Après plus de deux ans de pandémie et près de trois cents jours de fermeture cumulés, l’heure est à la reconquête du public dans les salles de cinéma. Car depuis la réouverture des lieux culturels, en mai 2021, près d’un Français sur deux n’a pas retrouvé ses habitudes cinéphiliques et déclare être revenu moins souvent voire plus du tout au cinéma d’après une étude menée par le CNC parue en mai dernier.
Pour redonner au public le déclic et des habitudes de fréquentation, le Centre national du cinéma (CNC) s’associe avec les organisations professionnelles pour mener une grande campagne de communication sur le thème : « On a tous une bonne raison d’aller au cinéma ». Elle est lancée ce mercredi 26 octobre avec au programme un spot diffusé à la télévision et dans les salles obscures et un mot-dièse : #MaBonneRaison. Zoom sur cette initiative avec Richard Patry, président de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF), l’union de syndicats professionnels de propriétaires et exploitants de salles de cinéma.
Dans quel contexte de fréquentation des salles lancez-vous cette grande campagne de communication ?
Avec la crise sanitaire, les salles de cinéma ont fermé pendant trois cents jours au total sur plusieurs périodes, soit presque un an. Cette situation a amené nos concitoyens à moins fréquenter les lieux culturels et plus particulièrement les salles de cinéma. À son arrivée au ministère de la Culture, Rima Abdul Malak, était totalement consciente de la nécessité de relancer la machine.
Les difficultés sont – je le pense sincèrement – derrière nous. Tout d’abord parce que les mesures mises en place pendant cette pandémie par le gouvernement ont permis que toutes les salles rouvrent en France, ce qui est une exception mondiale. Nous avons donc su préserver l’outil de la salle de cinéma, notre modèle tel qu’on le connaît. Néanmoins, il est vrai que nous sommes dans une position de reconquête du public avec actuellement -30 % de spectateurs par rapport aux chiffres d’avant-covid.
Quel est donc l’objectif de cette campagne ?
Toucher les gens qui vont moins au cinéma. D’où l’idée que le ministère de la Culture, le CNC et les organisations professionnelles se mettent ensemble pour cette campagne qui va inciter nos concitoyens à refaire la démarche de retourner plus au cinéma. Nous sommes très confiants car nous voyons déjà bien des frémissements avec des dernières semaines très bonnes en termes de fréquentation et de diversité de films.
Nous sommes persuadés que la salle de cinéma est le meilleur lieu au monde pour voir un film conçu par des talents et pour vivre la même émotion que les autres spectateurs. C’est ça la magie du cinéma : être dans un lieu où l’on s’offre du temps pendant deux heures, une déconnexion dont on a tellement besoin dans ce contexte économique et social pas forcément radieux.
Cette campagne a un slogan : « On a tous une bonne raison d’aller au cinéma »…
Ce thème s’est imposé comme le plus porteur, les idées les plus simples étant souvent les meilleures. On a tous une bonne raison d’aller au cinéma et on ne va pas tous au cinéma pour les mêmes raisons ! Il est important de redonner le déclic, de chercher au fond de soi sa bonne raison, de la mettre en avant puis de sortir de chez soi pour se rendre dans le cinéma le plus proche puisque nous avons la chance d’avoir conservé un tissu exceptionnel de salles.
Nous sommes persuadés que quand les spectateurs vont retourner plus souvent au cinéma, ils vont se dire : “comment j’ai pu me passer d’y aller comme avant ?”. C’est en effet un loisir hyper addictif ! C’est pour cela que l’idée de cette campagne est intéressante car nous pensons qu’il y a besoin d’une impulsion pour réenclencher automatiquement la machine.
La salle de cinéma est le meilleur lieu au monde pour voir un film
Quel type de public souhaitez-vous ramener dans les salles ? D’après l’étude du CNC, les actifs et les séniors sont ceux qui sont le moins retournés au cinéma, contrairement aux plus jeunes…
La campagne s’adresse à tout le monde mais il est vrai que la crise sanitaire a changé le mode de vie des actifs avec la mise en place du télétravail et plus d’effort pour motiver l’acte de sortie pour aller au cinéma. Les habitudes de « consommation » ont également changé avec l’explosion de canaux d’alimentation en films et l’arrivée des plateformes - même si elles présentent assez peu de cinéma et plus de séries.
L’autre catégorie de public qui a changé ses habitudes est celle des jeunes retraités qui étaient des spectateurs très fidèles et réguliers. Ainsi, quand un spectateur qui allait trois ou quatre fois par semaine au cinéma y va moins, vous perdez des entrées mais également des spectateurs curieux qui venaient pour voir les films les moins évidents.
