« Patrimoine et éducation : apprendre pour la vie ! » : le thème de l’édition 2020 des Journées européennes du patrimoine (JEP) parle de lui-même. Le public pourra découvrir comme chaque année les lieux de pouvoir, des monuments emblématiques, des châteaux, des patrimoines ruraux, des sites industriels… mais aussi toutes sortes d'établissements scolaires et de lieux d'éducation.
La volonté de donner à voir cet exceptionnel patrimoine, qu'il soit installé sur des sites historiques ou qu'il présente une architecture remarquable, n’a nullement été entamée par la crise sanitaire. La preuve avec les écoles La Mache à Lyon, dont c’est la première participation aux JEP, la maison d’éducation de la Légion d’honneur à Saint-Denis et le rectorat de Poitiers. Immersion en avant-première.
L’école La Mache, à Lyon, mise à la fois sur la tradition et la modernité
Établissement de formation privé, l’école La Mache a aujourd’hui pour mission principale de former des cadres intermédiaires pour le secteur industriel. Son histoire commence en 1920 lorsque le Père La Mache se voit confier la création d’une école professionnelle et technologique. Les bâtiments construits entre 1934 et 1936 dans un style moderniste Art déco par l’architecte lyonnais Georges Curtelin se composent de deux bâtiments rectangulaires : le bâtiment principal et la chapelle.
« Nous avions conscience que le bâtiment historique avait une valeur architecturale mais c’est la première fois que nous participons aux Journées européennes du patrimoine, indique Bernard Murigneux, professeur d’histoire des arts, qui pilote les visites guidées organisées à l’occasion de ces journées. Deux éléments sont intervenus : d’une part, nous avons depuis huit ans une option facultative d’histoire des arts et la nécessité cette année de faire un projet dans ce cadre. D’autre part, nous fêtons le centenaire de la création du lycée ». Préparer les élèves de terminale qui feront les visites n’a pas été une mince affaire, reconnaît-il : « les Journées européennes du patrimoine arrivent tôt dans l’année scolaire et la situation sanitaire complique les choses ». Que le défi dans ces conditions ait pu être relevé est une vraie satisfaction : « Les élèves ont été formés pendant deux semaines et nous nous sommes fait conseiller par une formatrice issue du musée Gadagne, le musée historique de la ville de Lyon ».
L’image du bâtiment ? une image de modernité elle-même en phase avec la tradition d’innovation pédagogique de l’école
Que découvrira le public pendant ces visites ? « Nous allons insister sur le jeu entre la modernité et une forme de tradition. Le travail de Georges Curtelin, l’architecte qui a construit le bâtiment en 1936, est une traduction de l’esprit de l’église catholique dans une modernité stylistique côté Art Déco et une modernité fonctionnelle du point de vue des espaces du bâtiment. On remarque en effet quelques influences du Bauhaus par le jeu des volumes, l’assemblage des volumes géométriques ou encore la grande surface vitrée ». Par chance, des cartes postales montrant la modernité du bâtiment et de l’école, ont été éditées au moment de la construction. « Nous les avons scannées et fait imprimer sur support rigide en grand format. 22 d’entre elles seront installées à divers endroits du lycée en vis à vis des lieux qu’elles montrent ». Qui plus est, l’école est entourée au nord et au sud par des bâtiments construits par Tony Garnier, architecte emblématique de Lyon. Georges Curtelin a d’ailleurs été sont élève.
Sans attendre les 19 et 20 septembre, Bernard Murigneux a d’ores et déjà de nombreuses raisons de se réjouir : « Cette ouverture lors des Journées européennes du patrimoine est d’un grand intérêt du point de vue de l’ensemble de la communauté éducative. En faisant la promotion du caractère historique de son architecture, elle renforce l’image du bâtiment, une image de modernité elle-même en phase avec la tradition d’innovation pédagogique de l’école. Par ailleurs, cette ouverture est en train de déclencher une vraie dynamique : nous avons fait un site wikipédia, nous avons le projet d’organiser une rencontre entre les élèves et le fils de Georges Curtelin qui a participé à divers agrandissements et modifications du lycée, et un parent d’élève spécialiste de l’architecture du XXe siècle à Lyon vient de nous signaler le nom du ferronnier qui a fait les garde-corps très marqués par le modernisme de l’Art Déco… »
La maison d’éducation de la Légion d’honneur de Saint-Denis ouvre son prestigieux cadre historique
Créées par Napoléon en 1805, les maisons d’éducation de la Légion d’honneur accueillent les descendantes des récipendiaires des trois plus hautes distinctions françaises (Légion d’honneur, médaille militaire et ordre national du mérite). Celle de Saint-Denis scolarise en internat plus de 400 lycéennes et 70 étudiantes en classes préparatoires littéraires et BTS de commerce international. Située aux portes de Paris dans l’enceinte d’un parc de 16 hectares, la maison d’éducation est abritée dans l’ancienne abbaye royale de Saint-Denis.
