De l’édifice isolé à l’ensemble urbain - Le patrimoine à l’épreuve de l’urbanisme
La loi de 1913 considère l’environnement des édifices classés dans un objectif de mise en valeur des monuments. Elle permet notamment le classement, afin de les démolir, des immeubles bâtis qui enserrent les monuments, et ceux, non-bâtis (ou terrains nus), qui assurent au contraire leur dégagement. Dans les Hautes- Alpes, les terrains qui entourent les églises Saint-Apollinaire à l’Argentière-la-Bessée, Notre-Dame à Lagrand et Saint-Louis à Mont-Dauphin sont ainsi classés pour prévenir toute construction.
› Les abords de monuments historiques
Les démolitions de la Première et de la Seconde Guerre mondiale font prendre conscience de la valeur patrimoniale du tissu bâti dans lequel se trouvent les monuments, et dont ils sont indissociables. La loi du 23 février 1943 introduit ainsi la notion d’"abords" en créant un périmètre de protection de cinq cents mètres autour des monuments historiques. La loi dispose que toute modification de l’aspect des constructions situées dans le champ de visibilité* du monument est soumise à l’accord de l’architecte des bâtiments de France. La protection des abords n’est donc pas fondée sur leur qualité architecturale intrinsèque mais sur le rapport qu’ils entretiennent avec le monument protégé.
Parallèlement, certains bourgs et hameaux ruraux ont fait l’objet d’une inscription au titre des "sites" : en bénéficient les hameaux de Névache (1943), du Valgaudemar (1946) et de La Grave (1954- 1955), ainsi que les villages de Mont-Dauphin (1944) et de Saint- Véran (1948), le bourg médiéval de Tallard (1966) et la Ville-Haute de Briançon (1973) dont la valeur d’ensemble est ainsi reconnue.
› Les secteurs sauvegardés
La loi du 4 août 1962, dite loi Malraux, étend le champ de la protection aux ensembles bâtis considérés cette fois pour leurs qualités architecturales et urbaines intrinsèques. Elle concerne les centres anciens qui présentent "un caractère historique, esthétique ou de nature à justifier la conservation, la restauration de tout ou partie d’un ensemble d’immeubles" et permet la création des "secteurs sauvegardés", tel celui de la Ville Haute de Briançon (1987). Cette protection touche la totalité du tissu urbain, jusqu’aux aménagements et décors intérieurs. Elle est régie par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) qui fait office de document d’urbanisme adapté aux enjeux de conservation identifiés.
› Les zones de protections du patrimoine
A ces outils de protection portés par l’État, la loi de décentralisation du 7 janvier 1983 ajoute un dispositif dont l’élaboration est confiée aux communes : la zone de protection du patrimoine architectural et urbain (ZPPAU), devenue ZPPAUP avec la prise en compte des enjeux paysagers en 1993. Cet outil, qui vise à renforcer la protection du patrimoine urbain et rural au moyen d’un périmètre et d’un règlement adaptés aux enjeux locaux, s’adapte à tous les types de territoires et de patrimoines, qu’ils soient urbains (Embrun, Serres, Tallard) ou ruraux (Saint-Véran, Lagrand, Remollon).
Afin de mieux prendre en compte les enjeux environnementaux, notamment énergétiques, et de développement durable, la loi portant engagement national pour l’environnement du 10 juillet 2010 (dite loi Grenelle II), prévoit la transformation des ZPPAUP en aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP).
On peut bien penser que l’ambiance d’un monument dans une ville, dans une campagne, sur les bords d’un lac, d’un fleuve, d’une mer, est un problème dont on ne peut donner la solution dans des termes valables pour tout monument. Chaque monument d’architecture suit des lois qui sont bien à lui, qui appartiennent au lieu où il a été placé, au temps où il a été exécuté.
Giorgio Nicodemi, L’ambiance des monuments, Conférence d’Athènes, 1931
* champ de visibilité : un projet est situé dans le champ de visibilité du monument lorsqu’il est visible depuis le monument ou en même temps que lui
Partager la page