Pas le temps de souffler au jardin Binet. À peine le spectacle très félin de la compagnie Ici théâtre terminé qu’il faut se rendre sur l’esplanade à l’entrée pour Oh si oh si, un spectacle de krump, une danse de la fin des années 90 importée des quartiers pauvres de Los Angeles et faite de mouvements saccadés. « Le krump est une danse métissée, issue du clown (une autre danse l’époque ndlr) et des arts martiaux, explique Florence Bermond, chorégraphe, comédienne et metteuse en scène de La Louve Aimantée, compagnie créée en 2005. Elle exprime la révolte et a été inventée pour canaliser la jeunesse et devenir un vecteur d’expression de leur colère. » Le spectacle se transforme à la fin en véritable initiation pour les spectateurs, avec l’apprentissage de quelques mouvements basiques avec les bras. Puis direction le bateau pirate de l’aire de jeux du jardin pour voir BaroDa, une compagnie malienne qui reprend en français et en bambara – l’une des principales langues du Mali – les fables datant de 600 avant Jésus-Christ d’Esope, un grec que l’on disait venu d’Afrique et qui inspira plus tard Jean de la Fontaine.
Ancrage local, programmation internationale
Ce subtil mélange de spectacles et de disciplines préparé pendant toute l’année fait tout le sel du festival des Essentiels depuis 2020. « Un pur produit covid, résume Loïc Canitrot, le créateur de l’événement. Suite au confinement, nous voulions préparer un moment pour jouer et où les habitants pourraient se rencontrer à travers des activités culturelles originales. » L’événement prend ainsi place pendant les vacances dans des quartiers de région parisienne, en plein mois d’août, période très calme sur le plan culturel. « Il y avait la volonté d’être là où tout le monde est en vacances, sauf ceux qui ne partent pas en vacances, reprend Loïc Canitrot. C’est lors de cette période que l’on est le plus utile, présents dans des quartiers populaires pour faire le lien. » Et créer des moments hors du temps comme un opéra lyrique pluvieux où public et artistes se retrouvent sur la même scène, près du piano...
Dans ce festival de taille modeste, le lien avec les habitants est central avec, pour chaque date, une programmation adaptée au lieu et une communication ciblée sur un rayon très faible autour du site. « On distribue des flyers dans les immeubles et sur les marchés aux alentours. Le gros du travail est effectué avec des associations et des établissements culturels et sociaux du quartier », souligne Loïc Canitrot. L’événement affiche cependant une programmation riche avec des artistes internationaux, comme AfroRumbaClub, formation caribéenne, latine et africaine qui vient faire ici l’une de ses rares dates annuelles en France. Il inclut également des associations locales pour favoriser les rencontres.
Un football inclusif
Les Essentiels ont également noué depuis l’an dernier un partenariat avec la FSGT – la Fédération sportive et gymnique du travail - avec sa double casquette sport et éducation populaire pour faire le lien entre l’expression artistique et sportive. En pleine Coupe du monde féminine, une exposition inédite a été créée sur les pratiques féminines du sport.
Pour de la pratique concrète, direction le terrain de l’autre côté de la rue. L’équipe jaune affronte les rouges dans un sport particulier : le walking foot. Ici, interdiction de courir ou de faire monter le ballon au-dessus de la taille, et ce pour une bonne raison. « Il s’agit d’un football adapté pour permettre à toutes les générations de partager le terrain, explique Seck Mamadou, entraîneur de football à l’Olympique Montmartre et encadrant de cette journée. Il permet de faire tomber les rapports de force entre les générations et les sexes. » Outre cette discipline inclusive, les Essentiels proposent, après la capoeira l’an dernier, une découverte du kudo, un art martial qui véhicule des valeurs de respect et d’humilité. Comme un écho aux missions du festival...
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