sept, Cassatt onze.
« Ne croyez pas par exemple que Degas ait envoyé ses 27 ou 30 numéros. Ce matin il y avait 8 toiles de lui. Il est bien embêtant mais il faut avouer qu’il a bien du talent. Il y a des choses étonnantes » (Caillebotte à Monet, 10 avril, Berhaut, p. 245). Degas est fidèle à ses sujets habituels. Néanmoins, il introduit des compositions extrêmement hardies, voire déroutantes, en rupture avec les critères traditionnels, particulièrement dans « Miss Lola, au Cirque Fernando », « Chevaux de course. (Essence.) », « Chanteuse de café. (Pastel.) », ou « Grand air, après un ballet. (Pastel.) » ou « Portrait de M. Diego Martelli ». Martelli publiera le 5 juilllet 1879, un long article sur l’exposition, dans « Roma artistica ». Ce goût pour les compositions inattendues a été conforté chez Degas par l’exemple des estampes japonaises. Mais il est plus ancien que sa découverte de l’art japonais. Dès 1859, il notait dans ses carnets : « On n’a jamais fait encore les monuments ou les maisons d’en bas, en dessous, de près, comme on les voit en passant dans les rues […] d’autres sujets encore, tel que des danseuses dont on ne voit que les jambes nues, observées en pleine action, ou entre les mains de leur coiffeur seulement » (Rewald, 2, p. 222). Degas expose également un « Portrait de M. Duranty », récemment décédé, en hommage à l’homme de lettres et critique favorable aux impressionnistes. Avec la représentation de la trapéziste « Miss Lola, au Cirque Fernando », Degas n’utilise pas seulement un point de vue inhabituel, il introduit un thème nouveau, le cirque, souvent méprisé, car populaire. Il sera imité par Renoir, Tissot, Seurat ou Sickert.
Avec les vues de « La rue Montorgueil, fête du 30 juin » et de « La rue Saint-Denis, fête du 30 juin 1878 », sujet qui a également inspiré Manet, Monet influencera plusieurs artistes, tels Dufy, Marquet ou l’Américain Childe Hassam.
L’entrée en lice de M. Cassatt est particulièrement remarquable, tant pour ce qui concerne les peintures que les pastels. « Femme dans une loge » était encadré en vert, et « Etude de femme avec éventail », en rouge (« Le Soir », 12 avril 1879).
Sculpture et estampes
Depuis le départ d’Ottin père, il n’y avait plus de sculptures présentées lors des expositions impressionnistes. Pour sa première participation, Gauguin expose (hors catalogue) un buste en marbre de son fils : « Émile Gauguin ».
Avec le retour de Bracquemond et l’arrivée de Somm, l’exposition renoue également avec l’estampe. Bracquemond expose une importante eau-forte en couleur, « Au Jardin d’acclimatation ». Bracquemond utilise un procédé mis au point à la fin du dix-huitième siècle par le graveur Debucourt, nécessitant une planche pour les noirs, et quatre autres pour les couleurs.
Arts décoratifs
Cette exposition est marquée par la présence d’arts décoratifs, notamment des éventails. Degas annonce à F. Bracquemond : « Il y a une salle d’éventails, entendez-vous, Mme Bracquemond, Pissarro, Mlle [sic] Morisot et moi jusqu’à présent y déposent » (Degas, « Lettres », p. 44). Selon le catalogue, Degas en présente cinq, Forain quatre, ainsi que deux écrans, et Pissarro pas moins de douze. L’éventail est, en occident, un objet traditionnellement associé à l’élégance féminine. L’un des poèmes du Coffret de santal (1873) est intitulé « Sur un éventail ». Mallarmé écrira, pendant les quinze dernières années de sa vie, des poèmes sur plusieurs de ces objets. La mode du Japon contribue au regain des éventails, qui représentent un marché potentiel pour les peintres. Pissarro ne méprise pas une telle opportunité. En même temps, il s’en inquiète : « Je crains une chose, c’est que l’on se dise trop : il n’est bon qu’à faire cela ! » (23 janvier 1886, Bailly-Herzberg, 2, p. 19). Pissarro exprime ainsi l’opposition traditionnelle, en France, entre travail artisanal, méprisable, et travail artistique, noble.
