Conçues par le ministère de la Culture, les Journées européennes de l’archéologie sont organisées par l’Institut national de recherches archéologiques préventives, qui fête cette année son vingtième anniversaire. Entretien avec Dominique Garcia, son président.

Créé le 1er février 2002 en application de la loi sur l’archéologie préventive de janvier 2001, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) est un établissement public placé sous la tutelle des ministères de la Culture et de la Recherche. Il intervient en amont des travaux d’aménagement en procédant à des diagnostics et des fouilles, en exploitant leurs résultats et en diffusant et en enseignant la connaissance auprès du public.

Le bilan de ces vingt années est riche, avec près de 50 000 sites archéologiques expertisés et plusieurs milliers étudiés et valorisés. Toutes ces fouilles participent à une meilleure connaissance de notre histoire mais aussi à l’enrichissement des collections des musées puisque depuis 2016, tout objet découvert lors d’une fouille devient propriété de l’État.

En vingt ans, l’Inrap a élargi son champ de vision, en procédant à des fouilles sur un territoire plus grand, mais aussi en s’ouvrant à de nouvelles périodes plus contemporaines. À la frontière des sciences de la vie et de la terre et des sciences humaines, l’archéologie veut aussi mettre en évidence l’impact de l’homme sur son environnement, comme l’explique Dominique Garcia, président de l’Inrap.

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Dominique Garcia, président de l'Inrap

L’Inrap est né en 2002 d’une loi qui affirme le caractère public de l'archéologie préventive. Qu’est-ce que cela a changé pour la discipline ?

Pendant les Trente Glorieuses, notre pays s’est beaucoup aménagé : les villes ont grossi et les infrastructures routières et ferroviaires se sont développées. Des années 1950 aux années 1980, les archéologues ont été confrontés à une destruction importante des vestiges archéologiques car l’archéologie intervenait au moment où l’on découvrait les vestiges, donc au gré des travaux. Il a fallu transformer cette archéologie « de sauvetage » à une archéologie dite préventive, qui intervient en amont des travaux d’aménagement, lorsque les projets sont déposés. La loi de 2001 est donc une conséquence de cette transformation.

L’Inrap intervient aujourd’hui dans tout le territoire national, en métropole et dans les outre-mer. C’est une structure unique en Europe, la plus importante au monde dédiée à l’archéologie. La loi donne à l’Inrap quatre missions essentielles. La première est celle du diagnostic, c’est à dire le repérage des sites archéologiques. La deuxième est la fouille de ces sites qui peuvent être mis en danger par l’aménagement du territoire. La troisième est la recherche, l’exploitation scientifique des vestiges découverts lors de ces fouilles. Enfin la dernière mission est la valorisation et le partage de la connaissance acquise.

Comment cette loi a-t-elle également transformé le métier d’archéologue ?

Il y a d’abord eu un changement d’échelle car l’archéologue travaille désormais sur tout le territoire national. Avec tous les territoires d’outre-mer disséminés sur plusieurs continents, c’est donc presque une histoire mondiale que nous racontons !

Le deuxième changement est celui de la chronologie. Auparavant, les archéologues travaillaient essentiellement sur les périodes de la Préhistoire et de l’Antiquité. Aujourd’hui, ils étudient les temps des premiers humains jusqu’à la période contemporaine, avec des fouilles sur des sites de la Renaissance, du XVIIe et du XVIIIe siècles et sur des vestiges des deux guerres mondiales.

Enfin il y a aussi un changement de thématiques, maintenant plus transversales et plus sociétales. Avant, l’archéologue étudiait des objets comme des vases ou des silex. Or, nos fouilles délivrent aussi des pollens, des restes d’animaux, des éléments de charbon de bois et tous ces éléments permettent de lire les rapports de l’homme avec son environnement. On peut trouver des traces qui montrent quand les populations se sont sédentarisées, leurs pratiques d’élevage, l’arrivée de nouvelles espèces. Par exemple, les pollens sont le reflet de la végétation contemporaine de la couche archéologique que l’on fouille. On peut y voir l’évolution du couvert végétal, ce qui nous indique à la fois les espèces cultivées à l’époque et l’état des forêts et donc l’évolution du climat sur une longue durée.

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En quoi l’Inrap joue un rôle dans l’enrichissement culturel et la connaissance de notre passé ?

