Qu’ont en commun l’écrivain et cinéaste Jonas Mekas, la chanteuse GiedRé ou même… la plateforme Vinted ? Ils et elles sont tous nés en Lituanie. Pendant trois mois, ce pays balte de moins de trois millions d’habitants est mis à l’honneur à l’occasion de La Saison de la Lituanie en France 2024, jusqu’au 12 décembre dans 80 villes françaises.
Ces trois mois de programmation donnent l’occasion de mettre en valeur l’incroyable dynamisme de la scène de la création lituanienne à travers un large programme pluridisciplinaire allant de l’art contemporain à la gastronomie en passant notamment par le cirque, la littérature et la photographie. Ils sont également le point de départ d’une riche coopération culturelle à venir entre les deux pays et une invitation à « Se voir en l’autre » comme l’indique le l’intitulé de l’événement. Cette ouverture à l’altérité, chère au philosophe français d’origine lituanienne Emmanuel Levinas, est le fil rouge de cette Saison pour Virginija Vitkienė, commissaire générale de cette Saison.
La Saison de la Lituanie en France 2024 qui s’ouvre pour une durée de trois mois entend renouveler les échanges culturels entre la France et la Lituanie. Quels sont les liens artistiques qui relient déjà les deux pays ?
Au cours des dernières décennies, nous avons eu en Lituanie une approche très internationale des arts contemporains, notamment dans les principales villes du pays que sont Vilnius et Kaunas, avec une proposition culturelle très large. Après l’indépendance du pays en 1990, nous avons beaucoup invité des artistes français à nos festivals de musique ou de cinéma par exemple ou lors de la Baltic Triennial, dédiée aux arts visuels. L’an dernier, nous avons collaboré avec le Centre Pompidou en invitant Alicia Knock (à la tête du département Création contemporaine et Prospective ndlr).
Nous avons donc noué des liens constants avec la France, et plus globalement le reste du monde, pour étancher une soif naturelle d’ouverture au monde après la chute du rideau de fer. Cette saison invite à « Se voir en l’autre ». Ce thème est une allusion à la notion d’altérité d’Emmanuel Levinas. Cette Saison nous offre la chance de nous mettre à la place de l’autre, de nous rapprocher et de mieux nous comprendre en évitant les malentendus, les mauvaises interprétations et les tragédies.
Vu de France, la Lituanie est un pays méconnu. Quelle est, selon vous, la richesse de sa scène artistique ?
La Lituanie est un pays très vivant et dynamique, en particulier dans le domaine des arts contemporains, comme en atteste le Lion d'or remporté en 2019 à la Biennale d'art contemporain de Venise. Les institutions françaises ne s’y sont pas trompées et participent en nombre à cette Saison avec plus de 130 festivals, théâtres, galeries ou musées et un programme mêlant expositions, théâtre, danse ou cirque contemporain. Toutes sont conscientes de la qualité de ces propositions lituaniennes au public français. D’ailleurs, beaucoup d’événements se joueront à guichets fermés comme certaines des cinquante représentations données au théâtre de la Ville à Paris dans le cadre de ses trois semaines de programme lituanien.
Cette Saison se décline en trois thèmes : « Imagination débridée », « Voisinage global » et « Diversité et identités ». Quelles pistes de réflexion abordez-vous ?
Ces thèmes ont été choisis lorsque nous avons commencé à réfléchir à cette Saison et à sa programmation, en 2022. Avec « Voisinage global », nous avons voulu évoquer les liens historiques, économiques et culturels entre la Lituanie et la France avec des conférences organisées à la Sorbonne avec l’Université de Vilnius ou une participation aux Rendez-vous de l’histoire à Blois.
Par « Diversité et identités », nous invitons le public français à partager avec nous leur empathie envers les minorités et les plus fragiles. Par exemple, Contre-sens, le Festival international de théâtre de Lyon présente en octobre La fête, une pièce de Kamilé Gudmonaitė, qui met en scène des personnes en situation de handicap tandis que le théâtre de la Ville à Paris propose Fossilia qui raconte la difficile histoire des Lituaniens déportés en Sibérie sous le régime soviétique.
Le dernier thème, « Imagination débridée » est celui d’une nouvelle identité lituanienne, d’une nouvelle génération en train de prendre en main son avenir, ce qui n’était pas le cas pour les générations précédentes qui ont grandi en Union soviétique. Soit dit en passant, l’enquête mondiale sur l’indice du bonheur de cette année a confirmé que les jeunes Lituaniens de moins de trente ans sont les plus heureux au monde ! La Lituanie est donc un pays optimiste et cette confiance en l’avenir est visible dans le domaine de la création avec de jeunes artistes, cinéastes et metteurs en scène qui sont également présentés lors de cette Saison.
En parallèle de cette Saison partout en France, il y aura une programmation en Lituanie…
Cet écho lituanien est organisé par l’Institut français de Vilnius avec des organisations culturelles à travers tout le pays. Il débutera le week-end suivant l’ouverture en France avec une immense œuvre de land art de l’artiste français Saype qui peint directement sur l’herbe avec une peinture totalement écologique qui fond après de fortes pluies. C’est une œuvre qui sera très impressionnante, dessinée sur la colline du château de Vilnius, et qui célébrera le partenariat culturel entre la Lituanie et la France.
Des coproductions théâtrales ou de cirque contemporain seront menées par des compagnies françaises et lituaniennes, pour ensuite être ramenées en Lituanie. Toutes les disciplines seront représentées comme le cinéma français, montré dans l’un des festivals à Vilnius cet automne. L’Institut français souhaite également que ce partenariat soit visible par le plus grand nombre. C’est pourquoi de nombreuses fresques murales seront présentées, y compris dans les petites villes du pays où elles resteront plus longtemps que les trois mois de la Saison.
En quoi cette Saison est le début d’une coopération à plus long terme entre les deux pays ?
Cette Saison est un coup de pouce à des partenariats qui existaient déjà et qui donnera un impact plus important à nos collaborations futures. Je crois que le public adorera les événements de la programmation et les institutions seront heureuses d’inviter des compagnies et des artistes lituaniens à leurs prochains événements.
Certains projets sont d’ores et déjà prévus puisque l’exposition Les frontières sont des animaux nocturnes / Sienos yra naktiniai gyvūnai, l’un des temps forts de cette Saison au Palais de Tokyo et au KADIST Paris, sera visible au Centre contemporain de Vilnius l’année prochaine. D’autres sont déjà attendus en tournée dans les prochaines années ou initiés tout au long de cette Saison. Nous savons que nos collègues de Belgique, du Luxembourg ou d’Allemagne viendront assister à des spectacles et à des expositions afin d’alimenter leurs futurs programmes. Cette Saison est donc l’occasion de se connecter non seulement avec le public français, mais également avec l’ensemble de la scène européenne.
Durant ces trois mois, quelle image de la Lituanie aimeriez-vous donner au public français ?
Je crois que l’énergie, la vitalité, le dynamisme de l’art contemporain peuvent être une source d’inspiration pour le public français. La Lituanie est aujourd’hui un pays très progressiste sur le plan économique. Cette énergie est contagieuse dans le bon sens du terme et nous voulons qu’un maximum de personnes soient gagnés par l’optimisme des Lituaniens !
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