Événements culturels en abondance, mais aussi environnement, égalité hommes-femmes, innovation et, bien sûr, Europe… Le menu de la Saison croisée France-Portugal, qui se tiendra dans les deux pays de février à octobre 2022, est à la fois généreux et exigeant.
Généreux, parce que la diversité de ses propositions culturelles et artistiques inédites est de nature à ravir un public avide de nouveautés. Exigeant, également, avec ses débats sur des sujets sociétaux pointus, qui vont ouvrir des perspectives inédites et de nouveaux horizons à un avenir que les deux pays imaginent en commun.
Mais c’est avant tout la profonde unité de la Saison que, derrière le foisonnement de la programmation culturelle, on peut lire en creux. Côté portugais comme côté français, ses concepteurs n’ont eu de cesse de tracer les contours d’une ambition commune, faite de correspondances et de complémentarités, mais aussi de contrepoints voire de dissonances.
Les deux commissaires, Manuela Júdice, côté portugais, et Victoire Bidegain di Rosa, côté français, reviennent sur les enjeux de cette Saison France-Portugal, qui a été présentée mardi 18 janvier en présence de Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, de Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, et de Clément Beaune, secrétaire d’État chargé des Affaires européennes.
La saison France-Portugal, qui sera l’occasion de célébrer l’amitié entre les deux pays, porte aussi une ambition européenne. Comment celle-ci se décline-t-elle dans la programmation ?
Manuela Júdice : Derrière la vitalité des échanges culturels auxquels donne lieu une saison croisée, il y a une indiscutable dimension politique. Ce n’est pas seulement la culture qui est en jeu mais la relation dans son ensemble. La saison France-Portugal 2022 se situe précisément entre les présidences de l’Union européenne des deux pays [la présidence française du Conseil de l’Union européenne se tient de janvier à juin 2022, la présidence portugaise de juillet à décembre 2022]. Elle sera l’occasion de fêter l’appartenance mais aussi les choix qu’ils font au niveau européen, notamment sur les questions environnementales, et en particulier celle de l’océan – il n’est pas indifférent de noter à cet égard que la France et le Portugal sont les deux seuls pays européens qui ont un ministère de la mer –, mais aussi de la parité, de l’égalité entre les hommes et les femmes ou de la jeunesse.
Victoire Bidegain di Rosa : Sur toutes ces questions, nous avons lancé des invitations à nos partenaires européens. L’ensemble des chercheurs du continent est ainsi convié aux deux premières journées du forum océan qui aura lieu à Paris du 2 au 4 mars, lequel aura une partie retour à Lisbonne plus tard dans la saison. Même chose pour le forum sur les femmes qui aura lieu les 9 et 10 mars à Angers et suivra le conseil informel des ministres de la Culture. Il est né de la volonté de commémorer un moment historique au Portugal, l’histoire des « Três Marias », ces trois femmes qui ont écrit Novas Cartas Portuguesas, considéré comme le premier manifeste féministe au Portugal. A l’époque, il a été censuré par Salazar, et les féministes françaises, à commencer par Delphine Seyrig, sont venues à la rescousse de leurs camarades. Il y aura également un retour en septembre à Lisbonne pour le 50e anniversaire. À Angers, l’idée est celle d’un partage des bonnes pratiques franco-portugaises en invitant les collègues européennes.
Quel regard voudriez-vous que l’on porte sur l’un et l’autre pays ?
Manuela Júdice : Il me semble que les regards que les Français portent sur le Portugal ont beaucoup changé ces dernières années. En revanche, j’ai l’impression qu’on ne connaît pas suffisamment la France au Portugal. La France, ce n’est pas seulement Paris où l’on vient en lune de miel. Nous voulons faire connaître aux portugais les artistes et les écrivains français, mais aussi les scientifiques, les chercheurs, la jeunesse française. Par ailleurs, il est rare de bénéficier d’une telle fenêtre pour exposer les artistes portugais en France. La Saison croisée est une chance inestimable de ce point de vue. L’opération crée un sens, une lecture d’ensemble. Je pense notamment à la belle exposition d’artistes femmes à Tours, à l’œuvre de Pedro Cabrita Reis spécialement conçue pour le musée du Louvre qui sera exposée aux Tuileries, ou encore à l’exposition de peintres portugais du début du XVIe siècle au Louvre.
