Loïe Fuller (Hisdale, 1869 – Paris, 1928)
Née dans une modeste pension de famille tenue par ses parents près de Chicago, Marie Louise Fuller se familiarise avec la scène dès les premières années de son enfance : elle joue dans plusieurs pièces et récite des sermons. A Chicago, elle fait ses débuts dans des spectacles de variétés et de vaudeville. Alors qu’elle choisit comme nom de scène Loïe Fuller en 1885, elle fonde sa propre troupe et effectue une grande tournée aux Etats-Unis, aux Bermudes, aux Antilles et en Jamaïque en 1889.
En 1891, lors de la pièce Quack Medical Doctor, elle expérimente une nouvelle forme de danse, composée de jeux de lumières électrique, de mouvements du corps et d’étoffes très légères. Forte de cette expérience, novice dans l’art du ballet, libre de toute tradition, elle travaille à son premier spectacle dans un esprit totalement abstrait. C’est ainsi qu’elle crée la chorégraphie de la « Danse serpentine » au Casino Theater de New-York en 1892. Alors qu’elle tente d’en déposer le copyright pour éviter les imitatrices, elle se voit refuser la propriété artistique de sa création. Déboutée et écoeurée, elle part pour l’Europe. Installée à Paris, elle se produit seule aux Folies-Bergère, où elle rencontre un succès fulgurant. Alors qu’elle rompt son contrat avec Edouard Marchand (1859-1905), directeur de la salle de spectacle parisienne, elle donne des représentations à Londres, Bruxelles, Anvers et dans plusieurs villes d’Europe du Nord.
Grâce à l’utilisation de projections colorées sur des voiles de soie, qu’elle manipule à l’aide de cordes et de longues tiges de bambous, elle imagine des constructions spatiales purement visuelles, éphémères et lumineuses. Concevant ses danses comme des productions scientifiques aux fins esthétiques, elle aménage un laboratoire dès 1898, dans lequel elle fait des recherches sur des mélanges chimiques pour les gélatines et les projections. En 1899, elle crée la « Danse du miroir », qui joue sur la démultiplication de l’image de la danseuse réfléchie sur des miroirs et des panneaux de verre.
Lors de l’Exposition universelle de 1900, elle fait construire un pavillon par l’architecte Henri Sauvage (1873-1932), où elle présente, outre ses propres chorégraphies, la troupe Sada Yacco dirigée par Kawakami Otojiro, avant-garde du théâtre japonais. Dans ce musée-théâtre, décoré par Francis Jourdain et Pierre Roche, elle y expose de nombreux objets d’art, que ses danses ont inspiré.
En 1908, elle publie son autobiographie intitulée Quinze ans de ma vie, préfacée par Anatole France. La même année, elle crée une école de danse aux Etats-Unis et au Canada. En 1913, elle rencontre la comtesse Armande de Polignac, compositeur et auteur dramatique. Les deux femmes écrivent et réalisent ensemble plusieurs poèmes symphoniques, dont Les Mille et Une Nuits. Au début de la guerre, alors qu’elle part aux Etats-Unis, Loïe Fuller organise, au profit des blessés français, des ventes de charité, des conférences et des expositions. D’abord réticente à l’égard du septième art, Loie Fuller tourne finalement Le Lys de la vie entre 1920 et 1921, une adaptation d’un conte de la reine Marie de Roumanie, son amie, qu’elle écrit et réalise avec sa compagne Gabrielle Bloch (1870-1961), dit Gab Sorère. Dans ce film, elles inventent les premières utilisations combinées du ralenti, du virage teinté et de l’image en négatif. En 1925, Loïe Fuller participe à l’Exposition internationale des arts décoratifs avec une œuvre imposante : 4 000 mètres de tissu animés par soixante-quinze danseuses (Sur la mer immense).
Chantée, admirée, célébrée de son temps, Loïe Fuller devient elle-même une source d’inspiration pour bon nombre d’artistes au début du XXe siècle. Le cinéma, dès ses origines, s’intéresse à sa « Danse serpentine » : les courts-métrages coloriés autour de cette chorégraphie se multiplient en Europe et aux Etats-Unis, remportant partout un succès populaire. La photographie tente à son tour de donner l’illusion du mouvement de la danse sur le papier. Plusieurs photographes européens tel Eugène Druet ou américains tel Harry Ellis réalisent, avec la complicité de l’artiste, des images expérimentales, qui marquent l’avènement de la photographie de danse.
La danse ondoyante de Loïe Fuller initie une nouvelle esthétique, que certains artistes de l’Art nouveau déclinent dans leurs œuvres. L’image onirique de « la Loïe Fuller » est multipliée par les moyens de l’affiche par Jules Chéret, du dessin par René Binet, de la lithographie par Toulouse-Lautrec, des sculptures décoratives par François Rupert Carabin ou des objets mobiliers. En 2002, l’exposition « Loïe Fuller. Danseuse de l’Art Nouveau », organisée par le musée de l’Ecole de Nancy et la Ville de Nancy et présentée au musée des beaux-arts de Nancy, revient sur l’influence qu’exerça la danseuse comme muse des créateurs de l’Art Nouveau.
Franny Tachon
Sélection de représentations de Loïe Fuller sur la base Joconde Pop
Bibliographie
Thomas Valérie, Perrin Jérôme, Loïe Fuller, danseuse de l’Art Nouveau, catalogue d’exposition, Nancy, musée des Beaux-arts de Nancy, 17 mai – 19 août 2002, Paris, Réunion des Musées Nationaux, 2002
Gonnard Catherine, Lebovici Élisabeth, Femmes artistes, artistes femmes : Paris, de 1880 à nos jours, Paris, Hazan, 2007
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