Mary Cassatt (Allegheny (Pennsylvanie), 1844 – Le Mesnil-Théribus, 1926)
Mary Cassatt est la quatrième d’une famille de cinq enfants (les liens familiaux joueront un rôle considérable à la fois dans sa vie et dans son œuvre). Ses parents appartiennent à la classe moyenne supérieure. Cette aisance familiale permettra à M. Cassatt de ne pas être totalement tributaire de la vente de ses œuvres pour vivre. Par son père, elle a de lointaines origines françaises. En 1851, toute la famille part pour l’Europe. M. Cassatt déclarera par la suite : « Au plus lointain de mes souvenirs je me revois petite fille de cinq ou six ans, apprenant à lire à Paris ». En 1855 les Cassatt regagnent les Etas-Unis. En 1858, Mary entre à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts. En 1865, accompagnée de sa mère, elle se rend en Europe. Mary suit les cours de Jean-Léon Gérôme (1824-1904), Charles Chaplin (1825-1891), Paul-Constant Soyer (1823-1903), Thomas Couture (1815-1879). Elle est acceptée pour la première fois au Salon en 1868, mais refusée l’année suivante et acceptée de nouveau en 1870. Ses œuvres sont présentées sous le nom de Mary Stevenson. Elle part pour Rome, puis quitte l’Europe au moment de la déclaration de guerre franco-prussienne. Grâce à une commande de copies de deux peintures de Corrège (v. 1489-1534), elle revient en Europe dès 1871. Elle séjourne à Parme, se rend en Espagne, puis au Pays-Bas et en Belgique, à Rome, et elle s’installe finalement à Paris, en 1874. La France va devenir sa nouvelle patrie, parce que une femme, dira-t-elle, peut y « être quelqu’un et non quelque chose ». Pourtant, en 1913, elle affirmera : « Je suis Américaine […] nettement et franchement Américaine », quitte à ajouter « Je n’aime pas les Américains. J’ai vécu trop longtemps en France ».
De 1872 à 1876, elle présente chaque année des œuvres au Salon, toujours sous le nom de Mary Stevenson, puis sous celui de Mary Stevenson-Cassatt. Certaines de ses œuvres sont refusées (1875 et 1877). Une autre est présentée à l’exposition universelle de 1878, année où elle décide de rejoindre, à l’invitation de Degas (1834-1917), le groupe impressionniste, dont elle va devenir l’un des membres les plus actifs, et avec lequel elle exposera de 1879 à 1886 (avec une exception en 1882 où, par fidélité pour Degas, alors en conflit avec Gustave Caillebotte (1848-1894), elle s’abstient). Cassatt entretiendra avec Degas une relation d’amitié faite de heurts et de ruptures. Degas représentera M. Cassatt sur plusieurs estampes, dessins et un pastel, ainsi que dans un portrait peint qu’elle n’appréciera pas du tout. Camille Pissarro (1830-1903) sera également l’un des amis les plus fidèles de M. Cassatt, ainsi que Pierre-Auguste Renoir (1841-1919), mais dans une moindre mesure. Si elle-même acquiert des œuvres de Berthe Morisot, cette dernière se montre plus distante à l’encontre de M. Cassatt, en dépit des efforts de leur ami commun, Stéphane Mallarmé (1842-1898).
A partir des années 1880, M. Cassatt expérimente la gravure, technique qu’elle va utiliser de manière originale. Elle trouvera, en 1890, une réponse aussi éblouissante qu’efficace - ce qui ne manquera pas de susciter la jalousie - au problème de l’estampe en couleur, à laquelle s’intéresse alors les meilleurs graveurs de cette époque. En 1892, à l’initiative de Sarah Tyson Hallowell, Bertha Palmer lui commande une décoration monumentale (détruite) pour le Pavillon de la Femme de l’exposition universelle de Chicago, en 1893. A cette époque, M. Cassatt acquiert le château de Beaufresne, au Mesnil-Théribus, dans l’Oise.
A la fin des années 1890, M. Cassatt va devenir, avec Paul Durand-Ruel (1831-1922), la principale conseillère des Havemeyer, qui constituent alors une collection de peintures. M. Cassatt se montre d’une rare intelligence pour ce qui concerne la peinture moderne. Elle essaie de faire acquérir l’Olympia d'Edouard Manet (1832-1883) et Impression soleil levant de Claude Monet (1840-1926), par des collectionneurs américains. Car elle conseille plusieurs amateurs richissimes (y compris l’un de ses frères) qui, pour la plupart veulent faire bénéficier les musées américains de leur générosité. L’ambition de M. Cassatt est, en effet, de permettre l’éclosion aux Etats-Unis une école de peinture originale. Elle considère que, pour cela, l’étude des œuvres des grands maîtres, dans les musées, est essentielle.
Si M. Cassatt promeut outre-Atlantique le travail de ses confrères impressionnistes, ce n’est qu’à partir de 1904 que sa propre production obtient la reconnaissance dans son pays natal. Cette même année, elle reçoit la Légion d’honneur (cote : LH/2550/9). En 1913, Achille Segard (1872-1936) lui consacre une biographie. Néanmoins, les musées nationaux français ne possèdent qu’une seule peinture de cette artiste, œuvre entrée grâce à la générosité d’Antonin Personnaz (1854-1936). Notons au passage que pas plus M. Cassatt que B. Morisot ne figuraient dans la collection Caillebotte, léguée à l'Etat en 1891. M. Cassatt avait offert l’un de ses pastels à l’Etat français dès 1897. Grâce aux excellentes relations que son directeur entretien avec M. Cassatt, le Petit Palais, musée des beaux-arts de la ville de Paris, bénéficie de donations de l’artiste, de ses amis, ainsi que de Ambroise Vollard (1866-1939) qui, avec Durand-Ruel aura été l’un des deux marchands de M. Cassatt.
Au début du vingtième siècle, M. Cassatt (qui détestait le terme femme artiste) s’engage résolument auprès de son amie Louisine Havemeyer dans son combat pour obtenir le droit de vote des femmes aux Etats-Unis ; un geste « patriotique », selon M. Cassatt, qui déshéritera une branche de sa famille n’adhérant pas à ses convictions.
Ses dernières années sont assombries par des problèmes de santé (diabète et perte progressive de la vue). Elle meurt dans son château du Mesnil-Théribus. Si, à cette date, son style peut paraître dépassé, cette femme indépendante, résolument engagée dans son combat, reste, et restera, pour tous ses confrères américains, l’icône même de l’Artiste.
Laurent Manoeuvre
Sélection d'oeuvres de Mary Cassatt sur la base Joconde Pop
Bibliographie
Manœuvre Laurent, Mary Cassatt : au cœur de l'impressionnisme, Garches, A propos, 2018
Manœuvre Laurent, Les pionnières : femmes et impressionnistes, Rouen, Editions des Falaises, 2016
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