C’était il y a tout juste 30 ans : l’adoption de la loi Toubon, texte fondateur qui protège le droit de nos concitoyens à s’exprimer et à recevoir une information dans leur langue au quotidien. Incarnant pleinement l’article 2 de la Constitution, affirmant que « la langue de la République est le français », elle sécurise en droit un accès égal à des informations dans la langue de Molière dans tous les pans de la vie quotidienne : l’enseignement, le travail, les relations avec les services publics, les médias, etc. « Il est intéressant de se demander où en serait l’usage du français si cette loi n’existait pas, en comparant les pays qui ont un cadre législatif comme la France et ceux qui n’en ont pas comme la Suisse ou la Belgique, expliquait Jacques Toubon, ancien ministre de la Culture. L’écart est énorme. Cela reflète une singularité française : la langue fait partie du débat public et à ce titre, elle fait l’objet d’une politique publique. »
Et plus que jamais la langue française est au carrefour de multiples enjeux. À n’en pas douter, les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris saluent la langue française, pour nos concitoyens et les francophones du monde entier, et accueillent toutes les langues dans leur diversité. Il suffit, pour s’en convaincre, de se souvenir que les valeurs de l’Olympisme suivent le rêve d’une humanité réconciliée. Ce rêve, qui prit forme à Athènes en 1896, fait honneur au français, puisque c’est dans cette langue que Pierre de Coubertin l’exprima et qu’il en convainquit ses partenaires de toutes les nations.
Par ailleurs, la maîtrise de la langue est, pour chacun d’entre nous, individus et collectifs, fondamentale. De l’expression orale et écrite dépend notre place dans la société, notre rapport au travail, notre capacité à comprendre nos droits, nos devoirs… Ici, l’illettrisme est le fléau qu’il faut combattre.
Enfin, la promotion du français et de la francophonie dans le monde demeure un objectif fondamental pour lequel il convient de développer une stratégie ambitieuse. Avec plus de 320 millions de locuteurs dans le monde, le français est une langue sans frontière. Dans cette perspective, l’État et le ministère de la Culture soutiennent un ensemble d’actions répondant aux politiques publiques menées en faveur de la langue française, comme la Semaine de la langue française et de la francophonie, organisée chaque année, et une institution comme la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, qui recevra en octobre prochain le Sommet de la francophonie.
En mars dernier, le ministère de la Culture publiait l’édition 2024 de son Rapport au Parlement sur la langue française. Ce texte dresse un nouveau portrait des politiques publiques menées en faveur de la langue française et du plurilinguisme, à la lumière notamment des nouvelles perspectives qu’ouvre l’innovation numérique. Retour sur quelques actions clés avec Paul de Sinety, délégué général à la langue française et aux langues de France.
Pourquoi un nouveau Rapport au Parlement sur la langue française ?
Le but de ce document est d’informer et de sensibiliser. La langue française, en effet, est l’affaire de tous (élus, administrations, organismes publics, associations, experts et grand public). A l’évidence, elle joue un rôle majeur dans notre société (c’est l’outil indispensable pour s’instruire, se former à une technique, connaître ses droits et ses devoirs, les faire valoir, entreprendre, expliquer, convaincre, trouver un emploi, rencontrer l’autre…).
Avec ses nouvelles données le rapport poursuit et enrichit à plus d’un titre cette double fonction d’informer et de sensibiliser. Ces analyses, accompagnées de témoignages d’experts, en effet, affinent notre connaissance de la situation de la langue française, en France et dans le monde. Ils permettent aussi de mesurer les avancées réalisées par nos politiques publiques.
Quelles ont été les moments marquants de 2023 ?
A l’évidence, l’inauguration de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts par le Président de la République, le 30 octobre a été un grand moment. Incarnation de notre politique de la langue renouvelée, la Cité accueillera notamment, dans le champ de l’innovation technologique, deux projets phares : un centre européen de référence pour les technologies des langues (ALT-EDIC) et sa composante nationale, le projet LANGU:IA.
