L'Inventaire avant l'Inventaire
La genèse des inventaires de monuments et d’œuvres d’art semble inséparable de l’éclosion du sentiment patrimonial et de la volonté de protéger ce patrimoine. Et cependant en France, la connaissance et la conservation constituent deux démarches parallèles qui ne se sont jamais confondues.
La singularité d’une approche documentaire trouve son fondement dans la vision des “antiquaires” qui, de Pereisc à Millin, constituent un corpus d’édifices ainsi rassemblé dans un musée de papier. "Les plus excellents bâtiments de France" de Jacques Androuet du Cerceau se situe déjà dans cette perspective, qui relève de la constitution d’un corpus de modèles pour les architectes et les commanditaires à venir.
Sous l’Ancien Régime, les Monuments de la monarchie française sont déjà de véritables entreprises d’inventaire. L’érudit Roger de Gaignières recommande en particulier :
"La description des villes et leurs plans et vues.
La description des châteaux de conséquence et leurs vues et plans [...].
Les abbayes, leurs fondations et la suite des abbés, ce qui se trouve de
remarquable de chacun [...]."
Il faut attendre la Révolution pour que le vandalisme dénoncé par l’abbé Grégoire suscite en retour des mesures d’inventaire et de protection du patrimoine national. Son expression la plus aboutie est "l’Instruction sur la manière d’inventorier et de conserver, dans toute l’étendue de la République, tous les objets qui peuvent servir aux arts, aux sciences et à l’enseignement", instruction rédigée par Vicq d’Azyr dans le cadre de la commission temporaire des arts, et publiée le 25 ventôse an II (15 mars 1794).
En 1859, rompant avec son attitude antérieure, le ministère de l’Instruction publique prend l’initiative de publier, à raison d’un volume par département, le Répertoire archéologique de la France. Le volume le plus riche est sans doute celui consacré par l’abbé Cochet à la Seine-Inférieure et publié en 1871.
Avant même que ne soit consommé l’échec de la collection des Répertoires archéologiques, une nouvelle entreprise éditoriale voyait le jour sous les auspices de l’Etat : l’Inventaire général des richesses d’art de la France, lancé en 1874 par le directeur des Beaux-Arts, Philippe de Chennevières.
Cette nouvelle collection était consacrée au mobilier.
La France de Vichy voit la naissance de deux entreprises qui préfiguraient l’Inventaire. La première est l’enquête initiée par Georges-Henri Rivière sur l’habitation rurale traditionnelle dont elle cherchait à dresser la typologie. Cette enquête, menée dans le cadre du musée des Arts et traditions populaires, devait donner lieu, quarante ans plus tard, à la publication des volumes de "L’architecture rurale française".
La seconde entreprise est celle du Recensement des monuments anciens, lancée au printemps 1944, et destinée à constituer le Casier archéologique, vivier de protections futures au titre des Monuments historiques. Disposant à l’origine de moyens humains assez importants, mais sans être appuyée sur une réflexion méthodologique, l’opération s’essouffla rapidement, étant néanmoins parvenue, à la fin des années 1950, à réunir une documentation précieuse sur une quarantaine de départements.
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