Antibes - Villa Aujourd'hui
- département : Alpes-Maritimes
- commune : Antibes
- appellation : Villa Aujourd'hui
- adresse : 1546 boulevard Maréchal Juin - Cap d'Antibes
- auteur : Barry DIERKS (architecte)
- date : 1938
- protection : édifice non protégé
- label patrimoine XXe : Commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS) du 28 novembre 2000
Édifiée en 1938, la villa appartient à la fin de la période de la belle floraison d’édifices destinés à la villégiature d’été. Dès 1923 l’idée d’une saison estivale était dans l’air, mais c’est le milliardiaire américain Frank Jay Gould qui sut orienter la mode et inventer les vacances d’été en incitant les hôteliers à ouvrir leurs établissements à partir du printemps plutôt qu’en hiver comme cela se pratiquait au XIXe siècle. Avec son épouse Florence, ils attirèrent amis et relations, artistes et milliardaires, pour des activités sportives et élégantes de plein soleil, mais aussi culturelles et mondaines. Ils financèrent le lancement de Juan-les-Pins en 1924 et la construction du Palais de la Méditerranée à Nice à partir de 1926. Ils furent relayés par Gerald et Sara Murphy, qui s’étaient installés au coeur du Cap d’Antibes, à la villa America dont ils firent jusqu’en 1932 le centre d’une vie raffinée et chaleureuse à laquelle participèrent Scott Fitzgerald, John Dos Passos, Serge Diaghilev ou Pablo Picasso.
Mrs Audrey Chadwick appartenait à cette société nomade fortunée et cultivée, en grande partie américaine, que liait un même style de vie et qu’attiraient les séductions de la french Riviera. Ce sont probablement ses relations qui lui recommandèrent cet architecte installé sur la côte et dont la formation aux U.S.A. pouvait lui sembler une garantie pour une création lui rappelant l’esprit de la modernité Art déco de Miami. Elle possédait en effet à Palm Beach une villa qu’elle avait baptisée Today...
Barry Dierks (1899-1960) appartient à la génération des architectes qui surent saisir la nouveauté du Mouvement moderne pour rénover la tradition de l’éclectisme encore de règle pour les grandes résidences. Diplômé du Carnegie Institute of Technology de Pittsburg en 1921, il suivit l’enseignement de l’atelier Jaussely de 1921 à 1923 à l’École Nationale des Beaux-Arts de Paris et s’installa sur la côte en 1925 dans sa première réalisation, la Villa du Trident à Théoule, avec son ami et associé Éric Sawyer qui s’occupa des finances de l’agence. On lui connaît, de Menton à Six-Fours (Var), au moins 70 maisons, dont 21 au Cap d’Antibes, où il combina, avec adresse, le confort et la nouveauté technique dans une modernité empreinte d’un classicisme rigoureux et d’une atmosphère méditerranéenne chaleureuse.
Coqueluche de la bonne société, il noua, grâce à sa vie mondaine, puis à ses activités caritatives pendant la seconde guerre mondiale, des liens de confiance et d’amitié avec une clientèle riche en grande partie anglo-saxonne.
La villa remplace une construction légère du tournant du siècle, qui avait pour nom le Bungalow. Elle s’élève sur un terrain dont l’architecte se plaisait à dire qu’il avait la superficie d’un piano à queue. Il en exploita l’exiguïté pour organiser une distribution des plus classiques qui se développe sur un rez-de-chaussée et un étage, avec un étage de soubassement partiel abritant notamment le garage. Dans le corps principal, une enfilade de pièces de réception et de séjour s’ouvre largement sur le panorama de Golfe-Juan et de Juan-les-Pins par des baies aux vitrages coulissant dans l’épaisseur des murs. Cette situation privilégiée séduisit Jack Warner qui, un temps propriétaire, y reçut les plus grandes stars du cinéma, de Charlie Chaplin à Ava Gardner. Barry Dierks donna à la façade antérieure cet extraordinaire mouvement d’ondulation pour loger des services de part et d’autre d’une demi-lune où viennent se ranger les voitures des invités. La monumentalité combine ici la symétrie des volumes centraux, dont les courbes doivent beaucoup à Borromini, et l’incertitude d’une dissymétrie que le promeneur découvre en se déplaçant. La modernité unifie et donne un rythme aux surfaces, tout en ne conservant des modèles baroques qu’une épure magnifiée par la blancheur méditerranéenne.
- Rédacteur : François Fray, drac paca sri, 2000
Partager la page