la rencontre entre l’art et une volonté forte d'aménagement de la ville
Lorsque Dani Karavan (1930-2021) découvre le site au printemps 1980, il saisit immédiatement la poésie du site. S’appropriant les éléments naturels qu’il souhaite révéler, le programme précis de l’Axe majeur est mis au point par Michel Jaouën, l’un des urbanistes de la ville nouvelle.
Vue vers le sud-est © DRAC IDF
L’œuvre constitue un parcours symbolique sur une longueur de 3,2 kilomètres entre plateau, coteau et Oise. Il peut être décomposé en douze stations qui se découvrent au fur et à mesure du cheminement, sur une allée de béton blanc strié à fil d’eau central, devenant escaliers, repos intermédiaires et passerelle.
Vue de détail © Association Axe Majeur
Vue d'ensemble © Association Axe Majeur
Cette œuvre consacre la rencontre entre l’art et une volonté forte d'aménagement de la ville, se rattachant aussi à l'histoire des grands tracés et percées paysagères, notamment de l’ouest parisien, établies durant l’Ancien Régime. C’est parce qu’il se situe à la frontière entre la sculpture, le paysage, l'urbanisme et l'architecture que l’Axe majeur vient d’être labellisé Architecture contemporaine remarquable.
Dani Karavan : l'Axe majeur, dialogue poétique de l’œuvre avec le lieu
Né à Tel-Aviv, en 1930, où son père devient chef paysagiste de la ville, Dani Karavan est le fils de pionniers installés en 1920 et originaires de Lvov en Ukraine actuelle. Il étudie la peinture dans l’atelier avant-gardiste de Yehezkel Streichman (1906-1993) et Avigdor Stematsky (1908-1989) jusqu’à la guerre d’indépendance. En 1948, il participe à la création du kibboutz Harel entre Tel-Aviv et Jérusalem et travaille en tant qu’illustrateur d’un hebdomadaire de jeunesse puis vit à Florence pendant l’année 1956 où il s’initie à la fresque, la gravure et au modèle vivant. Il réalise ensuite des décors pour le théâtre et la danse avant que Martha Graham (1894-1991) ne l’invite à venir en réaliser à New-York. Karavan réalise ensuite des bas-reliefs, un travail de "site-specific" pour le palais de justice de Tel-Aviv, coulés en même temps que le béton de gros-œuvre de l’édifice de Yaacov Rechter (1924-2001), avant de signer la réalisation en béton blanc de la cour. Enfin, le monument à la brigade du Néguev (1966), village de sculpture en béton entrant en résonance avec la lumière de la plaine désertique, le vent et l’histoire du lieu, est largement publié, notamment aux États-Unis et en France.
Pour la biennale de Venise de 1976, l’artiste invite les visiteurs à marcher pied-nu sur son installation en béton blanc, Environnement pour la Paix. Il y fait la connaissance de Pierre Restany (1930-2003), critique d’art et commissaire du pavillon français. Le travail de Karavan naît d’un dialogue avec le lieu et le site parcouru, comme pour l’installation sculpturale du mémorial Walter Benjamin à Portbou (Catalogne, 1994), Passages, cadrant le tourbillon des vagues depuis le rivage de falaises. Le projet de Cergy, qui naît avec la décennie 1980, a pour sens d’établir une tension entre la monumentalité des lieux tout en gardant l’échelle humaine du site, et de fédérer les citoyens de la ville nouvelle. Convaincu que le paysage appartient à la sculpture, Karavan réalise des œuvres qui se parcourent et dont la découverte nécessite toujours de faire un chemin, ce qui concentre les vues. L’artiste s’est consacré à des objets sculpturaux de petite taille, en béton de terre, et travaille sur les matériaux de la nature et la mémoire avant sa disparition en mai 2021."
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