Les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux Olympiques de Paris 2024 ont montré au monde entier combien la culture apporte de créativité à une manifestation populaire. Il y eut bien sûr les danseurs, les musiciens, les plasticiens. Il y eut à l’évidence le patrimoine national, les monuments et les musées prestigieux qui bordent la Seine. Mais les stylistes et les designers ne furent pas les derniers à mettre toute leur ferveur, toute leur énergie créatrice et tout leur professionnalisme au service de la fête.
De ce même côté des industries culturelles et créatives, un hommage appuyé fut rendu également au jeu vidéo, au travers du personnage porteur de flamme, inspiré notamment d’Assassin’s Creed, produit mondialement célèbre de la société Ubisoft. Il courait sur les toits et se chargea, pour l’occasion, d’une mini-visite onirique du musée du Louvre puis du musée d’Orsay. Et puis rappelons aussi cet extrait désopilant des Minions qui saluait la réputation internationale de l’école des Gobelins.
Quant à la mode, Daphné Bürki, directrice stylisme et costumes pour la cérémonie, a fait appel à « la jeune garde » de la mode française, jeunes professionnels (créateurs et entreprises) que le ministère de la Culture repère et soutient chaque année. Côté design, à tout seigneur tout honneur, Mathieu Lehanneur en donnant sa figure parisienne à la flamme olympique, s’est fait la vitrine du design, des métiers d’art et de l’innovation technologique.
Design : un anneau de feu soulevé en majesté par une montgolfière
Mathieu Lehanneur, en dessinant la torche olympique, a porté haut celle qui éclaire le design français et l’a confirmé avec le dessin du chaudron et de la vasque élevée dans les airs la nuit au jardin des Tuileries. Soulignons la performance technologique mise ici au service de la sobriété écologique, un sujet également au cœur des politiques portées par le ministère de la Culture : EDF (Électricité de France) explique que la flamme y est en réalité un flux de lumière projeté sur un nuage d’eau, donc sans combustible ni combustion.
« La Torche, le Chaudron et la Vasque, explique Mathieu Lehanneur, ne sont pas des objets séparés. Ils sont les chapitres d’une seule et grande histoire. Chacun y incarne l’esprit de ces Jeux de Paris. Le Chaudron prend la forme d’un anneau de feu en suspension au-dessus d’un relief liquide. À la fois pur et magique, il semble flotter et se reflète dans sa base métallique. Si la Torche est un feu sacré qui se transmet, le Chaudron autour duquel on se réunit fédère les énergies. » La vasque, éteinte dimanche 11 août lors de la cérémonie de clôture, sera rallumée pour les Jeux Paralympiques, dès le 28 août dans le Jardin des Tuileries.
Un costume doré tout en matières recyclées
Quant à Kevin Germanier, Alphonse Maitrepierre et Victor Weinsanto, on a pu voir leurs créations, avec celles d’autres stylistes, dans le défilé de mode sur la passerelle Debilly qui accueillait alternativement un banquet, une piste de danse ou un podium pour ce défilé, ou au cœur du Stade de France. Kevin Germanier a habillé une personnalité hors du commun : l’escrimeuse paralympique italienne Béatrice Vio. Par ailleurs, il a participé à la création de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques, qui a eu lieu dimanche 11 août dans le Stade de France, en habillant le Golden Voyager qui a emmené les spectateurs dans un voyage onirique vers un futur fictionnel dans lequel les Jeux Olympiques auraient disparu.