Signalons aussi la préparation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Vous savez que la langue française a été, de 1896 à 1972, l’unique langue officielle de cet événement mondial créé par Pierre de Coubertin. C’est une langue ancrée dans le sport depuis fort longtemps, comme en escrime, exemple notable. En nous appuyant sur la loi Toubon et sur le « Plan Héritage » auquel participe le ministère de la Culture, nous avons fait valoir le soin particulier que les Jeux Olympiques de Paris devront prendre pour promouvoir l’usage de sa première langue officielle.
Quels sont les grands enjeux pour la langue française ?
Tout d’abord, amplifier la mobilisation interministérielle pour appuyer la mise en œuvre de la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite Loi Toubon.
Signalons ici que la Commission d’enrichissement de la langue française (CELF), qui a fêté son cinquantième anniversaire le 21 mars 2023, a poursuivi ses travaux, afin que notre langue continue d’exprimer toutes les réalités du monde contemporain. En 2023, 300 nouveaux termes ont été publiés au Journal Officiel et ont rejoint la base de données FranceTerme !
Autre enjeu majeur, le numérique. L’avenir de la langue française, de la francophonie et du multilinguisme, ainsi que notre souveraineté linguistique et culturelle, en dépendent. La France entend jouer un rôle moteur en ce domaine. La mission lancée avec nos amis québécois pour une découvrabilité en ligne des contenus scientifiques francophones en est une illustration.
Ensuite, l’inclusion : avec 2,5 millions de Français en situation d’illettrisme, la maîtrise de la langue française est une priorité que m’a confirmée la ministre de la Culture. Les efforts menés à ce titre ne se sont pas relâchés, notamment via le programme annuel « Action culturelle et langue française » déployé par le ministère de la Culture. La signature de nouveaux pactes linguistiques État-collectivités territoriales a aussi permis de renforcer les coopérations à l’échelon local : la Seine-Saint-Denis et la Réunion ont rejoint ce dispositif en 2023.
Rappelons, à ce titre, que la promotion des langues régionales est aussi un facteur d’inclusion. Les travaux engagés par le Conseil national des langues et cultures régionales, présidé par la ministre de la Culture, y ont participé, avec la préfiguration d’un portail numérique « Langues en France ». Il sera un point d’accès unique vers l’ensemble des données disponibles sur les langues parlées en France.
Et la sensibilisation de la jeunesse à ces enjeux, n’est-elle pas aussi essentielle ?
Oui, c’est un axe fondamental. C’est pourquoi, du côté de la jeunesse, nous sommes heureux du franc succès de l’opération « Dis-moi dix mots » (20.000 participations, près de 100.000 personnes touchées sur les territoires et à travers le monde). La Semaine de la langue française et de la francophonie est chaque année une occasion formidable de rassembler les jeunes publics autour de notre langue.
Quelles sont les perspectives pour l’année 2024 ?
Dans la poursuite de cette dynamique, l’année 2024 sera l’occasion de célébrer la langue française autour de trois rendez-vous majeurs :
- Les Jeux Olympiques et Paralympiques qui se dérouleront en France cet été, au cours desquels la langue française comme le plurilinguisme seront mis à l’honneur autour de l’objectif « Dire et vivre les Jeux en français et en d’autres langues ».
- Le XIXe Sommet de la Francophonie qui se tiendra les 4 et 5 octobre 2024 à Villers-Cotterêts et à Paris pour « Créer, innover, entreprendre en français ». Nous contribuerons plus particulièrement au volet du numérique francophone.
- Nous fêterons aussi les 30 ans de la loi Toubon, texte majeur pour notre cohésion sociale, l’occasion de mesurer son impact ces dernières années . Faut-il faire évoluer le cadre légal ? C’est un sujet dont les parlementaires pourraient se saisir.
Enfin, nous engageons un travail de fond pour rassembler et accompagner les acteurs culturels qui œuvrent dans nos territoires pour une meilleure maîtrise de la langue française chez les publics en situation d’insécurité linguistique généralement éloignés de l’offre culturelle.
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