Le forum Création Africa l’a récemment confirmé pour les industries culturelles et créatives : le continent africain est un continent d’avenir. Il l’est aussi pour la conservation et valorisation du patrimoine, et le tourisme culturel. De ce côté, pour le ministère de la Culture, il est essentiel de contribuer à mettre en réseau, entre eux mais aussi avec les musées français, tous les acteurs africains, francophones comme anglophones.
Pour cela, le ministère de la Culture (sous-direction aux affaires européennes et internationales) a mis en place, depuis trois ans, un séminaire sur « l’Organisation d’expositions temporaires et circulation de biens culturels en Afrique », où il invite, jusqu’au 6 juin, les participants à entrer dans le vif du sujet : identifier des projets d’expositions, renforcer les compétences de chacun sur l’organisation d’expositions temporaires et sur l’accueil d’œuvres dans les musées africains.
Un musée du Bénin en plein chantier sur un site exceptionnel, une association qui met en réseau les acteurs culturels du Cameroun et leur apporte ses différentes expertises, voici deux profils très différents qui ont des objectifs convergents : développer l’identification, la conservation et la valorisation du patrimoine africain.
Le musée des Rois et Amazones du Danhomé : au centre de gravité d’une immense dispersion muséale
« La circulation des biens culturels, c’est le mouvement des œuvres d’un musée vers un autre dans un même pays ou entre des pays amis et frères », nous explique Abdoulaye Imorou, gestionnaire du site des palais royaux d’Abomey. « La valorisation des expositions internationales temporaires et itinérantes est une très bonne pratique qui favorise la démocratisation de la culture », précise-t-il.
Une circulation trop souvent initiée dans les tragédies de l’histoire : en l’occurrence, un véritable pillage opéré par les troupes coloniales françaises en 1892 fut à l’origine de la présence au musée du Quai Branly des 26 trésors royaux enfin restitués en 2021 au Bénin, qui sont actuellement exposés au palais présidentiel de Cotonou, en attendant de rejoindre leur lieu d’origine, ce site extraordinaire des palais royaux d’Abomey.
Dix palais construits les uns à côté des autres par les douze rois du Danxomè qui se succédèrent entre 1625 et 1900 : c’était l’un des royaumes les plus puissants de la côte occidentale africaine. Il n’a été conservé sérieusement qu’à partir de 1944 sous la gestion de l’Institut Français d’Afrique Noire (IFAN). Il a été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’humanité, « en péril », en 1985. « La tornade de 1984 commandait des travaux de sauvetage. Mais dès ces années 80, on y reçut des œuvres pour au moins deux événements : une exposition des œuvres des musées de l’Afrique de l’Ouest, en 1987, et, en 1989, le prêt, déjà, par le musée du Quai Branly, du trône du roi Ghézo, lors du centenaire du décès de ce souverain. »
Pour Abdoulaye Imorou, le séminaire est non seulement l’occasion de découvrir ou re-découvrir les techniques organisationnelles et de montage des expositions, les savoirs faire liés aux négociations de prêt des œuvres d’art, mais aussi, notamment grâce aux rencontres mises au programme (Musées du Louvre, d’Orsay, du Quai Branly, d’Angoulême, palais de Tokyo, La Villette et Cité internationale de la langue française), d’ouvrir ses recherches à tous les horizons.
« Nous sommes en train de construire le futur musée des Rois et Amazones du Danhomé (MuraD). Il exposera bien sûr les 26 œuvres restituées, mais aussi celles de tous les souverains qui ont régné sur le site, avec celles des héros du Bénin et de certains royaumes d’Afrique. Notre comité scientifique envisage d’emprunter des objets emblématiques aux musées occidentaux. C’est d’abord un travail d’identification des œuvres que nous voulons mener avec les professionnels de ces musées, à l’exemple de nos travaux avec le Quai Branly. »
La Route des Chefferies : richesse et diversité du patrimoine camerounais
« Partage des expériences esthétiques, dialogue des cultures, ponts construits pour découvrir l’autre, voilà ce qui motive l’intérêt de notre association pour la circulation des biens culturels », nous dit Myriam Chiemgnie, responsable du développement culturel pour la Route des Chefferies.
Un formidable condensé de dynamisme : « En vingt ans, nous avons mis sur pied un réseau de 14 musées dans les régions de l’Ouest, du Nord-Ouest et du Littoral, au Cameroun et au-delà, dont 12 musées communautaires (qu’on appelle des cases patrimoniales), et deux musées nationaux. Passionnés de muséographie, de recherche scientifique, de mise en valeur patrimoniale, nous travaillons pour le développement du tourisme culturel tout autant que pour la fédération des acteurs locaux et pour la formation professionnelle. »
La Route des Chefferies a multiplié jusqu’ici l’organisation d’expositions. Notons par exemple, au musée des civilisations de la ville camerounaise de Dschang : « Indépendance du Cameroun, libérons la mémoire », en 2023, « et celle organisée au Musée du Quai Branly – Jacques Chirac en 2022 sous le titre Sur la Route des Chefferies du Cameroun. Du visible à l’invisible. Deux autres expositions ont été aussi organisée dans la ville de Nantes. »
Le séminaire est l’occasion évidente, pour Myriam Chiemgnie, non seulement de cultiver et d’enrichir ses compétences personnelles, mais d’identifier moyens et méthodes pour relever toujours de nouveaux enjeux de développement pour l’association.
« Nous souhaitons renforcer notre dynamique de coopération internationale, en développant des partenariats avec des institutions muséales en France et en Europe, à travers des expositions et des évènements. Nous envisageons, en retour, d’en accueillir dans notre réseau au Cameroun, afin de renforcer la circulation des biens culturels nord-sud. Des coopérations les plus riches possibles : projets coconstruits, formations, stages professionnels, partage d’expériences, etc., avec ce souci, constant pour nous, de mettre en lumière la richesse et la diversité du patrimoine camerounais. »
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