« Je suis persuadée que la culture est la clé de voûte du programme ». Cette conviction, la ministre de la Culture, invitée par la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à ouvrir, le 7 septembre, à la Cité de l’architecture et du patrimoine, la 4e rencontre nationale du programme « Action Cœur de Ville », piloté par l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCTV), a démontré sa pertinence à travers de nombreux exemples. A commencer par l’annonce du projet de la Cité de l’architecture et du patrimoine, hôte pour la troisième fois de cette rencontre, de mettre sa collection sur le patrimoine architectural à la disposition des maires, sous forme de dépôts.
Au-delà de ce geste fort, la ministre a rappelé la diversité des leviers culturels dont peuvent se saisir les maires du programme « Action Cœur de Ville » : « La création ou la rénovation d’équipements et d’établissements artistiques et culturels [à l’image de la nouvelle Maison de la culture de Bourges que la ministre a inauguré le 9 septembre], les commerces et les industries culturelles avec l’ambition d’ouvrir plusieurs centaines de librairies dans le centre de villes petites et moyennes, la participation à la vie culturelle avec le pass Culture, les métiers d’art et les tiers-lieux culturels, enfin la commande publique en arts plastiques et le design ». Autant de « leviers [qui] sont possibles en prenant appui sur le patrimoine et les richesses culturelles des villes », a-t-elle conclu.
Pour concrétiser ces projets, les engagements financiers en faveur du volet culturel du programme « Action Cœur de Ville » sont, depuis 2018, au rendez-vous. Les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ont ainsi mobilisé plus de 437 millions d’euros en faveur des villes du programme « Action Cœur de Ville », et les municipalités ont signé plus de 420 conventions avec le ministère de la Culture, lesquelles sont à présent également éligibles à deux autres dispositifs : « les Quartiers culturels créatifs, qui doivent aider la création et le développement de tiers lieux culturels et le label des Capitales françaises de la Culture [dont Villeurbanne est le premier lauréat] qui a vocation à distinguer l’attractivité culturelle d’un territoire ». Par ailleurs, sur un total de 1,6 milliard d’euros de crédits budgétaires dédiés à la culture dans le cadre du plan de relance, 460 millions sont directement fléchés en direction des territoires avec notamment 354 millions d’euros déployés dans 59 villes du programme « Action Cœur de Ville ».
Écologie, démographie, économie : les grands défis contemporains en question
Face aux grands défis contemporains – démographique, écologique et économique –, « la culture a [également] un rôle à jouer », a assuré la ministre de la Culture, en revenant sur les multiples initiatives volontaristes prises par le ministère de la Culture concernant le volet développement durable des activités culturelles, en particulier sur l’architecture et les festivals.
Selon la ministre de la Culture, « répondre à l’urgence [écologique] implique d’utiliser tous les moyens pour parvenir à un aménagement sobre et humaniste en utilisant des matériaux bio-sourcés, géo-sourcés, recyclables, à faible empreinte environnementale et en valorisant le bâti existant. Le numérique et les innovations technologiques sont précieux pour concevoir une architecture durable, robuste et adaptable face aux changements climatiques ». Autre volet important : l’éco-responsabilité des festivals. « Dans le cadre des États généraux des festivals, le ministère de la Culture mène des travaux d’envergure sur les pratiques durables des organisateurs de festivals ». Une réflexion qui se concrétisera prochainement avec la publication d’une charte des festivals intégrant le développement durable.
A Arles 95 000 plantes ont permis de faire baisser la température ; à Bruxelles, le ballast a été enterré pour stocker l’eau ; à Paris-Défense, 100 arbres ont été plantés au-dessus d’un boulevard...
Vers une architecture durable
Des préconisations auxquelles sont sensibles plusieurs acteurs culturels, à l’instar d’Hélène Peskine, secrétaire permanente du Plan Urbanisme, qui plaide, en ouverture de la table-ronde sur la transformation écologique, pour « une vision créative de la lutte pour le renouvellement urbain et le projet de territoire intégré ».
Jean-Marc Bouillon, paysagiste-concepteur, président du fonds de dotation Intelligence Nature, souligne, quant à lui, l’ampleur de la tâche qu’il reste à accomplir. En matière de lutte contre l’artificialisation des sols par exemple, « l’ensemble des projets mis en œuvre aujourd’hui ne régénèrent le tissu urbain que de 1% en un an », alerte-t-il. « On a perdu le lien avec le territoire du fait de cette artificialisation », abonde Bas Smets, architecte-paysagiste, lauréat 2008 des Nouveaux albums des jeunes architectes et paysagistes. « Il s’agit aujourd’hui de « penser en coupe », de voir le paysage urbain en trois dimensions. Les villes sont par nature artificielles, il faut donc inventer des solutions pour faire revenir la nature ». Des solutions développées notamment à Arles où des plantes – 95 000 en tout – ont permis de faire baisser la température ; à Bruxelles, où le ballast a été enterré pour stocker l’eau ; ou encore à Paris dans le quartier de la Défense où, à l’occasion de l’extension de la dalle, 100 arbres ont été plantés au-dessus d’un boulevard.
