Sillonner Lyon à la découverte d’installations contemporaines, redécouvrir le génie de Raphaël à travers ses dessins, entrer dans l’intimité d’une famille de collectionneurs en Normandie… Les fêtes sont aussi l’occasion de prendre le temps de découvrir les expositions organisées par les musées près de chez soi. Voici notre sélection de six événements culturels, qui retracent plusieurs siècles d’histoire de l’art, des chefs-d’œuvre de l’impressionnisme à la scène émergente de la création contemporaine.
À Lyon, une Biennale pour la création contemporaine
La 17e édition de la Biennale d’art contemporain de Lyon refermera ses portes le 5 janvier. Plus que quelques jours, donc, pour découvrir la création contemporaine dans l’ensemble de la ville, et notamment deux nouveaux lieux : les Grandes Locos, ancien site industriel en bordure du Rhône, et la Cité Internationale de la Gastronomie dans l’ancien hôpital du Grand Hôtel-Dieu. Alexia Fabre, directrice des Beaux-Arts de Paris et commissaire invitée pour cette nouvelle édition, propose une programmation intitulée « Les voix des fleuves Crossing the water », un parcours le long du Rhône comme une métaphore de toutes les eaux qui se rejoignent pour former un courant plus fort.
La programmation est ainsi un véritable concentré d’artistes émergents ou plus confirmés, invités à réfléchir sur l’environnement qui les entoure. Avec par exemple l’opéra vidéo Resonance Project: The Cave d’Oliver Beer, composé dans et pour la grotte de Font-de-Gaume (Dordogne) avec huit interprètes interprétant leur premier souvenir musical, une performance diffusée aux Grandes Locos. L’installation monumentale Les sols ont vibré (voir photo) de l’architecte et artiste afghano-français Feda Wardak, également aux Grandes Locos, explore la destruction des karez afghans — ouvrages hydrauliques millénaires et souterrains — à la suite des attaques de drones de l’US Air Force et leur reconstruction par les populations locales. Enfin deux œuvres de Christian Boltanski sont à admirer, dont Le Voyage de Noces, sa première en commun avec Annette Messager.
L’« Expérience Raphaël » à vivre à Lille
C’est une collection exceptionnelle qui se dévoile jusqu’au 17 février au Palais des Beaux-Arts de Lille : l’intégralité du fonds Raphaël légué par le peintre et collectionneur lillois Jean-Baptiste Wicar, soit 43 feuilles époustouflantes complétées par le prêt de nombreux musées, notamment le Louvre ou la National Gallery de Londres.
Ces œuvres ont été rarement montrées en raison de leur fragilité. Pour cette exposition, elles ont été restaurées et certaines ont bénéficié d’analyses scientifiques par le C2RMF – le Centre de recherche et de restauration des musées de France – pour en apprendre un peu plus sur leur matière et révéler quelques secrets de création. Ces 43 œuvres graphiques originales retracent le processus de création de l’artiste, de ses premières commandes en 1500 jusqu’à sa mort en 1520, entre Pérouse, Florence et Rome.
Comme il l’avait déjà fait en 2021 avec Goya et en 2022 avec la Forêt magique, le Palais des Beaux-Arts propose une exposition « augmentée », avec des dispositifs numériques montrant comment l’artiste passe du dessin au tableau ou à la fresque. Un film projeté à 360° retrace la vie fantasmée de Raphaël, de sa naissance jusqu’au mythe forgé par les artistes du XIXe siècle. Le visiteur peut entrer virtuellement dans la chambre de la Signature, pour découvrir ses célèbres fresques du dessinateur et les étapes de leur composition. Enfin l’immersion est sonore avec une invitation dans l’Italie de la Renaissance.
Katharina Grosse veut « Déplacer les étoiles » à Metz
Ce sont deux œuvres spectaculaires de Katharina Grosse qui ont pris place au Centre Pompidou-Metz jusqu’au 24 février prochain. Dans la Grande Nef, un immense drap de 8 250 m2 peint suspendu au plafond et formant d’énormes nœuds se déploie jusqu’au Parvis tandis que dans le Forum, l’installation The Bedroom s’inspire de la chambre de l’artiste allemande à Düsseldorf avec de la peinture à l’aérosol sur le lit, le sol, les murs et les objets, pour un dialogue entre l’intime et la monumentalité.
Cette technique de la vaporisation est celle plébiscitée depuis plus de trente ans par l’artiste pour créer des peintures immersives. Ses installations sont inspirées par les fresques de la Renaissance et s’intègrent toujours à l’architecture des lieux pour jouer avec les murs, les angles, le sol et le plafond. Elles intègrent également du végétal avec des troncs et des souches de frênes et de charmes enveloppés dans une toile immaculée et invitent les visiteurs à une expérience unique : traverser physiquement la peinture grâce à des ouvertures dans la toile.
