Qu’il s'agisse de Centres d’art, de salles de spectacle, de cinémas ou de galeries d’art, ils mènent depuis plusieurs années un remarquable travail dans des zones éloignées de l’offre culturelle en faisant preuve d’imagination et de talent, mais aussi d’audace et d’entêtement.
Pour saluer leur engagement et leur donner un nouveau souffle, le ministère de la Culture leur a attribué récemment les appellations « Scène conventionnée d’intérêt national » et « Centre d’art contemporain d’intérêt national », qui reconnaissent leur rôle majeur dans le maillage et l’aménagement culturel des territoires.
De la Galerie Duchamp à Yvetot (Seine-Maritime) au Théâtre et cinéma de Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), et de 3bis f, le centre d'art contemporain d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) à La Machinerie d'Homécourt (Meurthe-et-Moselle), nous nous penchons sur quatre de ces lieux récemment labellisés qui jouent un rôle essentiel pour assurer la présence des artistes sur les terrains les plus variés, pour les accompagner auprès des publics et soutenir leurs créations.
Ile-de-France : A Rosny-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), une salle explore la relation intense entre musique et cinéma
Inauguré en octobre 2009, et situé en centre-ville, le Théâtre et Cinéma Georges-Simenon abrite une salle unique, tantôt spectacle, tantôt cinéma d’art et d’essai, dirigée depuis 2016 par Stéphane Moquet.
« J’ai tout de suite cherché, nous dit-il, à harmoniser notre double activité : un cinéma d’art et d’essai et un théâtre. C’est notre parti pris d’explorer la relation de la musique et de l’image qui a donné cette identité forte au lieu. Un projet enthousiasmant : inviter des musiciens inspirés par les musiques de film, et des metteurs en scène fascinés par l’univers du cinéma.
« Ces artistes révolutionnent la lecture d’un film, en passant à de véritables ciné-spectacles : « méta cinéma », « ciné-mix » (mixé par un DJ), « ciné-bal », une ébullition de nouvelles formes vivantes auxquelles il est important que le ministère de la Culture montre tout son intérêt. Invités en résidences « d’implantation », les artistes travaillent leurs créations, rencontrent nos publics et participent au festival Silence, vitrine de nos productions et de notre programmation tout public.
« Avec le soutien de la ville de Rosny, ceux du département et de la région, l’appellation « scène conventionnée d’intérêt national » nous apporte des moyens supplémentaires, une caution et une reconnaissance qui nous permettent d’implanter ce projet, encore jeune, à Rosny, et dans ses environs. Par ailleurs, le label dynamise le milieu « musique et cinéma ». Nous espérons ainsi faire exemple et enrichir un réseau d’échanges et de circulation des créations. »
Un bel univers de créativité à défricher, favoriser, épanouir, sans aucun doute !
Normandie : Audace et irrévérence à la galerie Duchamp, à Yvetot (Seine-Maritime)
« Au-delà d’une reconnaissance du travail accompli et de l’engagement, notamment, de la ville d’Yvetot (qui a créé le Centre d’art « Galerie Duchamp » en 1991), le ministère de la Culture renforce avec nous, par la labellisation, un dialogue constant et essentiel. Il nous donne des objectifs clairs, des outils de travail et nous ouvre un réseau de grandes institutions nationales. Tout cela dans un esprit qui nous encourage à faire preuve, plus que jamais, d’audace ! »
Pour Alexandre Mare, directeur de la Galerie Duchamp, mettre sous le signe de Marcel Duchamp (et de sa famille) la valorisation de l’art contemporain en milieu rural, c’est, judicieusement, « penser le soutien aux créations d’artistes émergents, et concevoir une programmation culturelle et éducative, sans omettre de jouer la carte de l’irrévérence. Inventer des formes innovantes, se mettre en position de regardeurs plutôt que de spectateurs, se jouer des hiérarchisations, et faire preuve d’humour.