Le personnage, fil rouge de la soirée, était vêtu d'un costume doré fait de 20 000 perles, le tout dans une démarche écoresponsable avec des matières recyclées. Il en expliquait le mois dernier les conditions particulières dans Vogue : « Pour Records [le spectacle de la cérémonie de clôture], je dois habiller des hommes et des femmes, qui ne font pas 1m90 comme mes mannequins, mais parfois 1m60. Ce sont des performeurs, il y a du mouvement, des figures… J'ai donc dû imaginer quelque chose que je ne ferai jamais pour Germanier, et que je ne ferai plus jamais tout court, car je n'aurai plus jamais autant de performeurs au Stade de France. Sans parler des notions de sécurité ! Faut-il prévoir des gants, des casques ? Des chaussures spéciales ? Heureusement, une chose que l'upcycling m'a appris, c'est de m'adapter à la contrainte. Et là, la contrainte, c'est que si cette personne tombe, elle peut mourir. Donc il faut absolument un harnais. Comment l'inclure tout en faisant du beau ? »
Victor Weinsanto s’est fait remarquer lors de la cérémonie d'ouverture notamment par un exemplaire de sa récente collection de haute couture inspirée par l’Alsace dont il est originaire. Le jeune styliste, qui a habillé Beyoncé, présentait une coiffe alsacienne géante, mauve clair, en organza imprimé, inspiré des tissus Kelsch, bien connus au bord du Rhin. Alphonse Maitrepierre de son côté, présentait une robe en satin rose portée par l’autrice et mannequin Farida Khelfa.
On l’aura noté, tous ces jeunes (et même très jeunes) créateurs, qui ont été lauréats de l’appel à projet « Mode et Métiers d'art de la mode », non contents de dynamiser la création de leur époque, trouvent aussi chacun à leur manière des solutions pour mettre à la mode le développement durable (choix réfléchi des matériaux, réemploi, recyclage, surcyclage…).
Une jeune femme au galop à la surface des eaux
Jeanne Friot a fait le costume de cette cavalière magique qui galope sur un cheval mécanique à la surface des eaux, puis surgit sur le pont entre tour Eiffel et Trocadéro, cette fois sur un beau cheval blanc, suivie des drapeaux de toutes les nations, pour apporter l’étendard olympique hissé solennellement. « On est beaucoup de jeunes designers en France, et parmi nous peu de femmes, encore moins des femmes qui portent le nom de leur maison. C’est pour moi ultra important d’avoir participé à cette cérémonie », assurait Jeanne Friot sur France Inter.
Cette tenue d’une Jeanne d’Arc sur un cheval mécanique voguant sur la Seine a commencé à être élaborée il y a presque un an. « On avait fait une robe spécialement pour Madonna avec des ceintures. C’est devenu une pièce iconique de la marque. J’ai trouvé alors intéressant de travailler un dessous qui serait imprimé en ceinture comme un trompe-l’œil et un pardessus qui serait comme une armure, mais faite de cuir et qui aurait vraiment cet effet métal quand on le voit. Et pour ça j’ai fait appel à Robert Mercier, un artisan du cuir », explique-t-elle aussi sur son compte Instagram.
Style et amour, du Pont Neuf à la Bibliothèque nationale de France
On se souviendra enfin de ces nouveaux amants du Pont-Neuf, acrobates aux costumes bariolés posés au haut de perches souples et gigantesques, qui accompagnaient le fameux funambule Nathan Paulin. On se souviendra également de la séquence qui était associée, tournée dans la Bibliothèque nationale de France (son site historique de la rue de Richelieu), avec une superbe allusion au cinéma de François Truffaut (Jules et Jim) et des références explicites – c’est là le trésor des bibliothèques – aux grandes œuvres du patrimoine littéraire et, pourrait-on dire, du patrimoine amoureux : Verlaine, Musset, Maupassant, Radiguet, Ernaux…
Ces séquences du Pont-Neuf et de la BnF auront attiré tous les regards sur les habits colorés et élancés qu’elles mettaient en valeur. C’est l’occasion ici de souligner le travail de Charles de Vilmorin, qui a habillé ce trio amoureux et tous ces acrobates. Le jeune créateur s’est fait une place dans le monde de la mode en lançant sa première collection à l’âge de 22 ans, il y a cinq ans. Un univers unique, fait de créatures tout droit sorties de contes fantastiques, aux couleurs intenses et marquées, dont on aura contemplé pour la cérémonie une version romantique à souhait.
Le volet industries culturelles et créatives de France 2030
Les industries culturelles et créatives (ICC) constituent l’une des filières cibles du Plan France 2030, dont l’ambition est de transformer durablement des secteurs clefs de l’économie française, afin d’anticiper les mutations et de positionner la France en leader mondial des grandes innovations stratégiques.
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