En mettant en avant les réalisations les plus novatrices dans le domaine de l’offre culturelle, le prix Patrimoines pour tous poursuit un double objectif : l’amélioration du quotidien des personnes en situation de handicap et la lutte contre les ségrégations culturelles – clef de voûte de la politique culturelle de Françoise Nyssen. Cette année, le jury a décerné le premier prix au musée de Bretagne, qui déploie des efforts remarquables pour tendre à l’accessibilité universelle. Derrière cet établissement se trouve le Musée départemental Arles antique, récompensé pour ses nombreux aménagements structurels et l’investissement de ses équipes de médiation en faveur des visiteurs handicapés. Enfin la Forteresse Royale de Chinon a reçu une mention spéciale pour avoir entamé, en dépit de ses contraintes patrimoniales, un ambitieux plan d’amélioration de l’accessibilité de son site.
Musée de Bretagne : l’accessibilité de quelques-uns au service de tous
Depuis son ouverture à Rennes en 2006, le musée de la Bretagne s’attache à collecter, conserver et mettre en valeur les témoignages des habitants de la région. En plus de ses expositions temporaires, il propose chaque semaine, des temps d’échanges et de débats - conférences, rencontres, visites commentées, concerts, diffusion de documentaires… - qui offrent au plus grand nombre des clefs de compréhension et d’ouverture à la diversité culturelle et territoriale.
L’équipement culturel au sein duquel il se trouve, Les Champs Libres, a été récompensé dès 2007 par l’obtention du label « Tourisme et Handicap » pour son accessibilité, prise en compte dès la construction du bâtiment avec l’aide des associations locales de personnes en situation de handicap. « La circulation horizontale et verticale dans le musée comme dans l’ensemble du bâtiment ne pose aucune difficulté grâce à la mise en place d’ascenseurs ainsi que d’une signalétique et d’un marquage au sol adaptés. Tous les publics, quels que soient leur handicap, peuvent visiter librement les expositions de l’établissement, temporaires comme permanente : des livrets reprennent tous les textes en gros caractère ou en braille, l’accueil du musée est équipé d’une boucle magnétique, les films sont sous-titrés et les groupes de personnes en situation de handicap mental ou psychique sont accueillis par un médiateur qui adapte son discours aux participants.
La mixité des publics est en outre au cœur de la stratégie d’accueil et de médiation du musée de Bretagne, qui, dans ce cadre, déploie des actions spécifiques en direction des personnes en situation de handicap. Une visite descriptive ou tactile est ainsi proposée aux personnes aveugles ou malvoyantes tous les deux mois et des visites amplifiées ou traduites par un interprète en LSF sont également organisées. Ce travail est toutefois sous-tendu par un double pari ambitieux : les moyens mis en œuvre pour les personnes en situation de handicap doivent bénéficier à tous les visiteurs en améliorant le confort des visites et l’ergonomie des espaces muséographiques.
Musée départemental de l’Arles antique : une proportion significative de visiteurs dotés de handicaps mentaux et psychiques
Imaginé en 1968 par Jean Maurice Rouquette, conservateur des Musées d’Arles, le musée départemental de l’Arles antique (MDAA) a été conçu en 1995 dans un but précis : réunir l’ensemble des collections archéologiques arlésiennes en un seul lieu. Le parcours chronologique qu’il propose à ses visiteurs sur le thème de l’époque romaine s’étend sur une superficie totale de 15 000m2 et constitue une vaste introduction à la connaissance du patrimoine antique en Provence.
Depuis son ouverture, l’établissement cultive l’accessibilité pour tous et investit dans de nombreux équipements structurels : rampes aménagées, mises aux normes de l’accueil, extension conçue pour faciliter la circulation des personnes à mobilité réduite… Les visiteurs dotés de handicaps moteurs, sensoriels ou mentaux peuvent y circuler en toute autonomie - à l’exception des déficients visuels qui doivent être accompagnés. Un parcours tactile de 29 objets archéologiques originaux ainsi qu’un document d’accompagnement traduit en Braille sont mis à disposition. Des fauteuils roulants et des chaises pliantes transportables pour suivre les visites peuvent également être prêtés.