Mary Cassatt, que son statut de femme, qui plus est élégante, autorise à s’intéresser à ce type d’objet, apprécie tout particulièrement les éventails. Elle en possède un de Pissarro et un de Degas. Celui de Degas est reconnaissable sur une peinture et une estampe de Cassatt. Selon celle-ci, c’est « le plus joli […] que Degas ait peint ». Il n’est pas certain que « Joli » soit le terme le plus approprié pour cette œuvre raffinée, mais d’une composition inattendue.
Marie Bracquemond ne semble finalement pas avoir exposé d’éventails. En revanche, elle présente un projet de céramique et une céramique. Pissarro s’intéresse également à cette technique. En 1877-1878, il produit plusieurs dizaines de carreaux de céramique. M. Cassatt en possèdera deux. Martelli écrit à Giovanni Fattori : « nous avons Miss Cassatt et Madame Bracquemond. La première avec de beaux portraits, la seconde avec d’immenses cartons de figures allégoriques dessinés pour des faïences » (10 avril, Martelli, p. 41). Au début du vingtième siècle, M. Cassatt travaillera aussi à un projet de céramique peinte, à l’instigation de Vollard.
Œuvres de l’exposition dans les collections publiques (d’après les travaux de Berson et Moffett)
Bracquemond (Félix) : « Au Jardin d’acclimatation. (Eau forte imprimée en couleurs) », « Une nuée d’orage », « Une terrasse à Sèvres » (Marie Bracquemond faisant le portrait de sa sœur), « Une vue du pont des Saints-Pères ».
Caillebotte : deux tableaux intitulés « Périssoires », l’un conservé au musée de Milwaukee Art Museum, l’autre à la National Gallery de Washington, « Vue de toits. (Effet de neige.) », « Canotier ramenant sa périssoire », « Portrait de Mme B… », « Panneaux décoratifs : Pêche à la ligne, Baigneurs, Périssoires », « Baigneurs. (Pastel) », « Les Orangers » (hors catalogue).
Cassatt : « Portrait de petite fille », « Etude de femme avec éventail », « Femme dans une loge », « Femme lisant », « Portrait de M. D… (Pastel.) », « Au théâtre. (Pastel.) ».
Degas : « Portrait de M. Diego Martelli », « Portrait de M. Duranty », « Portrait, après un bal costumé (détrempe) », « Portrait d’amis, sur la scène (Pastel.) », « Portraits à la bourse », « Miss Lola, au Cirque Fernando », « Chevaux de course. (Essence.) », « École de danse (Détrempe) », « École de danse », « Chanteuse de café. (Pastel.) », « Grand air, après un ballet. (Pastel.) », « Portrait de danseuse, à la leçon. (Pastel.) », « Éventails ».
Forain : « Intérieur de café » (peut-être la peinture du même sujet conservée à la Dixon Gallery de Memphis), « Sortie de théâtre » (peut-être la peinture du même sujet conservée à la Dixon Gallery de Memphis), « Femme au café » (peut-être la peinture du même sujet conservée à la Dixon Gallery de Memphis), « Coin de salon » (peut-être le dessin de même sujet conservée à la Dixon Gallery de Memphis), « Éventails » (plusieurs sont conservés à la Dixon Gallery de Memphis).
Gauguin : « Émile Gauguin » (hors catalogue).
Lebourg : « Une rue à Alger », « La lecture (le soir) ».
Monet : « Marine (1875) », « Vétheuil, vu de Lavacourt », « Fleurs », « Effet de neige à Vétheuil », « La rue Montorgueil, fête du 30 juin », « Effet de brouillard, impression », « Estacade de Trouville, marée basse », « Paysage à Vétheuil », « Parc Monceau », « La rue Saint-Denis, fête du 30 juin 1878 », « Un jardin (1867) », « Jardin à Sainte-Adresse (1867) », « Les Charbonniers (1875) », « Paysage d’hiver ».
Pissarro : « Lisière d’un bois », « Chemin sous bois », « Paysage en février. (Femme revenant de la Fontaine.) », « Le Potager » (peut-être le tableau conservé au musée Artizon de Tokyo), « Printemps, Pruniers en fleurs », « Cueillette de petits pois (Éventail.) Appartient à Mlle C...) » (probablement Mary Cassatt).
Somm : « Calendrier de 1879 ».