La loi sur l’archéologie préventive a permis de tracer un cercle vertueux. Au fur et à mesure que notre pays est aménagé, on arrive à avoir une connaissance approfondie de son histoire et on arrive à enrichir, à exploiter et à valoriser toutes les richesses patrimoniales du territoire. C’est une question d’équilibre auquel nous sommes arrivés au bout de vingt ans : on aménage sans casser, on découvre des vestiges, on les étudie, on les partage dans les musées et on diffuse la connaissance de manière large.

Les Journées européennes de l’archéologie s’inscrivent-elles comme un temps fort de votre l’année ?

Ce qui fait l’originalité de l’archéologie préventive, c’est que une fois étudiés par les archéologues, les sites sont démontés et n’existent plus car ils font place à un aménagement. Ce qui reste d’une fouille, c’est sa restitution au public, sa transmission. En cela, ces journées ne sont pas un simple moment festif mais plutôt un véritable aboutissement.

Les Journées européennes de l’archéologie sont aussi le rendez-vous du public avec leurs archéologues. Elles sont présentes sur l’ensemble du territoire avec des endroits où les professionnels vont partager leurs découvertes avec les citoyens sur des sites en cours de fouille. Ce sera l’occasion de mettre un coup de projecteur qui des projets qui mobilisent beaucoup d’acteurs sur le territoire.

Les Journées européennes de l’archéologie sont le rendez-vous du public avec leurs archéologues

Où se trouvent les vestiges qui restent à découvrir ?

L’archéologie préventive s’adapte à l’aménagement du territoire et à ses nouvelles contraintes. Aujourd’hui, on s’aperçoit qu’il y a de nouveaux espaces qui vont être aménagés comme les friches industrielles. Ces nouveaux objectifs font découvrir de nouveaux espaces où l’on va fouiller et découvrir des vestiges que l’on n’avait jamais vus auparavant. Par exemple, les centres de bourgs anciens, au passé médiéval et antique, font l’objet de politiques de restructuration : on va donc aller fouiller dans ces sites qui vont livrer des vestiges importants.

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L’histoire nous a également montré que des monuments protégés au titre des Monuments historiques ou par l’Unesco vieillissent. On a vu que Notre-Dame de Paris n’était pas éternelle, que la grotte Cosquer peut être endommagée par les variations du niveau de la mer et que d’autres lieux souffrent de la fréquentation touristique. Il y a un vrai travail à mener pour réétudier ce patrimoine afin de mieux le protéger, le connaître et transmettre nos connaissances s’il devait y avoir par malheur une destruction.

Enfin la France possède le deuxième territoire maritime mondial et les fonds marins sont également concernés par l’archéologie préventive. Il y a donc des enjeux forts dans ces endroits, liés par exemple à la mise en place de câbles, d’éoliennes ou d’espaces portuaires.

Y a-t-il une découverte archéologique qui vous a particulièrement touché ?

Le site de Lavau – près de Troyes – où l’Inrap a découvert en 2014 la tombe d’un prince celtique du Ve siècle av. JC, grande de quatre hectares. On y a trouvé des vestiges importants qui venaient de Grèce. Au-delà des objets trouvés, qui sont très beaux et qui ont enrichi les collections du musée de Troyes et donc le patrimoine régional, cette découverte a permis d’écrire une partie de l’histoire méditerranéenne car ce prince celte était probablement actif dans les relations commerciales entre les Étrusques, les Grecs, les Gaulois et les Celtes.

 

Le programme des vingt ans de l’Inrap

Outre les Journées européennes de l’archéologie, du 17 au 19 juin, l’Inrap organise de nombreux événements tout au long de l'année afin de célébrer ses vingt années de recherche. Partout en France, les musées sont à la fête cette année avec vingt expositions labellisées « 20 ans de l’Inrap » partout en France et un zoom sur vingt des plus de cinq milles chantiers conduits. Un colloque sera organisé en octobre au Sénat sur l'archéologie de nos territoires. En parallèle de ces temps forts, l’Inrap favorise met en valeur ses sept Archéocapsules, dispositif d’exposition itinérante qui aborde une question contemporaine à travers l’archéologie, et publiera en novembre un hors-série Archéopages spécial 20 ans.