Les territoires sont-ils toujours, à l'heure du numérique, l'un des socles sur lequel peut s'appuyer la politique culturelle ? Leur définition ne s'est-elle pas déplacée sous l'effet d'enjeux nouveaux, ceux de la dématérialisation et de la dé-territorialisation ? Pour aborder ces questions, le département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la Culture organise, vendredi 7 juin, à Paris, un forum sur les mutations qui traversent les politiques culturelles, en les replaçant dans un contexte européen et international. Entretien avec le démographe Hervé Le Bras, directeur d'études à l’Institut national des études démographiques et à l’École des hautes études en sciences sociales.
Soixante ans après la fondation du ministère de la Culture, sa mission première reste inchangée : favoriser l'accès à la culture pour le plus grand nombre. Ce qui a changé, notamment sous l'effet de la révolution numérique, ce sont les modalités de son action. Pourquoi la question des « territoires » est-elle déterminante pour comprendre les nouveaux enjeux des politiques culturelles ?
La consommation culturelle est très liée au niveau d'éducation. Or, la plus forte différence territoriale se situe entre les grandes villes où se concentrent ceux qui ont au moins bac+2 et les zones rurales, entre les villes de plus de 100 000 habitants et les petites communes. Puisque il n'est pas possible d'équiper ces petites communes comme les grandes, la question de l'accès, donc de la mobilité est fondamentale.
Le numérique, on le sait, a permis l’émergence de nouveaux acteurs, aussi bien sur le plan global (les moteurs de recherche) que local (les propositions culturelles). Est-ce un atout ou un danger pour la diversité culturelle ?
A priori, le numérique est source de diversité et d'indépendance (par exemple, les podcasts). Le danger réside dans une trop grande individualisation. Quand il n'existait qu'une, deux ou trois chaines de télévision, les conversations en famille, entre amis, à la cantine sur les lieux de travail tournaient autour d'une expérience commune. Tous ou presque avaient regardé l'émission phare de la veille. Quand l'offre devient surabondante, cette possibilité de débat, de contact et de partage disparaît ou se concentre en de petits groupes qui ont les mêmes pratiques et fonctionnent en "silo" comme on le dit aujourd'hui et comme Facebook en est l'exemple.
Les capitales européennes de la culture et, aujourd’hui, un projet de capitales culturelles régionales dans l’Hexagone, ont permis de donner un nouveau souffle au dynamisme des villes. Quels sont les nouveaux territoires de la créativité urbaine ?
La créativité urbaine dans les grandes villes françaises est assez dépendante de la présence d'une importante population de jeunes. Ainsi Rennes, Montpellier ou Toulouse comptent près de 15 % de 20-24 ans. Au contraire, les villes qui n'ont pas une grande université ni des fonctions de commandement (administratif, industriel) ont plus de difficulté à entretenir une offre culturelle assez importante.
Les intervenants du forum sur les "Territoires des politiques culturelles"
À l'occasion des 60 ans du ministère de la culture et 70 ans du Conseil de l'Europe, le ministère de la Culture organise le 7 juin un forum interrogeant les territoires des politiques culturelles à l'ère numérique.
Avec Hervé Le Bras, démographe et directeur d'études à l’Institut national des études démographiques et à l’École des hautes études en sciences sociales et Marc Drouet, directeur régional des affaires culturelles des Hauts de France, Loup Wolff, ministère de la Culture, Marjo Mäenpää, Compendium des politiques culturelles, Françoise Benhamou, professeure des universités, membre du Cercle des économistes, Pierre-Jean Benghozi, directeur de recherche au CNRS, professeur à l’École polytechnique, Pascale Bonniel-Chalier, directrice d’études, Université Lyon II et Peter Inkei, directeur du Budapest Observatory, Observatoire régional de la culture en Europe centrale et orientale, Jean-Pierre Saez, directeur de l’Observatoire des politiques culturelles, Élodie Bordat-Chauvin, maître de conférence à l'institut d'études européennes, Université Paris 8, Dominique Sagot-Duvauroux, professeur à l’Université d’Angers, membre du Groupe de recherche angevin en économie et management, Lluis Bonet, professeur à l’Université de Barcelone, Caroline Chapain, maître de conférence à l’Université de Birmingham et Milena Dragicevic Sesic, professeure, ancienne rectrice de l’Université des Arts de Belgrade, responsable de la chaire de l’Unesco « Politiques culturelles et management », Emmanuel Négrier, directeur de recherche au CNRS et du Centre d'études politiques pour l'Europe latine (CEPEL), professeur à l'Université de Montpellier et Nathalie Moureau, professeure à l’Université Paul-Valéry de Montpellier.
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