Plus de 10 000 km de côtes et onze millions de km2 répartis dans les eaux sous juridiction française. Des chiffres vertigineux qui rendent bien compte de l’ampleur de la tâche du Drassm (Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines) : recenser l’ensemble des découvertes et des biens culturels maritimes, étudier, protéger et assurer la conservation du patrimoine immergé de toutes époques. « Pendant très longtemps, nous avons beaucoup travaillé autour de la mer Méditerranée car c’est une région historique où l’eau est plus chaude et plus claire donc plus propice à la plongée, souligne Nathalie Huet, chargée de la conservation préventive et gestion des biens culturels maritimes. Mais la Bretagne se développe beaucoup car c’est une zone à écueil où il y a eu beaucoup de naufrages et donc d’épaves. » Le Drassm est également compétent pour fouiller les épaves françaises partout dans le monde, ce qui étend encore un peu plus son périmètre d’action.
Implanté à Marseille, ce service à compétence nationale est placé sous l’autorité de la direction générale des patrimoines du ministère de la Culture. Créé en 1966 sous l’égide d’André Malraux, il intervient depuis plus de cinquante ans lors des opérations archéologiques. « Notre expertise s’étend jusqu’à mille mètres de profondeur. Nous agissons avec des professionnels mais aussi beaucoup de passionnés et de bénévoles sur le terrain », explique Nathalie Huet. Comme sur terre, l’archéologie préventive concerne les fonds des mers où les vestiges archéologiques peuvent être menacés lors de travaux d'aménagements. Grace à la carte archéologique et aux robots de détection dernière génération, le Drassm est capable de cibler les potentielles vestiges, et de procéder si nécessaire à des sondages voire même à des fouilles qui permettront de conserver la mémoire et l’histoire.
Il est également chargé de conserver et valoriser tous les biens culturels maritimes trouvés lors des opérations, soit des dizaines de milliers d’objets entreposés dans une vingtaine de dépôts archéologiques en métropole et en outre-mer, au plus près des lieux de découverte. « Il faut savoir que 95 % des objets trouvés le sont dans un état remarquable, souligne Nathalie Huet. Mais on pense toujours au fait que ces objets peuvent peut-être être revus par d’autre personnes dans trente ans donc on les emballe comme si personne n’allait les regarder d’ici là. » Le Drassm fait même le choix de sanctuariser certains lieux et de ne pas aller les fouiller s’il n’a pas les moyens techniques de les conserver par la suite. Collectés, ces objets peuvent ensuite partir dans les musées où le département s’assure que toutes les conditions sont réunies pour une conservation optimale. Enfin il joue un rôle important dans la recherche scientifique et participe chaque année à la formation des archéologues et des plongeurs qui conduiront les fouilles.
Pour opérer, le département peut compter sur une flotte de pointe, à commencer par ses deux bateaux de recherche : l’André-Malraux, en Atlantique et l’Alfred-Merlin, en Méditerranée. Ce dernier, flambant neuf, possède tout l’équipement pour traverser les océans et a pour ambition de mener des opérations à l’étranger pour des missions d’expertise sur l’archéologie sous-marine. « Le Drassm a été l’un des premiers services de l’État sur l’archéologie sous-marine, résume Lila Reboul, également chargée de la conservation préventive et gestion des biens culturels maritimes. Nous avons donc développé un certain savoir-faire reconnu au niveau mondial et avec un rayonnement assez fort. »
Limiter l'impact du réchauffement climatique
Toutes ces missions se retrouvent impactées aujourd’hui par le réchauffement climatique et l’érosion causée par la mer. Le Drassm a mis en place plusieurs plans destinés à limiter cet impact et à réfléchir pour l’avenir. Les projets ALeRT (en Bretagne) et Aloa (dans les Caraïbes) visent à mieux connaître ce littoral en danger avec la mise en place d’une cartographie des sites à risque pour mieux évaluer leur vulnérabilité. Les chercheurs du Drassm réfléchissent également à la problématique de la pollution et de la pêche maritime. « Les épaves sont des lieux excellents pour la biodiversité, rappelle Nathalie Huet. Or il n’y en a pas une seule où il n’y a pas de filets de pêche. » Sur certaines, des solutions plus durables de conservation sont mises en place, comme l’installation de sacs de jute, non polluants et qui facilitent également la sédimentation.
Autre facteur de disparition de cette biodiversité, la corrosion sur les épaves métalliques, qui intervient dès les premières minutes d’immersion. Le programme SOS débuté en 2019 et mené avec quatre partenaires, a pour objectif de préserver le patrimoine immergé métallique par des techniques permettant de réduire la vitesse de corrosion. « Certaines épaves peuvent s’effondrer et libérer des polluants en disparaissant », prévient Lila Reboul. Pour cela, les équipes ont recouvert les épaves de métaux moins nobles qui, en s’altérant, va former une nouvelle couche de corrosion qui protège l’ancienne. Des prélèvements sont faits tous les six mois pour mesurer les conséquences sur la qualité de l’eau et le développement de la biodiversité.
Pour les Journées européennes du Patrimoine, le Drassm retracera l’histoire du site d’Erquy dans les Côtes-d’Armor avec quelques outils et la reconstitution d’une maquette. En partenariat avec le musée d’Olonzac (Hérault), il présentera les résultats de la fouille d'une forêt mésolithique unique en Méditerranée située au large de Palavas.
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