Nous voulions donc une campagne assez généraliste et qui parlait à tout le monde. Par ailleurs, les jeunes sont revenus massivement au cinéma car l’offre le leur permettait et aussi surtout grâce au pass Culture qui nous a énormément aidés.
Dans cette grande opération de reconquête, quel rôle peuvent jouer les exploitants des salles de cinéma ?
Notre rôle est de nous réinventer en permanence et de rééditorialiser les films. On se rend compte aujourd’hui que les exploitants ont un rôle capital à jouer dans l’animation des lieux. Nos spectateurs ne sont pas que des consommateurs, ils ne viennent pas uniquement pour voir un film mais aussi pour participer, réfléchir, rencontrer des talents, discuter lors de soirées débat, mettre en perspective les films.
Ce qui est important, c’est également de maintenir la qualité des équipements pour que les gens soient toujours accueillis le mieux possible dans de meilleures conditions de confort. Nous avons la volonté de continuer à proposer au public le meilleur parc de salles au monde, ce pour quoi la France est reconnue aujourd’hui.
Le prix du billet est un autre argument avancé par le public pour justifier son non-retour dans les salles… Est-ce un sujet sur lequel vous avez prévu de travailler ?
Il faut relativiser cette problématique du prix du billet. En France, le tarif moyen est à 7 euros et non pas 15 voire 20 comme on l’entend. Cela veut dire qu’il faut plus communiquer de façon suffisamment efficace sur le fait que le cinéma est le loisir culturel le moins cher du monde. Il suffit de regarder combien coûte une place de théâtre, de concert, un billet pour aller voir un match de football… Sans oublier qu’une place de cinéma participe au financement de la création et au maintien des salles de cinéma dans toute leur diversité.
Nous avons une politique tarifaire parmi les plus dynamiques du monde entre les abonnements illimités, les cartes d’abonnement, les jours et séances à tarifs réduits. Mais nous avons toujours du mal à montrer ce dynamisme car le cinéma est un bien immatériel et non physique. Vous trouverez toujours trop cher le prix d’une place pour un film que vous n’avez pas aimé et dans le même temps, vous serez prêts à dépenser beaucoup d’argent pour le film que vous avez envie de voir.
Y a-t-il des raisons d’être optimiste quant à l’avenir des salles de cinéma ?
Je suis très optimiste. On sait que l’année 2023 va être une année exceptionnelle en termes de films. On voit la diversité des productions françaises dans tous les domaines, de la production à gros budget comme Astérix et Obélix : L'Empire du milieu, L’abbé Pierre – Une vie de combats ou le diptyque Les 3 mousquetaires, aux films à plus petit budget en passant par le grand retour des films américains.
Il y a une vraie raison d’espérer et avec une offre pareille et le déclic redonné à nos concitoyens, on peut espérer que l’année 2023 va être celle du redémarrage complet et, pourquoi pas, celle des 200 millions de spectateurs. Je croise les doigts pour que l’on repasse ce cap symbolique et pour que la France continue à être le pays d’Europe le plus cinéphile.
Et vous, quelle est votre bonne raison d’aller au cinéma ?
Pour me déconnecter et me laisser aller. J’adore rentrer dans une salle quasiment sans savoir ce que je vais voir, totalement vierge de toute influence, d’éteindre mon portable et de me laisser surprendre parfois par des choses que je n’avais même pas imaginées. C’est un bonheur absolu de se laisser vraiment déstabiliser, sortir de ses propres convictions et vivre une émotion à laquelle on ne s’attend pas.
Une campagne menée jusqu’au 20 novembre
Un spot pour inviter les spectateurs à aller au cinéma pour toutes les bonnes raisons qui sont les leurs : découvrir des films, en parler, rire et pleurer ensemble dans le noir, se cultiver avec toute la diversité des films du monde, se divertir dans un environnement de confort et de technologie…
Depuis le 26 octobre et jusqu’au 20 novembre, ce spot, et plus globalement cette campagne de communication de soutien au cinéma « On a tous une bonne raison d’aller au cinéma » seront diffusés, à la fois à la télévision et sur les sites de télévision de rattrapage des chaînes. Une déclinaison en salle de cinéma est également prévue ainsi qu’un affichage électronique dans les gares. Cette campagne s’accompagne d’un mot-dièse #MaBonneRaison pour les réseaux sociaux.
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