Depuis 2017, le ministère de la Culture a mis en œuvre une politique active de lutte contre les inégalités liées au sexe et au genre avec des actions concrètes et volontaristes. Parmi elles, un outil, qui existe depuis 2013 : l'Observatoire de l'égalité entre femmes et hommes dans la culture et la communication, coordonné par le Département des études, de la prospective, des statistiques et de la documentation (DEPS) avec l’appui de la mission Diversité-Égalité-Prévention des discriminations.
Publié tous les ans lors de la Journée internationale des droits des femmes, il analyse les inégalités entre les sexes avec plus de 700 indicateurs et 90 tableaux sur la part des femmes dans l’ensemble des secteurs qui composent le champ culturel. Des bancs de l’école à l’entrée dans la vie active jusqu’à la reconnaissance des talents et l’accession aux postes à responsabilités, cet Observatoire permet de rendre compte du chemin vers l’égalité. Cette nouvelle édition dresse le constat d’une meilleure représentation des femmes dans les instances de la vie culturelle mais souligne toujours de fortes disparités selon les disciplines.
Les femmes majoritaires sur les bancs des écoles mais minoritaires dans l’emploi et moins bien payées
C’est une constante depuis la mise en place de cet Observatoire : la prépondérance des étudiantes dans la centaine d’établissements d’enseignement supérieurs placés sous la tutelle du ministère de la Culture. Aujourd’hui, elles représentent 63 % des étudiants, soit plus que dans l’enseignement supérieur en général (56 %). Les femmes sont particulièrement représentées dans les filières du patrimoine (80 %) et des arts plastiques (70 %). De manière générale, depuis cinq ans, toutes les filières se féminisent – à l’exception de celle du patrimoine, déjà en avance sur le sujet – notamment l’audiovisuel cinéma où la part des étudiantes est passée de 51 % en 2017-2018 à 56 % en 2022-2023. À la sortie de l’école, l’accès au premier emploi reste le même selon le sexe avec un taux d’insertion professionnelle quasi identique pour les femmes (92 %) et pour les hommes (94 %), d’après l’enquête annuelle conduite en 2023 auprès des diplômé(e)s en 2019.
La césure se fait dans le monde professionnel, où les femmes restent légèrement minoritaires (46 % des effectifs en 2020 contre 49 % pour l’ensemble de la population). La part des femmes progresse fortement dans certains domaines comme l’architecture où elle a presque doublé en vingt ans. Des progrès sont visibles également dans le secteur du spectacle du fait de l’arrivée sur le marché du travail de générations où la proportion de filles était plus importante dans les écoles. Enfin elles restent toujours majoritaires parmi les professeurs d’art et dans les domaines de la traduction, de la documentation et de la conservation.
En revanche, les écarts de salaires restent défavorables aux femmes (–20 % dans l’ensemble des secteurs culturels), notamment l’architecture (-32 %). Pour le spectacle vivant, les différences de perception de droits d’auteur sont de l’ordre de 41 % en défaveur des femmes. Seuls les professeurs d’art paient mieux les femmes (+5 %).
Toujours plus de femmes aux postes à responsabilité, le privé stagne
Avec seulement 15 % de présidentes ou de directrices générales au sein des cent premières entreprises du secteur culturel en matière de chiffre d’affaires en 2020, le privé fait moins bien que le public, où l’on compte par exemple trois femmes sur cinq aux postes de présidence des entreprises de l’audiovisuel public. La parité est atteinte dans les services à compétence nationale, à la tête des DRAC et quasiment au ministère de la Culture (45-55 %).
Pour autant, il demeure des inégalités avec d’un côté le spectacle vivant qui ne compte qu’une femme pour huit hommes à la direction des établissements publics au 1er janvier 2024, et de l’autre 65 % de femmes à la tête des musées nationaux. Dans les structures soutenues par le ministère de la Culture, la présence de femmes aux postes de direction reste minoritaire (38 %) et il n’existe par exemple aucune femme à la tête d’un centre national de création musicale. Enfin la part des femmes progresse aux directions des établissements de l’enseignement supérieur, pour atteindre 44 %.
