Claude Cahun (Nantes, 1894 – Saint-Hélier, Jersey, 1954)
Issue de la grande bourgeoisie intellectuelle nantaise, Lucy Schwob bénéficie d’une formation intellectuelle étonnamment précoce, riche et brillante, qu’elle complète par des études intermittentes de philosophie et de littérature à la Sorbonne entre 1917 et 1918. Alors qu’elle tire parti des appuis de son père, directeur du quotidien Le Phare de la Loire, dans les milieux éditoriaux, elle commence à publier des poèmes en prose, intitulés Vues et visions, dans Le Mercure de France, sous le pseudonyme de Claude Courlis. En 1922, elle s’installe avec sa compagne Suzanne Malherbe dans un atelier à Montparnasse.
Dès les années 1920, alors qu’elle adopte le pseudonyme Claude Cahun, elle multiplie les images d’elle-même. Posant pour l’objectif, elle se métamorphose successivement et se photographie tantôt avec les cheveux longs, courts, rasés ou teints. Cultivant sciemment l’ambivalence sexuelle, elle ne cesse de jouer entre une féminité outrancière et une masculinité affirmée. « Masculin ? Féminin ? Mais ça dépend des cas. Neutre est le seul genre qui me convienne toujours. » écrit-elle dans Aveux non avenus en 1930. Poursuivant le travestissement, elle aborde le thème du masque et du déguisement. Afin de montrer la dualité de l’être, elle use d’artifices variés : dédoublements, symétries, jeux de reflets.
Après un premier petit rôle, en avril 1926, dans Judith, une pièce de Constant Lounsbery, elle rejoint le Plateau, laboratoire théâtral animé par Pierre Albert- Birot, où elle joue dans différentes pièces dont Le Mystère d’Adam et Barbe Bleue. En mai 1930, elle publie Aveux non avenus, essai autobiographique, préfacé par Mac Orlan et illustré de photomontages réalisés en collaboration avec Suzanne Malherbe, qui signe Marcel Moore.
A la suite de sa rencontre avec André Breton, par l’intermédiaire de Jacques Viot, en avril 1932, elle s’associe étroitement au groupe surréaliste, dont elle signe la plupart des déclarations collectives jusqu’à la guerre. En 1934, elle publie un court essai polémique, élaboré dans le cadre de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR), intitulé Les paris sont ouverts, dans lequel elle s’insurge contre la politique culturelle du parti communiste. C’est ainsi qu’elle participe en 1935 à la fondation de Contre-Attaque, regroupement à vocation insurrectionnelle, aux côtés de Georges Bataille et d’André Breton. Parallèlement à cet activisme politique, sous l’impulsion du surréalisme, elle donne un nouvel essor plastique à ses créations. Alors qu’elle participe, en 1936, à l'’Exposition surréaliste d’objets, à la galerie Charles Ratton, elle imagine quelques assemblages « à fonctionnement symbolique ». En collaboration avec Suzanne Malherbe, elle multiplie les tableaux photographiques, en utilisant un matériel hétéroclite, créant des saynètes à l’aide d’éléments trouvés ou fabriqués. L’artiste illustre aussi de ses photographies le recueil de poèmes Le Cœur de pic de Lise Deharme en 1937.
Alors qu’elle se convainc qu’elle doit quitter Paris, elle se décide pour l’île de Jersey et acquiert une grande propriété qu’elle baptise « La Ferme sans nom », où elle s’installe définitivement avec Suzanne Malherbe au printemps 1938. Après quatre ans d’activités frénétiques et clandestines, Claude Cahun et Suzanne Malherbe sont arrêtées par la Gestapo le 25 juillet 1944 et incarcérées dans une prison militaire à Saint-Hélier. Condamnées à mort par la Cour martiale allemande, elles échappent de peu à l’exécution. Jusqu’à la fin de sa vie, en décembre 1954, Claude Cahun poursuit l’exploration de l’image de soi, notamment avec la série Le chemin des chats.
Oubliée après la Seconde Guerre mondiale, redécouverte par François Leperlier, l’œuvre de Claude Cahun trouve depuis un écho considérable, notamment pour les Gender et les Queer studies. En 2015, l’important fonds d’œuvres et documents autour de Claude Cahun, appartenant à la ville de Nantes, conservé par la Bibliothèque municipale et par le musée des Arts, a été présenté à la Médiathèque Jacques Demy à l’occasion de l’exposition « Claude Cahun et ses doubles ».
Franny Tachon
Archives de Claude Cahun en partie numérisées par le Jersey Archives
Sélection d’œuvres de Claude Cahun conservées au musée des Arts et à la Bibliothèque municipale de Nantes
Bibliographie
Aliaga Juan Vicente, Leperlier François (dir.), Claude Cahun, catalogue d’exposition, Jeu de Paume, Paris, 24 mai – 25 septembre 2011, Paris, Hazan/éditions du Jeu de Paume, 2011
Chavanne Blandine, Cahigne Marion, Lebossé Claire (dir.), Claude Cahun et ses doubles, catalogue d’exposition, Nantes, Médiathèque Jacques Demy, 3 juillet – 31 octobre 2015, Nantes, Mémo Editions, 2015
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