« J’adore le Brésil ! » L’exclamation n’a cessé de scander la préparation côté français de la Saison Brésil-France 2025, dont la mise en œuvre a été confiée à l'instituto Guimaraes Rosa, côté brésilien, et l’Institut français, opérateur à l'international du ministère de la Culture et du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Et on ne doute pas qu’il en va de même au Brésil, où les liens avec la culture française sont très anciens et très forts. Difficile en tout cas, comme c'est souvent le cas pour les Saisons culturelles, de trouver plus bel écho de la grande proximité entre les deux pays, qui va se déployer en deux temps : le Brésil en France d’avril en septembre, et la France au Brésil d'août à décembre.
Une proximité qui se décline dans la myriade de projets croisés – c’est-à-dire ayant un volet dans les deux pays – à l’image de la création inédite que la chanteuse Angélique Kidjo, accompagnée d’artistes brésiliens, présentera en juin dans le cadre du festival de musique Rio Loco à Toulouse et en août au Brésil. Une proximité qui donne aussi son souffle à une programmation ambitieuse construite autour de trois thématiques, qui situent d’emblée la Saison dans l’actualité la plus brûlante : le climat et la transition écologique ; la diversité des sociétés et le dialogue avec l’Afrique ; la démocratie et la mondialisation équitable. Une proximité, enfin, visible à l’œil nu sur la cartographie de la saison : du nord au sud, d’est en ouest, et dans les territoires ultra-marins, avec plus de 300 événements, la France vivra, jusqu’en septembre 2025, au rythme du Brésil.
Amazonies, une lueur humaine au cœur d’un continent menacé
« Forêt vierge », « poumon vert de la planète » : ces mots viennent immédiatement à l’esprit quand on évoque l’Amazonie, et on imagine, la plupart du temps, une nature hostile autant qu’un lieu impénétrable à l’influence humaine. Il n’en est rien. En témoigne, avec un pluriel qui intrigue autant qu’il met en appétit, « Amazonies », l’exposition que présente du 18 avril 2025 au 8 février 2026 le musée des Confluences, à Lyon. Entre 2018 et 2022, celui-ci, inquiet de la menace que la mondialisation fait peser sur de nombreux savoir-faire et pratiques locales, a en effet effectué plusieurs missions de terrain en Amazonie Brésilienne et travaillé en étroite collaboration avec trois populations : les Kayapó Mebêngôkre, les Asháninkas, les Wayana et Apalaï.
Au-delà de l’enrichissement des collections matérielles, il s’agissait de rencontrer celles et ceux qui détiennent ces savoir-faire et, à travers leur témoignage, de documenter la fonction, les usages, et les rites qui sont liés à certains objets. En résulte aujourd’hui une exposition qui esquisse le portrait d’une Amazonie contemporaine aux multiples facettes et invite à la rencontre des habitants des villages des trois partenaires du musée. Lesquels, tout au long du parcours, font le récit de leur vie quotidienne et de leur relation à la forêt et au monde extérieur à travers la lutte pour la défense de leurs territoires.
Amazonies, musée des Confluences, du 18 avril 2025 au 8 février 2026
La scène créative brésilienne prend ses quartiers dans le patrimoine français
Heureux visiteurs de l’abbaye du Mont-Saint-Michel qui en plus de découvrir, ou redécouvrir, l’un des sites français les plus visités auront la chance d’y admirer Marulho, de l’artiste Cildo Meireles, artiste majeur de la scène brésilienne. Jugez plutôt : dans une œuvre d’une souveraine simplicité, l’artiste évoque la mer avec une puissance rare : fascicules ouverts à même le sol évoquant le ressac, bande-son nous plongeant dans une autre dimension. Plus de trente ans après sa création, l’œuvre, qui exerce toujours la même force hypnotique, revêt une signification renouvelée à l’aune de l’urgence écologique. A noter qu’elle est présentée dans le cadre de « Biens venus », opération associant le Centre national des arts plastiques (CNAP) et le Centre des monuments nationaux autour d’une sélection d’œuvres emblématiques de la collection du Cnap au sein de sept monuments nationaux sur l’ensemble du territoire.
Ce n’est pas tout : deux autres sites patrimoniaux vont accueillir la scène culturelle brésilienne, le Panthéon et l’église de la Madeleine. L’artiste Laura Lima, qui depuis quelques années décline ses « Communal Nests » – sculptures, faites de centaines, voire de milliers de chapeaux de paille repliés sur eux-mêmes – s’installera au Panthéon pour présenter une installation monumentale conçue à la fois sur-mesure et in situ. Quant à la Madeleine, elle est le point d’arrivée d’un défilé culturel, mêlant Samba, maracatú et capoeira, qui culminera dans la cérémonie du Lavage de l’église de la Madeleine. Celle-ci s’inspire de la tradition du « Lavage de Bonfim », deuxième plus grand événement brésilien organisé dans la ville de Salvador de Bahia, et devenu, en 2013, patrimoine immatériel national du Brésil.
