« Le 18 décembre 1994, à deux pas de chez nous, il nous est arrivé l’inimaginable. » Rétrospectivement, c’est ce que se sont dit Jean-Marie Chauvet, Éliette Brunel et Christian Hillaire, les trois spéléologues qui ont découvert, en un beau dimanche de décembre, la grotte ornée du Pont d’Arc à Vallon Pont d’Arc en Ardèche (Auvergne-Rhône-Alpes). Ils exploraient un courant d’air repéré dans les falaises des Gorges de l’Ardèche et ont dégagé un étroit couloir de roche pour accéder à un site de 8 500 m2. Onze jours plus tard, ils y retournent, accompagnés du spécialiste de l’art des cavernes Jean Clottes, qui authentifie le lieu comme étant la plus impressionnante grotte ornée du monde avec son millier de dessins et d’ossements. Il s’agit du plus ancien chef d’œuvre de l’humanité connu à ce jour, datant de 36 000 ans, soit 18 000 de plus que Lascaux.
Depuis trente ans, ce patrimoine de l’art pariétal d’une richesse inestimable, qui a pris le nom de l’un de ses découvreurs pour devenir la Grotte Chauvet, est protégé en France et a été inscrit, en juin 2014, sur la Liste du patrimoine mondial de l'Unesco. La grotte n’a jamais été ouverte au public et une réplique de la cavité permet au public depuis 2015 d’en découvrir les trésors. Retour sur trois décennies de découverte, de recherche et d’explication de ce site hors du commun.
Un chef d’œuvre de l’art pariétal
À la lueur de leurs lampes de poche, les trois spéléologues découvrent sur les parois de la grotte des milliers de dessins et de gravures d’animaux préhistoriques - en tout près de 1 000 dont 425 figures animales. Au-delà de la quantité, c’est la qualité de ces dessins qui font la renommée de la grotte. En tout, ce sont 14 espèces différentes qui sont représentées, dont certaines inédites dans l’art pariétal paléolithique comme la panthère ou le hibou, et des animaux tels que l’ours des cavernes, le rhinocéros laineux, des mammouths ou des félins.
Ces dessins se distinguent également par leur exceptionnelle technicité avec des procédés très bien maîtrisés comme le raclage, la gravure à la pierre ou au doigt, la peinture par soufflage de pigments ou par apposition de la paume des mains ou au pinceau, le dessin au charbon de bois ou à l’ocre rouge ou encore l’estompe. Ils sont exceptionnels enfin par leur recherche de la profondeur et de la perspective et la narration des scènes représentées avec la superposition d’images qui évoquent le rythme ou le mouvement.
Une réplique pour conserver l’original
Une fois ce chef-d’œuvre découvert, comment le protéger ? Face à l’ancienneté, la qualité de sa conservation et la richesse et l’abondance de ses représentations artistiques, décision est prise de ne jamais ouvrir la grotte au public pour garantir des conditions de conservation optimales. Pour néanmoins partager les trésors de Chauvet, une réplique est envisagée au début des années 2000 : la Grotte Chauvet2. En 2000, l’essentiel des mesures ayant été mises en place sous l’égide de la Direction Régionale des Affaires Culturelles Auvergne-Rhône-Alpes , le ministère de la Culture crée le service de la conservation de la grotte Chauvet afin de poursuivre la vérification et la préservation de l’équilibre interne.
Il aura fallu cinq ans d’études, trente mois de chantier et le travail de scientifiques, d’architectes, de scénographes, de techniciens, d’artisans mais aussi d’artistes et de plasticiens pour mener à bien ce projet de réplique de 3 000 m2 au sol, soit deux fois et demie plus petite que l’originale. Un nuage de points a été enregistré pour reproduire la surface de la grotte originelle. Puis 6 000 photos numériques ont été prises puis superposées sur les parois pour restituer au millimètre près les peintures et gravures, traitées à l’échelle 1. Enfin la grotte a été construite avec 130 kilomètres de tiges d’acier façonnées à la main, 8 200 m² de décors sculptés et 27 panneaux pariétaux soit 250 m² de parois ornées. Enfin 300 m² d’éléments géologiques et 550 ossements d’animaux ont été fabriqués. La Grotte Chauvet2 ouvrira ses portes en 2015 et accueillera, dès sa première année, près de 600 000 visiteurs.
Un parcours de visite pour tous
Le site propose de plonger dans la vie des hommes et des femmes du Paléolithique telle qu’elle était il y a 36 000 ans. Ainsi est née la Galerie de l’Aurignacien, le centre d’interprétation de la Grotte Chauvet 2, un espace complémentaire à la visite de la réplique. Sur 650 m2, elle a été conçue comme un musée interactif et immersif sur la période du Paléolithique présentant les animaux présents à cette époque et le mode de vie des Aurignaciens qui ont orné les parois de cette grotte. Une salle de 500 m2 propose des expositions et des spectacles.
Ce site, inscrit dans un grand parc boisé de 29 hectares, veut mettre l’histoire à la portée de tous, et notamment les scolaires, qui peuvent bénéficier de contenus pédagogiques et d’activités dans la grotte, d’expositions et d’ateliers ou des publics empêchés avec des solutions proposées aux personnes en situation de handicap moteur, mental et psychique, auditif et visuel. Un dispositif de médiation indispensable pour tous ceux qui souhaitent mieux comprendre la place de l’art il y a 36 000 ans.
Un parcours nocturne pour fêter les trente ans de la Grotte Chauvet
Ce 18 décembre marque l’anniversaire des trente ans de la découverte de la Grotte Chauvet. Pour l’occasion, le site organise toute une série d’animations (expositions, ateliers, initiations, projections…). Dès 15 heures, la galerie de l’Aurignacien sera en visite libre et en continu, tout comme le spectacle Animal à 360° qui propose de faire un voyage dans le temps, depuis l’art pariétal préhistorique jusqu’au street art.
Des ateliers sur le thème de la spéléologie sont également organisés comme Spéléo logik’ pour se mettre dans la peau de spéléologues pour résoudre des énigmes, l’exposition « La spéléologie, une activité à multiples facettes » et le Spéléotruck, une grotte mobile pour une exploration atypique. Enfin des démonstrations de spéléologie verticale sont prévues avec remontées sur corde et projections de vidéos.
La journée se clôturera avec « Les Nocturnes de Chauvet » un parcours lumineux et sonore sur les bâtiments et dans le parc autour d’une histoire qui remonte jusqu’aux mythes des origines. De nombreuses installations ludiques, spectaculaires, poétiques et musicales seront présentes au hasard des sentiers.
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