S’agissant du défi de la transformation écologique, la mobilisation est générale. Et s’il est une conviction unanimement partagée, c’est celle de la nécessité de partir de l’existant. « Nous sommes dans un pays largement équipé » souligne Valérie Mancret-Taylor, directrice générale de l’Agence nationale de l’amélioration de l’habitat (Anah), « 50% des logements nécessaires à l’horizon 2050 existent déjà, simplement, ils ne sont pas adaptés ». L’Anah est précisément là pour accompagner les élus et guider les propriétaires dans la transformation de ces logements existants, elle intervient en somme « sur un patrimoine urbain et patrimonial qui a déjà des qualités pour pouvoir le mettre au niveau des usages ».
En matière de rénovation des logements sociaux, Olivier Sichel, directeur de la banque des territoires, rappelle la priorité que constitue la rénovation thermique des bâtiments, quand Elodie Amblard, directrice générale de Noalis, acteur du logement social en Nouvelle Aquitaine, souligne que le choix d’intervenir sur le patrimoine existant coûte « 30% plus cher que celui d’opter pour des constructions nouvelles », et nécessite par conséquent des financements de l’ensemble des acteurs.
Les logements existants, richesse du présent
La nature en ville comprend la nature à l’école, souligne Xavier Bonnefont, maire d’Angoulême : « En déminéralisant les sols, on peut faire venir la nature dans les cours de récréation, de même, en complément de la rénovation thermique, on peut faire des plantations aux abords des bâtiments. Enfin, on peut conduire des projets pédagogiques en extérieur ». Olivier Sichel abonde : « Les projets de rénovation thermique des écoles doivent intégrer de multiples dimensions : la connectivité, la sécurité, mais aussi la prise en compte de la nature, c’est tout l’objet du plan 1000 écoles que nous pilotons ». Nature d’un côté, friches industrielles de l’autre : Xavier Bonnefont mentionne « les 1200 friches » répertoriées sur le territoire d’Angoulême dont la transformation représente un « enjeu de taille ».
Plutôt que de sobriété, je préfère utiliser les mots agir avec économie, discernement et générosité, souligne Anne Lacaton
Un retour d’expériences parfaitement en phase avec les options défendues par l’architecte Anne Lacaton, prix Pritzker 2020, Grand prix national de l’architecture en 2008 : « Plutôt que de sobriété, je préfère utiliser les mots agir avec économie, discernement et générosité », indique-t-elle, en ajoutant :. « Il faut faire l’effort de prêter attention à l’existant, ne pas détruire mais transformer. Nous avons beaucoup de choses entre les mains, il faut faire mieux avec, ne pas se limiter à la mise aux normes mais apporter plus d’usages, plus de qualité de vie, c’est ce que les gens attendent aujourd’hui. Le logement a besoin de cette polyvalence. La transformation est quelque chose d’ambitieux ». « La sobriété doit infuser dans toutes nos politiques », reprend Lisa Belluco, vice-présidente de la communauté urbaine de Grand Poitiers, en citant les « 150 hectares à usage agricole à commercialiser [sur son territoire] : pourquoi ne conserverait-on pas cet usage pour installer par exemple des maraîchers ? » Sobriété encore avec le développement « des espaces de co-working » pour limiter les déplacements quotidiens, indique Elodie Amblard.
Qu’il s’agisse de végétation, de proposition de nouveaux locaux, d’inclusion sur les mobilités actives, de lien avec le quartier, de projet global, un prérequis apparaît indispensable à Anne Lacaton : « Il faut retrouver le plus possible du sol naturel », plaide-t-elle. « Quand on parle de densification, il y a tout de suite une connotation négative alors qu’il ne s’agit de rien d’autre que de mieux utiliser le sol que l’on a, c’est une stratégie au cas par cas ». Quel regard porte-t-elle globalement sur les projets ? « La prise de conscience est récente mais les choses vont plutôt vite, les actions prennent corps. Ceci dit, nous ne sommes peut-être pas encore assez ambitieux sur les logements, on en détruit encore trop, or l’existant est notre richesse du présent ».
Action Cœur de Ville : les annonces du Président de la République
En clôture de la 4e rencontre nationale du programme « Action Cœur de Ville », le Président de la République a dressé, au cours de son intervention, un bilan d’étape de ce programme. Il a souhaité « remettre les villes moyennes au cœur des politiques d’aménagement » et « répondre aux aspirations nouvelles des Français ».
Pour cela, il a annoncé plusieurs mesures destinées à l’amplification du programme :
➜ La pérennisation du fonds friches de 650 millions d’euros pour la réhabilitation des friches en milieu urbain ;
➜ 350 millions supplémentaires issus des fonds européens pour contribuer aux projets de redynamisation des centralités (dans les communes ou s’exercent l’essentiel des services) ;
➜ Une méthode Action cœur de ville qui s’étendra aux types de projets dans les quartiers, aux entrées de ville et aux zones de gares ;
➜ Des logements de qualité avec la prolongation du processus de défiscalisation dit « Denormandie » pour les travaux de réhabilitation des logements, au-delà de 2022 ;
➜ La poursuite d’actions de décentralisation des services publics (création de 100 manufactures de proximité, décentralisation d’antennes sur le modèle de la DGFIP, etc.).
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