« L’art est un jeu entre tous les hommes de toutes les époques, écrivait Marcel Duchamp, ce qui nous invite à expérimenter toutes les transversalités. Notre projet s’intitule Duchamp, du large… qui sied bien à notre Pays de Caux, fait de falaises crayeuses, de silex, d’eau, de culture agricole, d’élevage, de coutumes paysannes et d’arts populaires aux côtés de technologies de pointe, liées à la production de lin, mais aussi à la petite et grande industrie comme au commerce maritime... Autant de ressources singulières pour un centre d’art et les artistes de notre réseau ! »
Lorraine : la Machinerie 54 d’Homécourt (Meurthe-et-Moselle), un lieu de création au cœur d’un territoire riche de son histoire industrielle et minière
Nouvelle communauté de communes partenaire (« Orne Lorraine Confluences ») depuis 2017 (50 000 habitants, 41 communes, 3 pôles urbains), et fusion, depuis 2020, de deux structures anciennes, avec plusieurs sites en gestion directe (dont le Centre culturel Pablo Picasso à Homécourt, salle emblématique du Nord Lorraine, et La Menuiserie, ancienne menuiserie du carreau de la mine de Mancieulles, transformée en outil de travail exceptionnel pour les résidences de création), tel est le paysage où Philippe Cumer et son équipe de la Machinerie 54 viennent d’inscrire l’épopée de leur nouvelle scène, justement saluée par l’attribution, en novembre dernier, de l’appellation scène conventionnée d’intérêt national, mention « art et création », « à forte couleur jeunesse », précise le directeur.
De nombreux spectacles et résidences dans et hors les murs, et des expériences innovantes qui s'annoncent. Par exemple : « Communes #3, explique Philippe Cumer, est un concept inventé par la compositrice Patricia Dallio. Pendant deux ans, avec son trio de musiciens, elle s’installe à six reprises dans un village de 650 habitants nommé Friauville, pour des séjours d’une semaine. Là, elle mène des ateliers de création artistique, mais elle participe aussi aux travaux de la commune. De quoi tisser des liens directs irremplaçables, qui conduisent à des formes performatives données lors de manifestations organisées par les habitants. »
Autre événement : La journée folle, un projet conçu autour des Folles d’enfer de la Salpetrière. « Une journée de déambulations immersives conçues par notre partenaire, la compagnie du Jarnisy, qui se tient dans l’espace Saint-Pierremont, une ancienne salle des fêtes Art Déco, pourvue de galeries, de halls, et d’un grand parquet où un bal participatif vient clore cette journée festive. »
Provence-Alpes-Côte d’Azur : A Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), le 3bis f, centre d’art contemporain, ouvre le pavillon psychiatrique sur la cité
Au cœur de l’hôpital psychiatrique Montperrin se trouvait encore, en 1983, dans un cadre architectural et végétal d’exception, proche du centre-ville d’Aix-en-Provence, ni plus ni moins qu’un pavillon de force « pour femmes agitées », le « 3bis f » (f pour femmes). Il y aura quarante ans, en 2023, qu’une initiative citoyenne exemplaire, associant culture et santé, donnait un tout autre esprit à ce pavillon, en mobilisant la création contemporaine, l’ouverture sur la cité et l’humanisation du soin.
« Aujourd’hui, nous explique Diane Pigeau, directrice artistique du 3 bis f, le centre adresse l’ensemble de ses propositions, de manière indistincte, à toute personne désireuse de rencontrer artistes et créations contemporaines. Dans des séances de pratiques collectives partagées, dites « sessions », tout le monde est invité à prendre et à donner de son temps, de son savoir-faire, de ses connaissances autour de la création. Ces moments assurent la continuité du lien social autant qu’ils déconstruisent les représentations ordinaires de la « folie ».
« Favoriser la porosité entre les genres, interroger les normes, encourager la pluridisciplinarité autant que « l’indisciplinarité » sont des composantes fortes du projet artistique. À travers son programme de résidences, les artistes participent ainsi, aux côtés d’une équipe dédiée, à une dynamique et une volonté commune de décloisonner les arts et les pratiques. Le label du ministère de la Culture consolide ainsi les engagements du centre d’art dans une démarche prospective, et dans toutes ses dimensions. »
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