2.XIXe siècle
Les femmes artistes au XIXe siècle
Formation
Les femmes ne peuvent pas bénéficier de l’enseignement artistique officiel avant la fin du siècle : elles n’ont en effet pas accès à l’École des beaux-arts avant 1897, d’abord pour assister aux cours théoriques, puis en 1900 pour travailler en ateliers. Mais il faut attendre 1903 pour qu’elles obtiennent le droit de concourir au prix de Rome. La première femme lauréate est Lucienne Heuvelmans en 1911, dans la section sculpture, et Odette Pauvert, en 1925, pour la section peinture.
Les femmes peuvent toutefois accéder, de façon relativement égalitaire, à une formation artistique de qualité tout au long du siècle. Dans un premier temps, la plupart des femmes artistes de la fin du XVIIIe siècle possède des liens de parenté avec des artistes, par exemple Elisabeth Vigée-Lebrun et Marguerite Gérard, respectivement fille et épouse de peintre, auprès de qui elles apprennent le métier. Au cours du XIXe siècle, l’enseignement artistique évolue et s’ouvre aux jeunes filles de milieux sociaux plus modestes grâce à la fondation, sous le Consulat, d’une école gratuite de dessin, puis grâce à la transformation, sous l’Empire, du pensionnat fondé par Mme Campan, en maison d’éducation réservée aux filles des membres de l’Ordre de la Légion d’Honneur [1].
A Paris, à la fin de l’Empire, tous les ateliers privés coexistent à l’ombre de celui de David ; après son exil, une dizaine d’ateliers prennent vraiment de l’importance. Ils proposent des sections féminines, dans lesquelles sont formées de talentueuses consœurs comme Constance Charpentier, Pauline Auzou ou Constance Mayer. Les femmes artistes ouvrent également des ateliers privés ; on en dénombre une petite dizaine au cours des années 1820-1840, dont les deux plus réputés sont celui de la peintre sur porcelaine Marie Victoire Jaquotot et celui de la miniaturiste Lizinska de Mirbel. Les élèves miniaturistes de cette dernière concentrent les médailles au Salon, particulièrement de 1837 à 1848 [2].
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’atelier de Charles Chaplin (1825-1891) où sont formées Mary Cassatt, Eva Gonzales ou Madeleine Lemaire, ainsi que l’atelier de Léon Cogniet (1794-1880), sont les plus importants. Marie-Amélie Cogniet, soeur du peintre, épaulée par sa belle-sœur, Caroline Thevenin, s’occupe de l’atelier des jeunes femmes. Jean-Jacques Henner (1829-1905) et Carolus-Duran (1837-1917) organisent également un « atelier des dames » entre 1874 et 1889, dont Louise Abbema se recommande.
Dans le dernier quart du siècle, les deux grands foyers de formation sont l’académie Colarossi, qui est fréquentée par Camille Claudel et surtout, l’académie Julian. Son atelier pour femmes est connu grâce au journal de Marie Bashkirtseff, jeune ukrainienne qui y entre en 1877. La notoriété de cette académie vient de la qualité de son enseignement d’après le modèle nu, féminin et masculin [3].
Le Salon
Les jeunes femmes formées dans les ateliers privés suivent les parcours de leurs collègues masculins et tentent de se faire connaître au Salon, bien conscientes de l’impact de cette manifestation sur leurs carrières. Pour y accéder, les plasticiennes ont à payer un droit d’entrée plus élevé que leurs collègues masculins ! Là, elles subissent, bien plus violemment qu’eux, les conséquences d’un système, qui peine dès le milieu des années 1820, à absorber toutes les aspirantes au statut d’artistes. Entre 1791 et 1848, le taux de féminisation des peintres atteint 16% : les livrets de Salon témoignent alors qu’un peintre sur cinq est une femme [4]. Tout au long du siècle, le nombre d’exposantes ne cesse d’augmenter. Si elles sont minoritaires dans la première section, celle de la peinture à l’huile, elles sont plus nombreuses dans celle des arts décoratifs regroupant l’aquarelle, la miniature, la peinture sur émail ou sur porcelaine.
Au Salon de 1848, qui est déclaré libre, donc sans jury, ce sont près de 300 participantes qui affluent, dont nombre de très jeunes artistes qui n’auraient sans doute pas tenté leur chance en temps normal. La critique est très sévère à l’encontre des exposants des deux sexes, à l’exception notable de la jeune peintre, Rosa Bonheur, dont les toiles sont remarquées ; elle est d’ailleurs honorée, à l’issue du Salon, d’une médaille d’or et d’une commande publique.
Les envois des femmes peintres ne consistent pas uniquement en des tableaux de fleurs, même si ce domaine est l’un de ceux où elles excellent. Scènes patriotiques ou historiques coexistent à côté de la majorité des contributions regroupant scènes de genre, paysages, animaux, natures mortes et portraits. Au milieu du XIXe siècle, les femmes ne sont que peu primées. Cela évolue vers la fin du siècle : en 1880, sept femmes sont distinguées, sept également en 1885 et dix en 1889, sur une moyenne de quatre-vingt-cinq médailles et mentions décernées chaque année ; elles se contentent des mentions honorables, parfois des médailles de troisième classe, plus rarement de seconde et première classe, mais elles n’obtiennent jamais de médailles d’honneur [5].
Pour protester contre l’hégémonie des hommes dans toutes les instances du pouvoir artistique, elles créent, sous la présidence de la sculptrice Hélène Bertaux, en 1881, l’Union des femmes peintres et sculpteurs ; l'association milite pour une reconnaissance des artistes femmes par les institutions et surtout pour l'entrée des femmes à l’école des beaux-arts, ce qui est acquis, à la fin du siècle, de longue lutte.
Maëva Abillard
Bibliographie
Noël Denise, « Les femmes peintres dans la seconde moitié du XIXe siècle », Clio. Femmes, Genre, Histoire, 2004
Sofio Séverine, Artistes femmes. La parenthèse enchantée. XVIIe-XIXe siècles, Paris, Editions du CNRS, 2016
[1] Séverine Sofio, Artistes femmes. La parenthèse enchantée. XVIIe-XIXe siècles, Paris, Editions du CNRS, 2016, coll. «Culture et Société », p. 184-186.
[2] Séverine Sofio, op. cit., p. 216
[3] Denise Noël, « Les femmes peintres dans la seconde moitié du XIXe siècle », Clio. Femmes, Genre, Histoire [En ligne], 19 | 2004.
[4] Séverine Sofio, op. cit., p. 222.
[5] Denise Noël, op. cit.
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