Le MDAA montre enfin un très grand intérêt pour les actions de médiation et d’éducation à destination des publics prioritaires. Celles-ci se concrétisent notamment par le biais de partenariats : entretien du jardin antique « Hortus » par les travailleurs handicapés de l’ESAT « Les abeilles » (établissements et services d'aide par le travail), un travail régulier avec les associations ou les scolaires… L’investissement important des équipes de médiation permet également de faciliter l’accès de visiteurs dotés de handicaps mentaux aux collections du musée : 2 806 personnes en situation de handicap ont été accueillies par le musée entre 2015 et 2016, avec une proportion majeure de handicap mental et psychique (72%). Le MDAA a récemment reçu le label "Tourisme et Handicap" cette année.
Forteresse royale de Chinon : dépasser les contraintes patrimoniales pour ouvrir ses portes à tous
Juché sur un éperon rocheux, il domine le centre historique de la ville. Le site de la forteresse royale de Chinon, constitué de trois châteaux distincts – le fort du Coudray, le château du Milieu et le fort Saint-Georges –, a connu une intense période de restructuration de 2000 à 2010. A l’issue de celle-ci, il offre à ses visiteurs un nouveau parcours de visite agrémenté de nombreux dispositifs interactifs, tel un livret-guide à même de déclencher des bornes sonores ou des écrans tactiles répartis dans l’ensemble de la Forteresse. Le visiteur curieux peut désormais découvrir l’art des tailleurs de pierre assis dans le parc ou descendre dans l’une des tours médiévales pour écouter une reconstitution du dernier Grand-Maître des Templiers, Jacques de Molay.
La configuration naturelle du lieu ne permettait pas de garantir un accueil pour tous, mais le Conseil départemental d’Indre-et-Loire, propriétaire du site, en a décidé autrement en lançant un ambitieux projet intitulé « La forteresse royale de Chinon ouvre ses portes au handicap ». Si l’accès aux différentes tours médiévales reste impossible aux personnes à mobilité réduite, le plan d’accès et de circulation de la forteresse a été largement amélioré avec la mise en place d’une liaison par ascenseur entre la ville basse et la Forteresse ou encore l’édification d’un bâtiment d’accueil contemporain.
Une nouvelle scénographie, basée sur la conception de nouveaux outils adaptés au public en situation de handicap ainsi qu’au public familial, a été mise en place. Celle-ci prend en compte les quatre types de handicaps – visuel, auditif, mental et moteur. La Forteresse royale de Chinon propose ainsi des visites sur iPad avec quatre parcours spécifiques et adaptés : audiodescription, traduction des textes en LSF, visite ludique et didactique adaptée, visite immersive avec commentaire des espaces inaccessibles. La location de l'iPad est incluse dans le prix du billet d'entrée pour les personnes en situation de handicap. Un effort remarquable et remarqué puisque la forteresse de Chinon a elle aussi obtenu, en 2016, le label « Tourisme et Handicap ».
Les critères du prix Patrimoines pour tous
Créé en 2011, le prix Patrimoines pour tous a pour objectif de distinguer une démarche d'excellence en matière d'accessibilité généralisée des lieux patrimoniaux pour les personnes en situation de handicap moteur, visuel, auditif ou mental. Il s'adresse aux établissements patrimoniaux relevant des collectivités territoriales ou du ministère de la Culture.
Le jury, présidé par le directeur général des patrimoines, peut désigner un ou plusieurs lauréats sur la base des principaux critères suivants:
> l’existence d'une démarche globale d'accessibilité généralisée ;
> la prise en compte des normes d'accessibilité numérique pour les sites d’information en ligne ;
> la présence ou le développement de partenariats avec les diverses associations représentatives des personnes en situation de handicap ;
> la mise en œuvre d'actions menées auprès d'établissements ayant en charge des personnes en situation de handicap ;
> l'existence d'outils favorisant l'autonomie des personnes en situation de handicap.
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