Ils sont designers, architectes, artistes ou encore sociologues et urbanistes. Pendant dix mois, ils vont intégrer l’une des six écoles de terrain du programme Design des territoires, créé par l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs avec une ambition : proposer, en lien avec les habitants, une animation des territoires par le design. Ces 35 étudiants se sont rencontrés mardi 10 septembre avant une rentrée en six temps sur chacun des sites.
Une première expérimentation avait été menée dès 2018 à Nontron dans le Périgord Vert (Nouvelle Aquitaine) sur les mondes ruraux. Le dispositif se déploie aujourd’hui à l’échelle nationale avec le soutien du ministère de la Culture puisque cinq autres écoles voient aujourd’hui le jour, chacune sur un territoire spécifique et représentatif d’un milieu de vie : le Livradois-Forez (Auvergne Rhône-Alpes) pour les mondes montagneux, la métropole parisienne pour les milieux urbains, le Pays de Bitche (Grand Est) pour les forêts, le Trégor (Bretagne) pour les littoraux et enfin l'île de La Réunion pour les mondes insulaires. « La présence de ces étudiants sur les territoires est importante, explique Noël Corbin, délégué général à la transmission aux territoires et à la démocratie culturelle du ministère de la Culture. Ils vont travailler avec des personnes qui ont des questions et, avec leur bagage extraordinaire, ils vont apporter une méthode, un savoir-faire, une vision culturelle et une capacité de créativité extrêmement intéressante. Il s’agit de regarder comment les habitants peuvent participer à la construction et à l’élaboration de politiques culturelles, de contribuer à la démocratie en somme. »
Enjeux politique, écologique et pédagogique
Pendant dix mois, ces six groupes de cinq à huit étudiants vont arpenter leurs territoires au cours d’une formation qui sera à la fois résidence (avec l’accueil de ces praticiens), bureau d’études (pour répondre de manière pragmatique aux problématiques rencontrées), laboratoire (pour proposer des expérimentations) et pépinière (permettant de faire émerger des projets). « Design des territoires est une réponse de l’enseignement supérieur et de la jeunesse à la fracture territoriale et à la crise de représentation politique, résume Emmanuel Tibloux, directeur de des Arts Décoratifs. Il n’était pas possible qu’une école comme les Arts décoratifs n’imagine pas, à son échelle, une façon de répondre à ces enjeux. » Les promotions sont composées de praticiens fraîchement diplômés, âgés au maximum de 31 ans.
Design des territoires veut ainsi répondre, par le design et la création, à des enjeux à la fois politiques, écologiques avec une relation très étroite aux territoires et à leurs ressources, mais aussi pédagogique. « Nous avons l’ambition de réinventer, d’expérimenter un autre modèle d’école basé sur le terrain, le « faire ». On doit pouvoir penser la formation dans une relation très étroite aux questions de la réalité sociale, politique et écologique », souligne Emmanuel Tibloux. Les étudiants seront amenés à rencontrer de nombreux interlocuteurs – habitants, élus, associations… - avant de tracer des premières pistes et d’élaborer des prototypes.
Habitat, tourisme, mobilité, santé parmi les thèmes abordés
Parmi les cinq nouvelles écoles du dispositif, celle des mondes forestiers, dans le Pays de Bitche situé au cœur du Parc naturel régional des Vosges du Nord, à quelques encablures de la frontière franco-allemande. « C’est une « île » qui a quelque chose d’hostile : il est difficile d’y accéder, elle est isolée et souffre d’un manque de notoriété mais c’est un pays de sources et de ressources », décrit Nicolas Verschaeve, encadrant pédagogique pour ce territoire. Cette première promotion vosgienne aura pour projet de travailler sur les questions d’habitabilité, de cohabitation entre la production et la préservation par la redynamisation de la filière bois et de mise en tourisme de la région. Six étudiants – un architecte, deux paysagistes et trois designers – vont s’y atteler. « J’avais envie de travailler sur du plus long terme en investissant un territoire pendant un an pour confronter les méthodologies et les savoir-faire », confie la designeuse Alice Roux.
Le programme se déploie également dans les territoires d’outre-mer, plus précisément au sud de l’île de La Réunion, où la transmission orale est encore très présente et où la langue créole constitue une part importante de l’identité locale. Encadrés par Yannick Aly-Béril et la designeuse Johanna Grégoire, les étudiants se questionneront sur la mobilité, le coût de la vie, la santé et l’environnement. Ils seront accueillis dans deux villes différentes : Sainte-Rose en milieu rural, et Le Tampon, l’une des plus grosses villes de La Réunion. Les rentrées de ces 35 étudiants s’échelonneront jusqu’au mois d’octobre.
Nontron, premier territoire d’expérimentation
C’est à Nontron qu’a été lancée en 2018 la première expérimentation de ce programme Design des territoires. Depuis, trois promotions ont travaillé sur des thématiques comme le vieillissement en milieu rural, l’usage de l’eau ou la question du genre. Le dernier groupe d’étudiants en date a multiplié les projets à différentes échelles et temporalités. Ils ont ainsi lancé la Loco, implantée dans l’ancienne gare de Nontron, sur une ancienne friche ferroviaire. Les praticiens vont accompagner la commune pendant plusieurs années pour imaginer le futur du site avec la conception d’objets et une programmation avec les associations locales. Ces initiatives sur du plus long terme ont conduit les étudiants à créer un collectif, La Mitoyenne, afin de pérenniser leur implantation sur le territoire.
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