Cildo Meireles, Marulho, abbaye du Mont-Saint-Michel, 26 juin - 16 novembre 2025
Laura Lima, installation au Panthéon, 7 juin > été 2025
Lavage de l’église de la Madeleine, du 9 au 14 septembre 2025
La danse sous toutes ses formes comme langage absolu
Performances artistiques ou événements populaires : pendant la saison Brésil-France 2025, on dansera partout en France ! Avec « Brasil Agora », la biennale de la danse de Lyon met huit spectacles et performances d’artistes brésiliens à l’affiche de sa 21e édition. Entre autres, Lia Rodrigues, artiste carioca incontournable, dévoilera son nouvel opus en ouverture de la manifestation, tandis que Luiz de Abreu transmettra O samba do crioulo doido, son solo radical se moquant des stéréotypes liés à la représentation du corps noir, au danseur Calixto Neto.
Au Grand Palais, à l’occasion d’un Grand Bal brésilien dans la lignée des bals populaires qui se déploient dans la ville de Rio au moment de son célèbre carnaval annuel, le public, emmené par Gabriel Haddad Gomes Porto et Leonardo Bora – deux génies brésiliens de l’art carnavalesque – sera invité à danser et à déguster des salgadinhos.
Pendant les journées du patrimoine, la scène artistique brésilienne prendra également ses quartiers à Chaillot avec plusieurs propositions de danse, de musique, des expositions, et un autre grand bal brésilien qui sera le point d’orgue de ce « Chaillot Expérience » très attendu. Rappelons que les liens du théâtre national de la danse avec le Brésil sont de longue date étroits et fructueux, notamment via le projet de résidences artistiques « Cruzamentos » en partenariat avec la Villa Tijuca.
A noter enfin l’exposition « Baile Funk : un cri de liberté » à la maison Folie Wazemmes, laquelle retracera la genèse du funk carioca, originaire des favelas de Rio de Janeiro, à travers sa musique, mais aussi en dévoilant ses racines culturelles urbaines et périphériques.
Biennale de la danse de Lyon, du 6 au 28 septembre 2025
Grand bal Rio Paris, 5 juillet, Grand Palais
Chaillot Expérience, 20-21 septembre 2025
« Baile funk », Maison Folie Wazemmes, Lille, du 21 juin au 21 septembre
Le cabaret, un art de la différence, de l’inclusion et de la diversité
« Le cabaret est un lieu de liberté sans égale, où résonnent les notions de différence, d’inclusion et de diversité », a affirmé Rachida Dati, ministre de la Culture, en lançant le plan cabaret au Moulin-Rouge en janvier dernier. Une phrase qui va comme un gant aux spectacles de cabaret de la saison Brésil-France 2025. Chez Madame Arthur, célèbre cabaret musical drag au cœur de Pigalle, à deux pas du Moulin-Rouge, les créatures de la maison invitent leurs homologues brésiliennes à enflammer la scène dans un spectacle orchestré par Anouk Viale. Les premières ont pour noms Maud’Amour, Lola Dragoness Von Flame, Flack Fontaine. Les secondes Flores Astrais, Shayra Brotero, Alexia Turner et Johann, toutes appartiennent au collectif Themônias composées de personnes d’autochtones et LGBTQIA+ originaires d’Amazonie ayant en partage des références aux expressions artistiques de leur région. Un groupe qui se renforce par les différences de ses membres, en valorisant leurs singularités, à partir de multiples langages artistiques. L’expérience promet d’être décoiffante !
On retrouvera le collectif Themônias quelques jours plus tard à Lille, où la compagnie partagera son univers coloré et atypique avec le public lors de la grande parade d’ouverture de la « Fiesta de Lille 3000 » puis quelques jours plus tard lors d’une soirée au Théâtre du Nord qui s’annonce d’ores et déjà mémorable.
Madame Arthur, du 24 au 27 avril 2025
Collectif Themônias, 26 et 29 avril 2025 dans le cadre de la Fiesta de Lille3000
La jeunesse au cœur de la création
Impossible de ne pas mentionner la place importante faite à la jeunesse, pointe avancée d’une saison Brésil-France 2025 résolument tournée vers l’avenir. Un avenir qui va s’incarner avec éclat, au Grand Palais, dans la fine fleur des jeunes artistes contemporains brésiliens. On pourra ainsi découvrir les univers colorés où dialoguent des sujets liés à la sexualité, à l’oppression féminine, au corps et à l’enfance construits par Agrade Camíz ; les toiles de Vinicius Gerheim où la nature se mêle aux figures animales et humaines ; celles de Paulo-Nimer-Pjota convoquant la culture populaire, l’histoire de l’art et la science ; la peinture érigée en acte de résistance d’Antonio Obá qui mène une réflexion sur l’érotisation du corps de l’homme noir et la construction de sa propre identité en convoquant des icônes historiques et religieuses ; enfin, les univers abstraits et organiques de Marina Perez Simão.
La jeunesse, on va la trouver également dans la rencontre de deux formidables programmes musicaux visant à fédérer des énergies trop souvent laissées en jachère. D’un côté, l’ADO, le premier orchestre lyrique de jeunes en France réunissant 160 élèves issus de onze conservatoires de Paris et de Seine-Saint-Denis créé par l’Opéra de Paris et son Académie, de l’autre l'EMESP TOM JOBIM à Sao Paulo qui permet à 13 000 jeunes issus de quartiers à très forte vulnérabilité sociale d’accéder à des cours de musique. Leur rencontre le 12 juillet dans l’amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne promet de faire des étincelles !
"Horizontes. Peintures brésiliennes", exposition de jeunes artistes brésiliens au Grand Palais, du 6 juin au 25 juillet 2025
ADO invite L'EMESP TOM JOBIM, Paris, amphithéâtre Richelieu de la Sorbonne, 11 juillet 2025
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