Les œuvres des femmes restent moins visibles
En 2023-2024, les femmes ont été moins programmées dans le secteur artistique : seulement 40 % des représentations dans le secteur du spectacle vivant et 29 % des quelques 1 900 représentations d’opéra sont mises en scène par une femme au cours de la saison 2023-2024. Les femmes sont également très minoritaires dans la direction musicale (12 %) et dans la composition (7 %). Dans les arts plastiques, les acquisitions d’œuvres par le Fonds national (60 % en 2022 contre 52 % en 2021) et les Fonds régionaux (54 %) d’art contemporain sont majoritairement féminines et la parité a été dépassée dans quelques-unes des plus grandes expositions artistiques.
Côté cinéma, les femmes réalisatrices de longs-métrages restent minoritaires (30 %) se tournant plutôt vers les courts-métrages. A la télévision, on peut voir moins de femmes aux heures de forte audience (36 %) alors que la parité est presque atteinte sur les ondes, avec 45 % de voix féminines sur la tranche horaire matinale, à forte audience.
Les aides à la création souvent plus faibles pour les femmes
D’une manière générale, les aides accordées aux femmes pour la création restent moins élevées que pour les hommes. Dans le domaine du cinéma, en 2021, sur les 58 projets bénéficiant de l’avance sur recettes du Centre national du cinéma et de l’image animée, 28 % ont été réalisés par des femmes, soit l'inégalité la plus forte depuis quatre ans.
La situation est plus égalitaire dans le domaine de la littérature avec, selon le Centre national du livre, 59 % d’aides accordées aux autrices au titre du soutien à la création et à la traduction littéraire par domaine éditorial même si le montant moyen alloué est inférieur à celui des hommes de 29 %. Les domaines pour lequel les écarts sont les plus prononcés sont le théâtre avec des aides attribuées aux femmes inférieures de moitié à celles des hommes et le roman avec un montant moyen d’aide accordé inférieur de 30 % à celui des hommes en 2023.
Moins de femmes primées que d’hommes
Julia Ducournau, Palme d’or en 2021, et Justine Triet, consacrée l’an dernier, reflètent peu la faible présence de réalisatrices primées depuis la création du Festival de Cannes puisque jusque-là, seul un film d’une réalisatrice avait obtenu la distinction suprême et, sur l’ensemble des attributions de cette récompense, seuls 5 % sont revenus aux femmes. Pour les César, depuis 1976, seulement 8 % des films primés ont été réalisés par des femmes.
Côté musique, la situation est également peu favorable avec 10 % d’artistes lauréates de la Victoire de la musique du meilleur album depuis 1985, un chiffre en progression constante avec 25 % de lauréates rien que pour la période 2020-2023. La musique classique et le jazz font mieux, avec respectivement 36 % et 26 % de femmes primées.
Pour le théâtre, les femmes représentent, de 2020 à 2023, 44 % des auteurs et autrices primées aux Molière du metteur ou de la metteuse en scène. Sur-représentées dans les écoles (60 % des étudiantes et étudiants), les femmes photographes représentent 47 % des récipiendaires des prix emblématiques en 2023. Le livre récompense également bien les femmes avec 54 % de lauréates des grands prix littéraires de 2020 à 2023. Les jurys et les présidences de jury de prix emblématiques respectent, eux, la parité pour la première fois depuis la création de l’Observatoire en 2013.
Les chiffres-clés de l'Observatoire 2024
- 42% de femmes à la tête des établissements publics de la culture
- 50% de femmes directrices des affaires culturelles (DRAC)
- 65% de femmes à la direction des 41 musées nationaux
- 60% de femmes à la présidence des entreprises de l’audiovisuel public
- 42% de femmes à la tête des centres dramatiques nationaux
- 62% de femmes dans les commissariats des expositions d’intérêt national
- 15 % de femmes à la direction des 100 plus grandes entreprises culturelles en France
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