Presse
Degas souhaitant éviter le mot impressionniste, le groupe expose sous le nom d’indépendants. Armand Silvestre écrit : « Vous êtes prié d’assister au service, convoi, enterrement de messieurs les impressionnistes. Ce billet cruel nous vient de la part de messieurs les « Indépendants ». Ni fausses larmes, ni fausses joies. Du calme. Il n’y a qu’un mot de mort, et M. Littré seul en devra prendre le deuil. Ces artistes ont décidé, en grand conseil, que le vocable adopté par le public pour les désigner ne signifiait absolument rien et en ont inventé un autre. Ce dernier a du moins l’avantage d’être impertinent pour leurs confrères ennemis. Ceux-ci sont relégués au rang de ʺ dépendants ˮ… peuh ! presque des esclaves, - le ʺ servum pecus ˮ de M. Cabanel. Les ʺ indépendants ʺ nous offrent comme dragée de ce baptême à nouveau une exposition » (« La Vie moderne », 24 avril 1879). Cette volonté d’indépendance agace parfois : « je lui propose un nouveau nom pour l’avenir prochain où celui d’indépendants sera usé. Qu’ils s’intitulent bravement peintres ˮ nihilistes°ʺ » (V. Fournel, « Le Correspondant », 25 mai 1879). Une telle remarque n’a rien pour effaroucher Pissarro, qui revendique des idées anarchistes. En revanche, elle ne peut que conforter la décision de Renoir de s’éloigner du groupe pour exposer au Salon.
Ce même Silvestre écrit dans « La Vie moderne », à propos des œuvres de Degas : « C’est toujours le même procédé de synthèse dans un sentiment de justesse vraiment admirable […] C’est la plus éloquente des protestations contre le fouillis des tons et la complication des effets dont crève la peinture contemporaine. C’est un alphabet simple, correct et clair, jeté dans l’atelier de calligraphes dont les arabesques rendaient la lecture insupportable […] Mlle Mary Cassatt est résolument entrée dans la même voie ».
Duranty, s’il avait exprimé quelques réserves en 1876 (et passé sous silence le nom de Monet), rédige alors un article élogieux. Arsène Houssaye sous le pseudonyme de F.C. de Syène observe, dans « L’Artiste » : « Graduellement, l’impressionnisme impose son caractère à l’art moderne. Au Salon, chaque année il conquiert une place plus large. Il s’y est glissé d’abord timide, inquiet, presque furtif. Aujourd’hui il s’y montre sans trop de vergogne. Plus tard, peut-être, y fera-t-il la loi » (« Salon de 1879 », mai 1879, p. 290). Sa critique de l’exposition est très fine et bienveillante.
Les voix discordantes sont moins nombreuses. À son habitude, « Le Charivari » attaque les exposants : « En dépit de l’adage qui veut que les plus courtes plaisanteries soient les meilleures, les impressionnistes ont rouvert leur exposition cette année » (Paul Parfait, 17 avril 1879). « Le Soir » parle d’une « coupable industrie », contribuant à la campagne de presse qui accuse les impressionnistes d’escroquerie. Le même critique constate : « les impressionnistes ont non seulement un public, mais aussi, chose plus bizarre et plus folle, des acheteurs » (12 avril).
Premier succès
G. Coulombier met ses lecteurs en garde : « Il ne faudrait pas cependant prendre la curiosité du public ou son affluence comme un criterium toujours exact de la valeur artistique d’un tableau ou d’une exposition : non loin de la femme torpille, à côté d’une intéressante jeune personne à qui la nature dans un moment d’expansion a littéralement confié trois jambes, s’ouvre aussi une exposition très courue et très suivie, celle des impressionnistes » (« La Civilisation », 22 avril 1879). Par ces comparaisons avec les phénomènes de foires, le critique dénie aux œuvres exposées toute valeur artistique. P. Véron déplore : « Il y a toujours un public pour l’excentricité à Paris » (« Le Monde illustré », 13 avril 1879).
Quel que soit le point de vue sur les œuvres des impressionnistes, le public ne boude plus leurs expositions. Dès le premier jour, Caillebotte écrit à Monet : « Nous sommes sauvés. Ce soir à cinq heures la recette dépassait les 400 francs » (Geffroy, p. 181). Le 1er mai, Caillebotte annonce à Monet que les recettes de l’exposition s’élèvent à 10°500 francs environ (Berhaut, p. 245). Après la fermeture de l’exposition, Caillebotte annonce au même : « Notre bénéfice s’élève à 439 fr. 50 par tête […] Nous avons fait 15°400 et quelques entrées » (Geffroy, p. 182).
Si les tendances évoluent, les artistes sont encore bien loin de connaître le succès.
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