La transition écologique est l’affaire de tous. Chacun peut estimer comment ses habitudes personnelles mais aussi les usages quotidiens, professionnels et privés, de son entourage, pourraient générer un meilleur bilan carbone. Les artistes du spectacle vivant ont déjà beaucoup avancé de ce côté, en organisant des tournées moins gourmandes en allées et venues. Les décors et les matériels, lourds à déplacer, figurent en bonne place dans ces problématiques. On n’y penserait pas tout de suite, mais les gros instruments de musique, ni si énormes qu’ils ne puissent être des valises presque comme les autres, ni suffisamment logeables cependant pour ne pas poser de problèmes de transport, sont devenus des pierres d’achoppement à cet égard.
Un compagnon de voyage indispensable
C’est haut et ventru comme une petite armoire, moins large et plus léger, mais très fragile. Ainsi, prendre le train avec cet objet volumineux, c’est s’exposer à des situations qu’on adore voir se produire chez Charlie Chaplin, mais qui peuvent devenir pénibles dans le réel : vous l’avez deviné, il s’agit de la contrebasse. Encore n’est-elle pas pire, pour voyager, que la harpe ou le théorbe (un luth qui peut atteindre deux mètres).
Toutefois, ses dimensions ont beau être improbables, il est hors de question, pour l’interprète professionnel, de renoncer à emporter son instrument, de facture souvent exceptionnelle, dans ses tournées. Aucun autre, loué près de la salle de concert, ne peut le remplacer. Seuls les pianistes, et encore pas tous, se résignent à s’exposer, sur leurs chemins, à jouer sur des spécimens qui réduisent la qualité de leur prestation. Quant aux organistes, c’est encore autre chose : les orgues sont des œuvres d’art monumentales. Ils sont singuliers et immobiles. Les interprètes les visitent, c’est un pèlerinage.
Une question de bilan carbone
Mais revenons aux contrebasses : il n’est pas loin le temps où, prenant leur parti d’un gabarit excessif (la SNCF refusant tout bagage à main supérieur à 90x130 cm), les musiciens s’en remettaient au transport automobile. Toutefois, sachant qu’un contrebassiste de jazz professionnel peut parcourir plusieurs milliers de kilomètres par mois, le souci d’un bilan carbone raisonnable disqualifie aujourd’hui cette solution. Tôt conscients de ce nouvel impératif, les interprètes n’avaient pas attendu que la SNCF y réfléchisse pour monter en voiture avec leur instrument, provoquant quelques disputes avec les contrôleurs.
Il fallait que chacun, sans tarder, se mette autour de la table pour trouver une solution. L’enjeu était on ne peut plus clair : avec le train, un contrebassiste parcourt, à émission carbone égale, 74 km, contre 1 seul en véhicule thermique. La SNCF Voyageurs, les organisations professionnelles de la musique et le ministère de la Culture s’accordèrent alors pour lancer une expérimentation de six mois en conditions réelles, le 1er juillet 2024. Un galop d’essai aux enseignements concluants, puisque ce 13 février 2025, la ministre de la Culture, Rachida Dati, et Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs, ont officialisé, en Gare de Lyon et en présence de musiciens bénéficiaires, les nouvelles conditions d’accueil faites aux contrebasses à bord des TGV INOUI. Et l’on a joué un peu de musique pour fêter chaleureusement ce résultat.
Une participation exemplaire de toutes les parties concernées
Chères contrebasses, votre accueil sera désormais parfait, pourvu que vous soyez revêtues d’une housse souple, que votre taille n’excède pas 1 m 95, que vous consentiez à vous loger à un emplacement prévu (en 1ère classe pour les TGV à double niveau, en 2nde pour les TGV à simple niveau), que votre propriétaire prenne son billet suffisamment tôt pour être près de vous. Les petits ruisseaux, comme chacun sait, font les grandes rivières : on ne peut que saluer la détermination des parties concernées pour avoir pris à bras le corps un menu mais véritable problème et l’avoir si bien mené à une solution satisfaisante, de manière exemplaire.
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