« Nous ouvrons nos portes tous les ans dans le cadre des Journées européennes du patrimoine. Nous avons une convention avec l’Office du tourisme de la ville de la Saint-Denis qui organise toute l’année des visites de la maison d’éducation. Dans le cadre des Journées européennes du patrimoine, les visites du samedi, au nombre de trois, sont organisées par l’Office du tourisme, celles du dimanche, également au nombre de trois, par nos soins », indique Marie-France Lorente, surintendante de la maison d’éducation.
A la maison d'éducation de la Légion d'honneur, on a l’impression que rien ne bouge, alors que tout, en réalité, est toujours en perpétuel mouvement
« Jusqu’à aujourd’hui, nous avions en général un groupe d’une trentaine de personnes. Cette année, en raison de la situation sanitaire, ce nombre sera limité à vingt. Comme les années précédentes, des élèves des classes post-bac, habillées en costume d’époque, accompagneront les visiteurs à travers la visite des différentes pièces et répondront à leurs questions. Dans les maisons d’éducation, il y a deux aspects, l’aspect architectural et historique bien sûr, mais aussi l’aspect pédagogique. Lorsque les élèves sont présentes, les visiteurs sont en général très curieux de connaître les éléments d’organisation des études et de la vie à l’internat ».
Un rôle au demeurant gratifiant pour les élèves. « Les élèves sont très honorées de participer aux Journées européennes du patrimoine », confirme Marie-France Lorente, « Elles peuvent parler de ce qu’elles sont, de ce pourquoi elles sont venues, mais aussi expliquer ce qu’est la maison d’éducation aujourd’hui, au XXIe siècle ».
Ces visites sont toutes entières, ou presque, dédiées à l’abbaye royale de Saint-Denis. Elles commencent par la présentation de la cour d’honneur et des différents bâtiments qui la composent. « J’explique que la partie qui donne sur la cour d’honneur était l’aile royale ce qui me permet de souligner le lien avec la basilique royale. L’abbaye, dont une partie était réservée à la famille royale, faisait en effet partie d’un ensemble », indique Marie-France Lorente qui est aux avant-postes dans la conduite de ces visites. « J’essaye de combiner l’aspect historique et architectural avec la vie aujourd’hui. Depuis que ce lieu accueille la maison d’éducation, il a en effet connu de nombreuses transformations. Quand nous arrivons dans la partie arrière de l’abbaye, je désigne les différents bâtiments qui composent le site, en précisant ce qu’ils étaient à un moment donné, ce qu’ils sont aujourd’hui, et ce qu’ils peuvent devenir. J’ai coutume de dire que dans cette maison où on a l’impression que rien ne bouge, tout, en réalité, est toujours en perpétuel mouvement ».
Un site historique pour le rectorat de Poitiers
Situé dans le quartier historique de Montierneuf, le site du rectorat, qui accueille des visiteurs dans le cadre des Journées européennes du patrimoine depuis 2013, est un cas typique de succession d’établissements différents sur un même lieu. « Chaque époque, dans une fonction différente – religieuse au Moyen-Age, militaire de 1787 à 1945, d'enseignement et d’administration de l'Education nationale depuis 1947 – a marqué cet ensemble », précise Laurent Marien, Inspecteur d'Académie, coordonnateur académique du Pôle Civisme et Citoyenneté. Les élèves de première BAC pro accueil du lycée professionnel du Dolmen de Poitiers avec l’aide du Pôle civisme et citoyenneté assureront cette année les visites. « L'ambition est de promouvoir l'éducation au patrimoine et de faire en sorte que nos élèves connaissent mieux leur territoire. Elle est aussi de les responsabiliser sur nos héritages et notre environnement. Le patrimoine touche à la culture et à l'identité, c'est donc un dossier important pour l'école, d'autant que si le patrimoine est un objet d'enseignement, il est aussi possible d'enseigner avec le patrimoine dans de nombreux domaines : histoire, géographie, enseignement moral et civique, philosophie, lettres... ».
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