« Khaled Dawwa, Omar Ibrahim, Mohammad Hijazi, Lina Aljijakli et Mahmoud Halabi, qui ont dû fuir la Syrie, Kubra Khademi, qui était condamnée à mort dans son Afghanistan natal pour une performance artistique… » Françoise Nyssen égrène les uns après les autres les noms des quinze artistes, originaires, outre la Syrie et l’Afghanistan, d’Iran, de République démocratique du Congo et du Soudan, dont les œuvres sont présentées dans les espaces d’exposition du ministère de la Culture, au Palais-Royal, dans le cadre des « Vitrines de l’atelier des artistes en exil ».
Une façon de connaître l’autre d’une rare intensité
Une présentation tout à la fois glaçante – par ce qu’elle laisse imaginer des circonstances, qui ont poussé les artistes à quitter leur pays – et heureuse, en ce qu’elle convoque le souvenir de l’inauguration de l'exposition quelques instants plus tôt. Une exposition en forme de petit miracle, que l’on doit à l’action de « l’atelier des artistes en exil », structure unique en France qui a pour mission d’identifier des artistes en exil de toutes origines et disciplines, de les accompagner dans leurs démarches administratives et de leur permettre de développer leur pratique artistique.
« La question politique a été centrale dans le choix des œuvres, explique Judith Depaule, co-commissaire de l’exposition avec Ariel Cypel. Nous avons choisi de préférence des artistes qui s’interrogent sur l’exil ou qui témoignent à travers leurs œuvres des raisons de leur exil, étant entendu qu’un artiste en exil ne parle pas nécessairement toujours de l’exil… En revanche, il est certain que cette situation a changé radicalement la façon de pratiquer leur art. Comme l’exposition est accueillie au ministère de la Culture, il nous semblait important d’envoyer un message fort sur la question des exilés ».
Peintures, sculptures, photos, vidéos, poèmes… les œuvres donnent à voir, individuellement et collectivement, une poignante évocation de l’exil
Une poignante évocation de l’exil
Peintures, sculptures, photos, vidéos, poèmes… les œuvres, dont la perception est rendue plus sensible encore par la présence de cartels présentant l’artiste et le contexte de création, donnent à voir, individuellement et collectivement, une poignante évocation de l’exil. Sur les photographies d’Abdul Saboor, des hommes accroupis tiennent d’une main un petit miroir, de l’autre un rasoir prêt à être appliqué sur leurs joues recouvertes de mousse, certains se lavent les dents, d’autres ont les yeux dans le vague ou des écouteurs dans les oreilles ; des inscriptions, telle « Food Not Bombs » apparaissent parfois au second plan derrière eux, et le contraste entre ces gestes du quotidien saisis dans leur simplicité et leur évidence et l’anormalité de la situation, n’en est que plus fort. « Je n’ai cessé de prendre des photos tout au long du trajet qui, depuis l’Afghanistan, m’a conduit en France, où je suis arrivé il y a maintenant trois mois, commente Abdul Saboor. Celles que l’on peut voir sur ce diaporama ont été prises à Belgrade dans un camp de réfugiés où je suis resté pendant un an. Il n’y avait pas de douche, pas de nourriture, les conditions de vie étaient effroyables, j’ai voulu documenter cette situation ».
L’œuvre de Hura Mirshekari – artiste iranienne installée en France avec son mari, Mehdi Yarmohammadi, sculpteur, dont le travail est également présenté – est un puissant cri de protestation contre les exécutions dont de nombreuses femmes sont victimes en Iran. « Merci de partager votre art, cela nous réveille et nous apprend ce qui se passe dans votre pays », lui lance Françoise Nyssen. La discussion s’engage. « Notre pays, l’Iran, connaît beaucoup de problèmes mais nous ne pouvons pas dire ce qui s’y passe ». « Ici, on peut », lui répond la ministre. « En offrant une place à des artistes en exil, dans les vitrines de ce ministère, nous ne faisons rien de plus que tirer le fil d’une longue tradition », conclut Françoise Nyssen qui forme le vœu qu’un public nombreux puisse découvrir l’exposition. « C’est un parcours d’enrichissements à tous égards, historique, géographique, une façon de connaître l’autre d’une rare intensité ».
"L’atelier des artistes en exil", une structure unique en France
L’atelier des artistes en exil (aa-e), structure unique en France, a pour mission d’identifier des artistes en exil de toutes origines, toutes disciplines confondues, de les accompagner au regard de leur situation et de leurs besoins artistiques et administratifs, de leur offrir des espaces de travail et de monstration professionnelle afin de leur offrir les moyens de se structurer et d’exercer leur pratique. Judith Depaule et Ariel Cypel, représentants de l’association aa-e, étaient présents ce jour au vernissage, aux côtés des artistes exposés, dont les œuvres explorent les tréfonds intimes des notions d’humanité et questionnent les principes fondamentaux du droit d’asile. « En offrant une place à des artistes en exil, dans les vitrines de ce ministère, nous ne faisons rien de plus que tirer le fil d’une longue tradition, a souligné Françoise Nyssen. La culture en France ne connaît pas de frontières ».
L’exposition « Les vitrines de l’atelier des artistes en exil », organisée avec l’association l’atelier des artistes en exil (aa-e), sera présentée jusqu’au 30 mars 2018 au ministère de la Culture, dans les galeries du Palais-Royal au 5 rue de Valois.
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