En immersion chez les maîtres hollandais à Bordeaux
Ouvert en 2020 dans l’ancienne base sous-marine bordelaise, les Bassins des Lumières présentent des expositions numériques immersives monumentales dédiées aux grands artistes de l’histoire de l’art. De Vermeer à Van Gogh en passant par Rembrandt et Jan Steen, le lieu propose, jusqu’au 29 janvier, un nouvel événement dédié aux grands maîtres hollandais, pour marcher sur les pas de ces peintres qui abordent l’ordinaire de façon extraordinaire.
Le parcours de l’exposition se veut thématique avec des scènes de la société hollandaise, l’art du portrait, la musique, la foi ou encore les mers les scènes d’hiver. Tour à tour, le public vogue sur les canaux flamands, entre dans l’intimité des foyers, prend les voiles pour accoster dans les cités et admirer les portraits de La Jeune fille à la perle, les clair-obscur de Rembrandt et les paysages ensoleillés de Van Gogh, accompagné par une bande-son éclectique, qui convie à la fois le baroque, Nina Simone, M83 et Radiohead.
Plongée dans la collection des Senn au Havre
En 2004, Hélène Senn-Foulds donnait au musée du Havre la collection héritée de son grand-père, Olivier Senn, négociant en coton, amateur d’art impressionniste, post-impressionniste et moderne. Vingt ans plus tard, le MuMa du Havre célèbre l’anniversaire de cette donation avec l’exposition « Les Senn, collectionneurs et mécènes » jusqu’au 16 février. Pendant les vacances, des visites guidées sont organisées.
Au fil du temps, certaines pièces de la collection avaient été données, échangées ou revendues par le collectionneur ou ses descendants. Un travail mené a permis d’identifier près de 250 nouvelles œuvres absentes des collections du MuMa. Cette exposition présente ainsi la collection originale grâce à des prêts provenant de collections publiques et privées avec près de 280 œuvres balayant plus d’un siècle d’histoire de l’art, de Monet à Diego Rivera, en passant par Courbet, Delacroix ou Alfred Stevens. Certains tableaux issus de collections particulières américaines seront donc présentés pour la première fois au public. L’exposition propose des photographies anciennes de ces œuvres telles qu’elles étaient à l’origine accrochées. Une véritable plongée dans l’intimité d’une famille.
Le musée imaginaire d’Oli aux Abattoirs de Toulouse
On connaissait Oli, moitié du duo toulousain de rap Bigflo & Oli, voici désormais Oli le curateur, invité par Les Abattoirs, Musée - Frac Occitanie Toulouse à poser un regard neuf sur les collections de l'institution. « Le Musée imaginaire d'Oli », jusqu’au 4 mai, fait écho à celui inventé par André Malraux, dans les années 50 dans son livre éponyme, qui avait révélé le rôle grandissant de la photographie dans l’accès à toutes les œuvres de l’humanité. Oli a ainsi parcouru le catalogue numérique des collections des Abattoirs pour choisir des œuvres d’art moderne et contemporain selon ses sensibilités, son histoire personnelle et ses rencontres nouées suite à ses nombreuses visites aux Abattoirs comme Joël Hubaut, Yayoi Kusama ou la Compagnie Royal Deluxe. « J’ai choisi des œuvres dans les réserves des Abattoirs, au gré des collaborations avec des artistes dont j’aime le travail, des hommages à mes influences locales et mon amour pour la ville de Toulouse », explique l’artiste.
Cette exposition à la croisée de l’art et du rap évoque des thèmes au centre de l’œuvre de Bigflo & Oli : la famille, l’enfance, la ville de Toulouse mais aussi le multiculturalisme, la puissance de l’oralité et l’art pour toutes et tous. Elle sera ponctuée d'événements, de concerts, d’ateliers, de performances, de conférences et de scènes ouvertes avec des invités issus de la musique ou de l’art. Ce Musée imaginaire d’Oli est le premier d’une série d’invitations faites à personnalités d’horizons divers à venir s’emparer des collections des Abattoirs. L’expérience est donc amenée à se répéter.
Les œuvres d’art spoliées se racontent dans le podcast À la trace
Les vacances sont également l’occasion de prendre le temps d’écouter des podcasts. Lancé en mars 2023 par la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (M2RS) du ministère de la Culture, À la trace permet de de remonter le fil d’œuvres spoliées à Paris, Bordeaux, Vienne ou Munich, dont il a fallu identifier et retrouver les propriétaires et leurs ayants droit. Toutes ces histoires passionnantes – et parfois aux multiples rebondissements – sont racontées dans ce podcast original qui se penche sur les cas individuels de spoliations en travaillant avec les institutions culturelles concernées afin de parvenir à une mesure de réparation (restitution ou indemnisation).
Huit épisodes – dont deux hors-série consacrés à l’artiste Chana Orloff - d’une vingtaine de minutes réalisés par Léa Veinstein et racontés par la comédienne Florence Loiret Caille ont été mis en ligne et donnent à chaque fois la parole aux descendants ou représentants des personnes spoliées et à la plupart de ceux qui ont participé à l’enquête : chercheurs de provenance ou représentants des musées qui conservaient les œuvres…
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