Victoire Bidegain di Rosa : En effet, l’idée est de montrer chaque pays sous un aspect moins connu. C’est ainsi qu’on découvrira un Portugal résolument tourné vers le XXIe siècle, très en avance sur certains sujets, comme les énergies renouvelables. Côté français, nous voulons montrer la qualité des jeunes artistes et talents de l’Hexagone, l’excellence de nos scientifiques. L’ambition est aussi de créer des liens plus durables. C’est pourquoi nous avons tenu à lancer des projets collectifs.
La Saison croisée est une chance inestimable, elle crée du sens, une lecture d’ensemble
Peut-on parler de co-construction de la Saison ?
Victoire Bidegain di Rosa : Cette idée est capitale, nous prenons toutes les décisions à deux. Plutôt que de se projeter chacun vers l’autre, nous avons traité ensemble les sujets qui nous intéressaient, c’est vraiment l’esprit de la Saison. Il y a aussi la volonté d’être présent sur tous les territoires en France et de créer des liens entre les territoires français et portugais à travers les villes jumelées, la présence d’organismes scientifiques, les projets pédagogiques, les écoles d’art, les lieux de résidences.
Manuela Júdice : Et la volonté attenante d’avoir le plus possible une programmation croisée. On la retrouve dans tous les secteurs, la bande dessinée pour rester dans le domaine de la culture, mais aussi la gastronomie, l’environnement. Nous préparons ainsi une exposition pour le Louvre Lens à partir d’une exposition visible en ce moment à Lisbonne et qui fait suite à la désignation de Lisbonne en tant que capitale verte européenne l’année dernière. De façon symétrique, une exposition du Cent-Quatre, lieu culturel innovant à Paris, sur l’environnement sera présentée dans une ville proche de Lisbonne.
Victoire Bidegain di Rosa : On peut aussi citer le grand événement dans le domaine de l’économie que nous organiserons en octobre. Il mettra en relation dans les domaines de l’économie bleue et de l’économie verte les grands groupes qui nous soutiennent et les jeunes talents et innovateurs en France et au Portugal.
Quels seront les autres temps forts de la programmation culturelle ?
Manuela Júdice : Il y aura une grande exposition sur Gérard Fromanger à Lisbonne, la première depuis sa mort [en 2021]. La biennale d’art contemporain de Coïmbra aura un co-commissariat franco-portugais, on verra de l’art et des artistes français, portugais et européens dans toute la ville. Il y aura aussi une importante programmation de spectacles vivants français dans tous les grands théâtres portugais. On peut aussi citer la programmation autour d’Agnès Varda – cinéaste majeure mais aussi plasticienne de talent – à Porto, l’exposition à partir d’une sélection de la collection Antoine de Galbert au musée d’art et d’architecture et technologies de Lisbonne, ou encore la carte blanche donnée aux photographes français dans les galeries de Lisbonne.
Victoire Bidegain di Rosa : En France, à côté des événements patrimoniaux, les artistes vivants et la jeune génération seront mis à l’honneur. A côté de la grande exposition d’artistes femmes au centre Olivier Debré de Tours, Joana Vasconcelos sera exposée à la Chapelle de Vincennes. Le festival d’art urbain de Lisbonne Iminente sera invité à Marseille, Pedro Costa aura une carte blanche au Jeu de Paume. Dans le domaine du cinéma, le festival international du film de Marseille et le festival de la Rochelle disposeront d'une fenêtre sur le Portugal. Pendant l’été, la ville Tamaris accueillera entre autres la jeune génération de photographes portugais. Toulon Provence Méditerranée organise tout un programme sur le Portugal. Le festival international de géographie de Saint-Dié, les rendez-vous de l’histoire de Blois, et le festival d’histoire de l’art de Fontainebleau invitent le Portugal, les bibliothèques de Paris ont un programme spécial Portugal, on peut aussi citer des projets de résidences d’artistes entre les Açores et Brest, un projet de street art entre les villes de Porto, Nazaré, Cap Breton, et Bordeaux… Un véritable foisonnement, qui donne une idée de la diversité des projets !
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